Chez Castel

Pour avoir son rond de serviette chez Castel, enfin sa carte de membre, il fallait être chez les femmes jeunes et jolies c’est certain, intelligentes, romantiques et le plus naturelles possibles ; chez les hommes, être star sans frimer, fantaisistes, cultivés, dotés d’une aptitude à la convivialité.

Quant aux autres, ils restaient échoués sur le trottoir de la rue Princesse.

Et c’est à partir de 1958 que Jean Castel monte un petit restaurant rue Princesse et qui deviendra au fil des années Saint-Germain « Chez Castel », symbole des fêtes sublimes, romanesques et déjantées.

Derrière la façade rouge de « chez Castel » un club, une piste de danse, deux restaurants, des petits salons richement décorés, un bar ou Serge Gainsbourg joue la Javanaise de ses doigts jaunis à la Gitane, verre de Whisky sur le piano.

Visite des lieux, rarissime, par Jean Castel lui-même en 1971.

Quarante années de fête chez Castel, de nuits de folies, de délires, à s’amuser, boire, manger et danser aux côtés des stars, les vraies : Dali, Bacall, Romy, Bardot, Sagan, Deneuve, Madonna, Jagger, tandis que Bénichou, Jacques Martin et Kersauson ambiançaient le comptoir sous le regard rieur du commandant, Jean Castel.

Jean Castel a mis les voiles en 1999, au pays mystérieux de la courtoisie.

Aujourd’hui, le tartouille a remplacé le chic parisien.

On ne mange de frites à la bonne franquette, on déguste du bout des lèvres des plats signatures : maigre salade de haricots vert et champignons de Paris, mini suprême de poulet chutney curry. Ou Tom Yam, soupe laotienne aux crevettes pour faire semblant d’être exotique.

La devanture rouge de chez Castel ne fait plus rêver, et comme l’a écrit Pierre Bénichou « on passait nos nuits chez Castel, un endroit mythique, pas du tout mondain comme on l’a dit mais un bistrot sympa, ce n’était pas du tout un truc de bourgeois arrivé, il y en avait mais c’était nous les patrons. »