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Romain Thomas, capitaine du SM Caen : "J'ai quitté les réseaux sociaux pour ma santé mentale"

Romain Thomas revient lundi à Angers avec le SM Caen affronter un club dont il a porté les couleurs pendant neuf ans. Il estime que la victoire en Coupe a fait du bien aux têtes. S'il a laissé derrière lui les sifflets dont il a été victime il y a quinze jours, il ne cache pas qu'il a été affecté.

Romain Thomas va retrouver Angers où il a évolué neuf saisons et qui a relancé sa carrière dans le monde pro Romain Thomas va retrouver Angers où il a évolué neuf saisons et qui a relancé sa carrière dans le monde pro
Romain Thomas va retrouver Angers où il a évolué neuf saisons et qui a relancé sa carrière dans le monde pro © Maxppp - Martin ROCHE

France Bleu Normandie : Romain Thomas, comment allez-vous ?

Romain Thomas : Ça va bien. La victoire en Coupe de France fait énormément de bien à tout le groupe. On attendait ça depuis un moment. C'est vrai que c'est contre une équipe hiérarchiquement inférieure, mais on sait que ce sont des matches compliqués à chaque fois. On a été sérieux, appliqués, puis on en est récompensé par une belle victoire. Ça fait du bien en tête.

Quand on a du mal à gagner, on est toujours en train de se poser des questions. Pat' (Sauvaget) a insisté sur le fait que ça dépendait de nous aussi. La Coupe de France, c'est ça. On a mis les bons ingrédients. On n'a pas marqué rapidement dans le match, mais on était sérieux. Et puis on a été récompensés par un penalty juste avant la mi-temps. Cela fait du bien aussi à Micka (Le Bihan) même s'il a déjà marqué déjà deux fois. Non, honnêtement, ça a fait du bien à tout le monde. Le voyage était un peu long, mais on revient avec la victoire. C'est parfait tout ça pour le groupe.

Le retour à Angers est pour vous quelque chose de très particulier dans un contexte aussi un peu particulier, avec cette "filière angevine" très présente au SM Caen. Comment vous voyez ce retour ce lundi ?

Avec beaucoup d'émotion. La chose la plus importante, déjà, c'est que mes enfants sont Angevins et sont nés à Angers. On y a passé neuf années. Tout n'a pas été tranquille, tout beau, tout rose au niveau du foot. Ça a été aussi des moments compliqués, mais à l'arrivée, si on fait un bilan sur les neuf saisons, on a accompli quelque chose de sympa avec de bonnes personnes. J'ai gardé un noyau de copains là-bas, tout le monde n'y joue plus, mais on a créé des affinités entre joueurs, avec les familles des joueurs aussi. Bien sûr, neuf années d'une vie, ça compte. Après, le match restera le match. Aujourd'hui, je suis Caennais et je suis bien content d'être ici aujourd'hui. J'espère qu'on va réussir à confirmer notre victoire. Même si on peut croire que le match de Quevilly (3-3) est synonyme d'une défaite, on revient à la dernière minute. En égalisant, on a montré du caractère. Tout n'est pas parfait. Ensuite, on gagne en coupe et j'espère que l'on va pouvoir enchaîner. Cela ferait du bien à tout le monde parce qu'on n'attend que ça, les supporters aussi. C'est un match important contre une équipe qui est en forme.

Quand on rembobine la séquence, il y avait cette filière angevine qui paraissait solide au sein du SM Caen : Olivier Pickeu, Yohan Eudeline, Stéphane Moulin et ses adjoints, vous… Aujourd'hui, cela tangue un peu plus ?

Le noyau qui a été construit au départ n'est plus là, tout simplement. Ce sont des gens qui se connaissent toujours et qui se connaissait très bien au niveau du travail. Ils ont essayé de faire ce qui a marché à Angers. Après, c'est toujours difficile - je suis le premier à le dire - d'essayer de refaire quelque chose à un endroit autre que là où ça a fonctionné avant. Aujourd'hui, le coach Moulin n'est plus là, Serge Le Dizet non plus. C'est comme ça. C'est sûr qu'il y a eu un noyau qui a essayé d'être mis en place au départ avec des gens de confiance. Bon, ça s'est effrité un peu entre certaines personnes, mais aujourd'hui, ce que je veux, c'est retrouver le goût de la victoire, peu importe avec qui. La filière angevine, c'est bien peut-être. On s'est connu là-bas, mais aujourd'hui, on est Caennais et moi j'ai vraiment envie de vivre une belle saison.

"Ce que je veux c'est retrouver le goût de la victoire, peu importe avec qui"

C'est vrai que ça peut paraître compliqué aujourd'hui par rapport à la situation, mais ce n'est pas dramatique non plus. Tout arrive vite, en fait. Moi le premier, on a envie que ça marche tout de suite. Là, ça prend un peu de temps. Il y a eu aussi le départ du coach Furlan. On se reconcentre sur ce qu'on fait. Pat' (Sauvaget) essaye de revenir un petit peu aux fondamentaux, de redonner des bases pour essayer d'être encore plus costaud et et voyager mieux qu'actuellement, tout simplement. Après pour revenir à la question : Filière angevine, oui il y a eu certainement. Au départ, c'est vrai que je suis venu parce que je connaissais aussi ces personnes-là. Mais je suis venu avant tout ici dans un club ambitieux avec beaucoup de supporters. Et honnêtement, je me répète, mais jouer ici tous les quinze jours, c'est un privilège quand même.

"On a hâte aussi de savoir un petit peu vers quelle direction on va aller"

Le SM Caen est dans une zone d'incertitude, tant au niveau sportif que du choix d'un nouveau coach ou de l'actionnariat du club ?

C'est vrai. On est dans l'incertitude. Après, ce que je dis aux joueurs, c'est que nous sommes des joueurs professionnels. On doit se concentrer sur le terrain. C'est vrai que beaucoup de questions se posent autour de l'actionnariat. Déjà, je pense que Pierre-Antoine Capton - enfin d'après ce que je lis - devrait reprendre le club, mais on ne sait pas trop quand. Quand est-ce qu'un nouveau coach va arriver ? Aujourd'hui, Pat' Sauvaget a dit qu'il ne continuerait pas. Donc ça met tout le monde un peu dans l'incertitude, c'est vrai. Mais je pense que c'est une bêtise pour nous, joueurs, de trop s'attarder là-dessus parce qu'on laisse énormément d'énergie. Aujourd'hui, il faut qu'on se concentre sur le terrain. Pat' met vraiment un cadre et on n'est pas laissé à l'abandon. Si on était laissé à l'abandon sur le terrain, je n'aurais pas ce discours, mais il y a un travail effectué durant la semaine, athlétique, tactique. On n'est pas seul au monde. Maintenant, c'est vrai, on ne va pas se cacher, on a hâte aussi de savoir un petit peu vers quelle direction on va aller. Même si on le sait un petit peu. On en discute aussi entre nous, les joueurs. On a quelques suppositions. On entend des noms de coachs, etc. Mais c'est trop compliqué aujourd'hui de savoir. Donc il faut laisser les gens compétents à ce niveau-là travailler, chercher ce qui peut se faire de mieux pour Malherbe aujourd'hui pour continuer à travailler, de faire un peu mieux quand même au niveau de la régularité. J'espère que le nouveau coach -  je ne sais pas à combien ils viendront non plus - amènera ça. J'essaye personnellement déjà de me concentrer sur le terrain et avec les coéquipiers de se focaliser sur les choses dont on est maître parce que nous ne sommes pas maîtres de toutes ces choses. Quand je ne maîtrise pas, je n'aime pas. Je préfère donc laisser ça aux gens concernés.

Vous parlez de Patrice Sauvaget et du contenu des séances d'entraînement.  Elles ont totalement changé. Les joueurs étaient montés au créneau à la fin de la période Furlan pour modifier les choses ?

Monter au créneau, oui et non. En fait, on avait des discussions avec le staff. Quand on voit qu'on n'arrive pas à faire certaines choses, je n'aime pas rester à me tourner les pouces à ma place. C'est vrai qu'on a essayé de discuter, de voir ce qu'on pouvait améliorer mais d'un commun accord. On n'a jamais imposé les choses. On a essayé de faire évoluer les choses parce que les séances d'entraînement, honnêtement, étaient intéressantes. Il y avait beaucoup de jeu, on progressait dans le jeu, mais peut-être qu'il manquait un peu certaines choses. Quand une équipe est un petit peu malade, on essaye de revenir aux fondamentaux. On n'arrivait pas à les retrouver. C'est là-dessus que l'on a discuté. Aujourd'hui, Pat' essaye de remettre ça en place, avec un peu de travail tactique, essayer de voir dans lequel on est le plus à l'aise. Essayer d'associer les joueurs aussi pour plus de complicité et de complémentarité. On fait un métier où on a besoin d'échanger - j'essaye de le faire depuis de nombreuses années. Ce n'est pas qu'aujourd'hui, avec Jean-Marc Furlan on essayait de discuter. J'ai toujours discuté avec l'ensemble des coachs que j'ai eu. Aujourd'hui, Pat' a repris les rênes et il essaye de remettre un peu de rigueur sur et en dehors du terrain.

"Ce n'est pas évident quand tu es la cible de quelque chose comme ça (les sifflets). C'est dur, même à 35 ans, d'essayer de s'extirper de la situation pendant le match"

Vous avez été sifflé au stade d'Ornano, ce qui est quand même très rare pour un capitaine du SMC. Comment l'avez-vous ressenti ?

Je l'ai entendu, ça c'est sûr. Ça m'a fait chier parce que sincèrement, la première chose à laquelle j'ai pensé, c'est à ma femme, à mes enfants et mes parents qui étaient dans les tribunes. Ils ont été surpris, moi aussi. Ça fait partie du métier. Je n'ai jamais vécu ça. Donc après, j'essaie de faire abstraction, mais ce n'est pas évident quand tu es la cible de quelque chose comme ça. C'est dur, même à 35 ans, d'essayer de s'extirper de la situation pendant le match. Cela n'a pas été simple. Après, le temps fait les choses. J'ai souffert un petit peu le week-end. On a discuté en famille.

Vous l'avez compris ?

Non, je n'ai pas compris. Peut-être qu'ils sifflent mes prestations et ils ont le droit. Peut-être qu'ils sifflent un ensemble de choses par rapport à ce qui se passe au club. Peut-être qu'ils sifflent parce que j'ai parlé et j'ai fait quelques articles dans la presse. C'est une possibilité aussi sauf que mes articles dans la presse, ça n'a jamais été à aucun moment… Et puis ce n'est pas ma façon d'être et ce n'est pas mon éducation. Ce n'est pas ma façon de penser. Dès que j'essaye de faire quelque chose, c'est pour le bien du projet. Au-delà de mes performances individuelles, j'essaie de penser aux autres avant moi, tout simplement. À un moment, quand je voyais que ça tanguait un petit peu et qu'on ne changeait pas grand-chose, j'ai essayé - pas tout seul mais avec les joueurs cadres, on a essayé d'aller faire bouger les choses. C'est peut-être un ensemble de choses qui a fait qu'à un moment donné certains supporters m'ont pris comme cible, mais c'est ainsi.

"Je ne sais pas si on peut tirer le maximum d'un joueur en le sifflant. Parce qu'à tout âge, je pense que ça touche"

Aujourd'hui, je ne leur en veux pas parce que c'est un stade plein. Quand on gagne, ils sont présents. Quand Caen perd, ils le sont également. Aujourd'hui c'est comme ça. On est tous malheureux et on est mécontent des résultats du club. Mais ce n'est pas dramatique, je le répète. Mais pour retrouver du calme et de la sérénité, il faut qu'on arrive - comme je le dis souvent, nous sommes les acteurs - à essayer de gagner un, deux ou trois matchs. Ça va remettre un petit peu de calme, de sérénité et ce sera même plus facile pour nous sur le terrain pour s'exprimer. Parce que dans cette situation-là, même un ballon facile devient compliqué. Je peux comprendre qu'ils ne soient pas contents. Mais je ne sais pas si on peut tirer le maximum d'un joueur en le sifflant. Parce qu'à tout âge, je pense que ça touche. Et tout devient difficile, même un ballon simple, que tu reçois et que tu penses avoir tranquillement. Tout devient difficile. Je n'en veux à personne, Cela s'est passé comme ça il y a quinze jours maintenant. J'ai switché et je ne vais pas rester à ressasser. On a gagné entretemps en coupe de France. Ça nous a fait du bien, ça m'a fait du bien en plus de marquer un but et j'espère qu'on va repartir de l'avant.  Et dans quelques semaines, la fête sera plus belle encore quand on aura réussi à enchaîner les victoires.

"Il y avait un peu trop de messages. Donc je me suis dit allez, Rom', coupe tout"

Il me semble que vous avez quitté les réseaux sociaux ?

Oui, mais ça faisait déjà un moment que j'étais moins présent. Je n'ai jamais été un grand fervent de ça. Mais là, il le fallait pour moi, pour ma femme, pour ma famille. Ça ne servait à rien de lire des messages, même si on dit qu'on ne lit pas. Mais parfois, on voit les choses, même sans vouloir les chercher. On tombe dessus. Et puis là, il y en avait un peu trop. Donc je me suis dit : "allez, Rom', coupe tout". Les gens ont le droit de s'exprimer, ce n'est pas le problème. Ils font ce qu'ils veulent, mais c'est juste pour moi, pour que je ne ressasse pas à la maison tout simplement. Et que je puisse garder le sang-froid et toute la lucidité pour être performant sur le terrain. J'ai préféré m'en éloigner un petit peu, mais ce n'est pas grave. Il n'y a aucun problème. Je n'en veux à personne. C'est plus pour moi, pour ma santé mentale que je l'ai fait. Tout simplement.

Votre ancien coach Stéphane Moulin sera dans les tribunes lundi prochain à Angers.

Il me l'a dit et on échange de temps en temps. Je prends un peu de ses nouvelles aussi bien évidemment. Il va régulièrement voir les matchs. Ce sera top si j'ai le bonheur de le croiser. Et puis je lui ai dit, peu importe s'il est Angevin ou Caennais et c'est pareil pour mes coéquipiers ou les gens que je connais là-bas. Ce que je veux, c'est aller chercher les trois points là-bas et si on y arrive, je pourrai après les chambrer. Pas parce que j'en veux à quelqu'un au club, mais au moins, je serais dans la posture de chambrer les gens que j'ai envie de chambrer gentiment.

Parce qu'Angers vous a beaucoup apporté ?

Il m'a tout apporté, il m'a relancé dans le milieu professionnel. J'ai construit ma vie de famille là-bas aussi, donc je n'ai que des bons souvenirs. Il y a eu des saisons plus compliquées que d'autres. Mais si on fait un bilan des neuf saisons, ça a été top. Et puis je garde ça au fond de moi. Ce ne sera pas le moment d'y penser lundi. Je suis focus déjà sur ce qu'on a envie de faire. Pat' (Sauvaget) pareil, même s'il a vécu de très belles choses là-bas. On va aller pour les chatouiller, les embêter là-bas.

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