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Pesticides dans la plaine d'Aunis : des agriculteurs sous pression mais qui continuent de traiter

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Depuis la découverte de taux record d'un herbicide, le prosulfocarbe, dans l'air de la plaine d'Aunis à l'automne 2021, les riverains s'inquiètent de l'usage intensif des pesticides en agriculture. Craintes relayées par les élus locaux. Mais du côté des agriculteurs, impossible de s'en passer.

Yohann Robin, agriculteur à Montroy, pulvérise des pesticides sur l'un de ses champs. En octobre 2021, la plaine d'Aunis a enregistré des taux record dans l'air de prosulfocarbe, un herbicide. Yohann Robin, agriculteur à Montroy, pulvérise des pesticides sur l'un de ses champs. En octobre 2021, la plaine d'Aunis a enregistré des taux record dans l'air de prosulfocarbe, un herbicide.
Yohann Robin, agriculteur à Montroy, pulvérise des pesticides sur l'un de ses champs. En octobre 2021, la plaine d'Aunis a enregistré des taux record dans l'air de prosulfocarbe, un herbicide. © Radio France - Julien Fleury

Les agriculteurs céréaliers de la plaine d'Aunis (Charente-Maritime) sont sous pression. Depuis la découverte à l'automne 2021, dans l'air de cette zone agricole proche de La Rochelle, de taux record d'un herbicide, le prosulfocarbe, beaucoup d'habitants s'inquiètent de l'usage important des pesticides dans l'agriculture. Combat porté notamment l'association Avenir santé environnement, fondée par des familles d'enfants touchés par un possible cluster de cancers pédiatriques. Combat relayé désormais par les élus de l'agglomération rochelaise, qui ont demandé en vain à l'Etat un moratoire sur le prosulfocarbe. 

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Cette molécule figure parmi une quarantaine relevées par un capteur de l'observatoire Atmo Nouvelle-Aquitaine, installé dans la commune de Montroy.  C'est là que travaille l'agriculteur céréalier Yohann Robin, 150 hectares dont la moitié en blé. Comme la plupart de ces collègues, cet agriculteur de 41 ans n'est pourtant pas prêt à renoncer aux pesticides.

Passer en bio ? "Pas convaincu"

"J'active le mode coloriage, et c'est parti !" Pulvérisation de pesticide guidée par ordinateur pour Yohann Robin, au volant de son tracteur semi-autonome. "On voit bien sur l'écran, ça colorie là où je passe. C'est pour éviter de faire deux passages au même endroit." Aujourd'hui, Yohann ne lutte pas contre le ray-grass avec du prosulfocarbe. Le céréalier asperge ses pousses de blé d'hiver avec un insecticide : "vu les températures clémentes, il y a des pucerons dans les blés. Ce puceron transmet un virus, qui peut provoquer 50% de pertes."

Sur les longs bras du pulvérisateur, pour assurer la projection sur la plante de la matière active, des buses spéciales, censées limiter la dispersion du liquide dans l'air. Traiter le moins possible, c'est l'engagement de Yohann : "moi on fait de passages, plus on est content, parce que ça nous fait des économies aussi, des charges en moins d'intrants."

Passer en bio, pour renoncer à tout traitement à base de chimie lourde ? Yohann Robin n'y est pas du tout prêt : "si mon blé est malade, je vais le soigner. Alors qu'en bio, on laisse faire la nature, mais si le blé est malade, il reste malade. Pas convaincu !" Le céréalier devrait aussi investir dans du matériel spécifique, et chiffre à 25% le temps supplémentaire qu'il devrait passer sur ses parcelles. Autant de temps en moins à partager avec sa famille.

Cette année, Yohann Robin n'a pas renoncé aux pesticides. "Si mon blé est malade, je vais le soigner. Alors qu'en bio, on laisse faire la nature, mais si le blé est malade, il reste malade..."
Cette année, Yohann Robin n'a pas renoncé aux pesticides. "Si mon blé est malade, je vais le soigner. Alors qu'en bio, on laisse faire la nature, mais si le blé est malade, il reste malade..." © Radio France - Julien Fleury

Moins de prosulfocarbe, mais d'autres herbicides

Concernant le prosulfocarbe, épinglé dans l'étude Atmo, Yohann Robin a fortement réduit ses pulvérisations. "C'était prévu" assure l'agriculteur qui, cet automne, n'a traité que 20% de ses champs, "sur des parcelles ciblées très problématiques en ray-grass." C'est visiblement la même tendance chez ses voisins. En réaction à l'émotion des habitants. Et aussi pour "éviter les risques" que La Rochelle fasse à nouveau la une de l'actualité avec sa qualité de l'air.

Mais il a bien fallu remplacer cette molécule. "Personnellement, j'ai utilisé un nouveau produit, combinant trois molécules, mais sans prosulfocarbe", connu pour sa très grande capacité de dispersion. Une substitution qui ne satisfait pas l'élu et médecin Marc Maigné, vice-président de la CDA de La Rochelle chargé de ce dossier.

Marc Maigné est déterminé à lancer l'an prochain un programme zéro pesticide dans la plaine d'Aunis. C'est aussi la volonté de l'association Avenir santé environnement, qui organise une marche "pour une véritable transition agricole et une sortie des pesticides", le 3 décembre prochain à La Rochelle. Mais à l'absence de volonté forte de l'Etat, ce programme sans pesticide devrait se faire sur la base du volontariat pour les agriculteurs. Sachant que cette contractualisation n'a jamais permis de faire baisser le recours au pesticides.

Face à cette offensive politique, et l'inquiétude de ses riverains, Yohann Robin a créé cette année une parcelle-témoin dans ses champs, sans aucun traitement ni engrais. "Je voudrais inviter les habitants inquiets sur le sujet, qu'ils viennent observer. Moi j'estime que sur cette parcelle, j'aurai 70% de récolte en moins." Une perte impossible à assumer pour mon exploitation, conclut Yohann Robin.

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Où en est-on de l'étude de l'Anses ?

Pour l'instant, le gouvernement joue la montre. Rejetant la demande de moratoire sur le prosulfocarbe, présentée par les élus de la CDA de La Rochelle. Le ministère de l'agriculture a promis une étude approfondie sur l'impact sanitaire de cette molécule, potentiellement nocive pour la santé humaine. Cette étude, l'Anses, l'agence nationale de la sécurité sanitaire, devait la publier en septembre. On parle maintenant de fin novembre - début décembre.

De toutes façons, l'élu et médecin Marc Maigné n'en "espère pas grand-chose". Le vice-président de l'agglo  le rappelle : "il existe très peu d'études sur ce produit dans le monde. Et à peu près aucune qui conclut à sa nocivité." Ce qui n'empêche pas d'avoir de gros doutes, cette nocivité étant prouvée pour des molécules très proches.

En attendant, faute de preuve, l'Anses a rapidement évacué cet été le rapport transmis par Atmo Nouvelle-Aquitaine. 274 nanogrammes par mètre cube de prosulfocarbe (la dose maximale relevée par Atmo) : c'est à peine 1% de son seuil de toxicité selon l'Anses. Pas de quoi déclencher une alerte de phytopharmacovigilance.

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