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Pommes de terre, frites, chips : pourquoi les prix ont flambé ces derniers mois

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Le prix des pommes de terre, mais aussi des frites, des chips ou des pommes dauphines, a fortement augmenté ces derniers mois, jusqu'à 25%. Récoltes en baisse, coûts de production en hausse, demande toujours plus forte... Tous les ingrédients d'une flambée des prix sont réunis.

Les pomme de terres, sous toutes leurs formes, ont vu leurs prix flamber ces derniers mois. Les pomme de terres, sous toutes leurs formes, ont vu leurs prix flamber ces derniers mois.
Les pomme de terres, sous toutes leurs formes, ont vu leurs prix flamber ces derniers mois. © Getty - Alex Walker

Frites au restaurant, purée maison, pommes noisette à la cantine, chips à l'apéro : les Français raffolent de la pomme de terre, à tel point que chaque habitant en consomme, en moyenne, 50 kilos par an, dont 30 kilos sous forme transformée (purée, frites, chips...). Alors forcément, quand les prix flambent, le budget des familles s'en ressent. L'équipe du Panier France Bleu, qui suit chaque mois les prix de 37 produits du quotidien avec franceinfo et NielsenIQ, a remarqué que les prix des pommes de terre et de ses dérivés continuaient à augmenter ces derniers mois, malgré une stabilisation de la plupart des catégories alimentaires.

Selon l'Insee, en un an, le filet d'un kilo de pommes de terre est passé de 1,70 euro à 2,09 euros en rayon, soit une hausse de 39 centimes et près de 23% entre septembre 2022 et septembre 2023. Le prix des pommes de terre surgelées (frites, potatoes...) a, lui, bondi de 25% en un an, sur la saison 2022/2023. Les purées subissent une hausse de 20%, et les chips de 18%, d'après les chiffres des industriels. De la récolte au chariot de courses, France Bleu vous explique pourquoi la pomme de terre et ses produits transformés ont vu leur prix bondir ces derniers mois.

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Parce que la sécheresse a gâché la récolte 2022

L'envolée des prix s'explique en premier lieu par la très mauvaise récolte de 2022. "La pire de ces 30 dernières années", résume Geoffroy d'Evry, cultivateur à Nampcel dans l'Oise et président de l'UNPT, l'Union nationale des producteurs de pommes de terre. La sécheresse historique de l'été 2022 a entraîné une récolte désastreuse. Conséquence, "une production nationale historiquement faible", résume Geoffroy d'Evry, et une rareté qui fait flamber les prix pour toute l'année qui suit.

Il faut en effet comprendre que la majorité des pommes de terre présentes en rayon ou sur les étals sont des pommes de terre "de conservation" : récoltées en été et à l'automne, elles sont conservées plusieurs mois en chambre froide, et mises en rayon au fil de la saison. Les pommes de terre que l'on consomme de septembre à août sont donc quasiment toutes issues de la même récolte. Seules les variété "primeur", comme les pommes de terre de Noirmoutier ou de l'île de Ré, sont vendues peu après leur récolte.

Parce que la hausse du prix de l'énergie plombe toute la chaîne de production

Autre facteur évident de hausse, les prix de l'énergie : dans le sillage du déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, les agriculteurs ont vu exploser le prix du fioul de leurs tracteurs, le coût des engrais pour faire pousser les pommes de terre, et le coût du gaz et de l'électricité nécessaire à la conservation en chambre froide. "Le coût de production à la tonne s'est envolé de 25% en 2022, alors même que les rendements étaient en baisse", explique Bertrand Ouillon, le directeur du GIPT, l'interprofession de la pomme de terre transformée. Le groupement fait l'intermédiaire entre les producteurs et les industriels comme Mac Cain, Vico ou encore Altho, qui fabrique les chips de la marque Bret's et pour la plupart des marques distributeurs (Marque repère, Auchan, Carrefour, Monoprix ou encore Biocoop.)

Au même moment, les usines de transformation elles-mêmes sont frappées par la hausse des prix de l'énergie nécessaire à la transformation des pommes de terre, mais aussi à celle des emballages et des transports, alors que les salaires des collaborateurs sont eux aussi revus à hausse pour suivre l'inflation. "L'ensemble des coûts de la chaîne d'approvisionnement a augmenté", explique Bertrand Ouillon.

La hausse du coût des transports pèse d'autant plus que la France doit importer la moitié des produits transformés à partir de ses propres pommes de terre : des usines installées en Belgique et aux Pays-bas transforment chaque année 1,7 à 1,8 million de tonnes de pommes de terre françaises en frites surgelées ou en chips.

Parce que les producteurs sont mieux rémunérés

Les industriels, qui consomment la majeure partie de la production française (4 à 4,5 millions de tonnes sur les 7 millions produites chaque année), rémunèrent aussi mieux les cultivateurs. Pour tenir compte du coût de production, mais aussi pour les inciter à continuer la pomme de terre, plutôt que de se tourner vers des cultures plus rémunératrices comme le blé. En deux ans, les contrats qui lient les deux parties ont augmenté de 50% : 13% en 2021 et 36% en 2022. Des hausses qui se répercutent en rayon toute l'année, les accords étant négociés en décembre ou janvier pour la récolte à venir, soit huit mois à l'avance.

Ces réévaluations de contrats "étaient un mal nécessaire pour permettre aux agriculteurs de continuer à faire de la pomme de terre, sinon ils auraient purement et simplement arrêté", tranche Geoffroy d'Evry. "Avec le risque de sécheresse et d'accidents climatiques, quand on est agriculteur, on évalue à quel prix on est prêt à engager une production pour l'année", explique le cultivateur. "Au niveau du risque, on s'aperçoit ces dernières années que la production est de plus en plus compliquée", renchérit Betrand Ouillon.

Parce que la demande est toujours en hausse, en France et à l'étranger

Le marché est également très tendu car la demande est toujours plus soutenue. En période d'inflation, la pomme de terre, qui reste un produit peu onéreux, fait office de valeur refuge. "Lorsqu'on parle d'un kilo de pommes de terre à 2 euros, je vous rappelle qu'avec un kilo, vous nourrissez une famille de quatre personnes, ça reste quand même un des aliments et des ingrédients les moins chers du marché", estime Geoffroy d'Evry.

La production française est aussi très prisée au Moyen-Orient, mais aussi dans le sud de l'Europe, qui "a vécu une sécheresse folle l'été dernier : l'I'Italie, l'Espagne, le Portugal, ont vécu un été d'enfer", rappelle Geoffroy d'Evry. "Et comme du fait de cette forte demande, les prix à l'export étaient élevés, le marché intérieur, en France, a dû s'aligner sur ces prix. C'est tout simplement la loi de l'offre et de la demande, " résume-t-il.

Pas de baisse à l'horizon

Si la récolte 2023, terminée dans la plupart des régions de production, est "moyenne", les prix ne repartiront pas à la baisse : les contrats sont déjà négociés pour la saison à venir, et les rendements s'annoncent en baisse dans certaines zones : dans le Pas-de-Calais ou la Somme, les pommes de terres, déjà plantées en retard à cause d'inondations, devaient être récoltées tardivement. Or les inondations de ces dernières semaines empêchent toute récolte dans certaines zones, et "tout est bloqué", affirme Bertrand Ouillon.

En plus de s'adapter aux évènements climatiques, de plus en plus intenses, le secteur va aussi devoir investir pour la décarbonation : produire avec moins d'engrais, moins d'eau, va forcément nécessiter des investissements très lourds, et encore faire grimper les prix sur le long terme. "Il n'y a aucune raison que la pomme de terre baisse à l'avenir, résume Geoffroy d'Evry.

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