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Cyril Jeunechamp : "J'ai dit à Romain Pitau de poser sa patte et d'aller au bout de ses idées"

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Alors que Romain Pitau a pris le poste d'entraîneur de Montpellier en Ligue 1 pour au moins quatre matchs, et qu'il dispute le deuxième à Rennes, ce dimanche (15h), son ancien partenaire Cyril Jeunechamp nous livre son regard sur cette mission et sur la capacité de son ami à relever le challenge.

Romain Pitau et Cyril Jeunechamp ont évolué quatre saisons à Montpellier Romain Pitau et Cyril Jeunechamp ont évolué quatre saisons à Montpellier
Romain Pitau et Cyril Jeunechamp ont évolué quatre saisons à Montpellier © Maxppp - Serge Haouzi

Rennes - Montpellier, c'est votre classico ? 

C'est sûr, que ce soit à Rennes ou à Montpellier, j'y ai passé quand même neuf ans de ma carrière. Ce sont des clubs qui ont été importants pour moi et qui m'ont marqué. C'est toujours un plaisir de voir jouer ces deux équipes là. Et quand elles s'affrontent, c'est sûr que je les regarde plus que d'autres. 

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Pour le coup, ce weekend, le match semble déséquilibré sur le papier. Les dynamiques sont opposées. Croyez-vous ou craigniez-vous que Rennes ne fasse qu'une bouchée de Montpellier sur ce match ? 

Je ne pense pas que Rennes va faire qu'une bouchée de Montpellier, parce que là, ils ont quand même joué en Coupe d'Europe. La fatigue commence à se cumuler, donc c'est un contexte qu'il faut aussi prendre en compte. Après, c'est sûr que sur le papier, Rennes est supérieur à Montpellier. Je crois que personne ne peut se cacher derrière ça. Mais bon, sur un match, vous savez, avec la fatigue, les voyages, ça peut se rééquilibrer.

Vous suivez toujours les résultats de la Paillade. D'autant plus avec Romain Pitau aux commandes ?

De loin ou de près, j'ai toujours suivi Montpellier. Mais depuis que Romain a repris l'équipe, je regarde avec plus d'attention ce qu'il se passe. Parce que déjà c'est un très bon copain. On a toujours gardé de très bonnes relations, il y a un lien fort. Donc oui, quand un copain reprend une équipe, bien évidemment qu'on regarde à deux fois les résultats, et surtout les infos du club, bien sûr. 

Y a-t-il une forme de fierté de voir qu'un champion de France 2012, comme vous, dirige pour la première fois une équipe de Ligue 1, qui plus est Montpellier ? 

C'est très bien. Romain a aussi profité du bon moment pour passer ses diplômes avec le Montpellier Hérault. D'autres ont pris des chemins différents. Il a eu la chance de pouvoir passer ses diplômes à Montpellier, dans un club avec lequel il s'entend très bien. Et puis, il a fait du très bon travail jusqu'à maintenant. Après, je pense qu'il n'est pas là par hasard. S'il est là, ça veut dire qu'il y a eu beaucoup de travail derrière ça, parce que moi, je suis en train de passer mes diplômes, et je sais que c'est très dur. Je pense que si le club a fait appel à lui dans ce moment un peu compliqué, c'est que Lolo (Laurent Nicollin) sait ce qu'il fait. Il sait entre les mains de qui il met le club. Romain a tous les pouvoirs sur l'équipe première, et je pense qu'il va qui va en faire bon usage. J'espère en tout cas, pour lui, que ça va marcher, parce qu'il le mérite. 

Avez-vous le sentiment, comme l'a dit Laurent Nicollin, que c'est un "cadeau empoisonné" ? 

Non, non, pas du tout. Au contraire, il n'est pas empoisonné, le cadeau ! Moi, ça m'est arrivé l'année dernière quand Mathieu Chabert a été débarqué du Sporting Club de Bastia. On m'a donné l'équipe pendant deux matchs. Il s'est passé quinze jours et ça a été quinze jours qui ont été merveilleux pour moi. Quand on fait ce métier, on rêve de ces moments là. Alors il y a des moments qui sont plus propices que d'autres. Mais comme je l'ai dit à Romain, il faut qu'il croque à fond dans les quatre matches pour l'instant. Et puis après, dans le football, on ne sait jamais ce qui peut arriver. S'il a des bons résultats, si derrière ça accroche, avec tout ça, je pense que ça peut le faire. En tout cas, ce que je lui ai dit, c'est qu'il faut qu'il ne regrette rien. Qu'il ne se dise pas, après : j'aurais du faire comme ci ou comme ça. D'ailleurs, on le voit dans ses premiers choix. Je crois que dans sa tête, c'était clair, il fallait qu'il réagisse. Il l'a fait en écartant des joueurs. Maintenant, j'espère que pour lui, ça va marcher. En tout cas, j'ai confiance en lui et j'espère pour lui et pour le Montpellier Hérault qu'ils vont avoir des résultats et qu'il va pouvoir rester et continuer sa mission de sauvetage.

Vous, lorsque vous avez assuré l'intérim à Bastia, vous aviez démarré par une victoire dans le derby contre Ajaccio. Mais est-ce que ça avait été compliqué de prendre l'équipe,  alors que vous étiez déjà dans le club ?

Non, ce n'est pas compliqué. Au contraire. Après, ce sont des prises de décision. Mais on fait ce métier pour être là, à un moment donné. Donc quand on n'y est, il ne faut pas reculer. On est des soldats du club. Il faut profiter de tous les moments, poser sa patte le plus rapidement possible. Là, le truc, c'est qu'il y a urgence de résultats. Donc dans un premier temps, c'est d'essayer de ramener des points à l'équipe, de faire en sorte que l'équipe prenne un maximum de points dans des délais très courts. C'est ça qui est compliqué. En fait, ce n'est pas de faire des choix ou d'imposer son style, c'est de mettre des points rapidement. Voilà la problématique pour Romain. Moi, je lui ai dit : t'as quatre matchs pour l'instant, profite et va au bout de tes idées. Parce qu'après ces quatre matchs, on ne sait pas de quoi l'avenir sera fait. 

Depuis sa prise de fonction, Romain Pitau insiste sur l'état d'esprit, l'esprit Paillade. Etes-vous surpris par le fait que ces valeurs chères au club aient pu s'envoler ou disparaître, chez certains, ici à Montpellier ?

Bien sûr que ça me surprend ! Après, vous savez, dans toutes les missions comme ça, de sauvetage, il faut qu'on se raccroche à quelque chose. Et dans tous les clubs, quand les entraîneurs arrivent et qu'ils se mettent au travail, c'est d'abord les valeurs, les valeurs du club. A Montpellier, il y a des valeurs de la Paillade qui sont là. Moi, j'ai aussi eu la chance de pouvoir m'appuyer sur les valeurs du Sporting, quand j'ai pris l'équipe en main. C'est une force à l'intérieur du club. Ce sont nos ressources internes, dont il faut se servir. Maintenant, qu'elles aient disparu comme ça, au fil du temps et au fil des mois, ce n'est pas normal, bien sûr que ce n'est pas normal. Mais à un moment donné, c'était aussi à l'intérieur du club, dans les ressources internes, de retrouver ça. Et je crois que Romain a trouvé le bon levier pour essayer de remettre tout ça en marche. Il faut se servir de ces ressources là qui sont juste à côté, à l'intérieur, et bien appuyer là dessus, parce que ce n'est qu'à ce prix là que Romain et le Montpellier Hérault pourront se sauver et récupérer des points rapidement.

Durant les quatre saisons que vous avez passé à Montpellier, vous est-il arrivé d'oublier les valeurs et l'esprit paillade en cours de route ?

Non, quand nous on y était, elles ont toujours été présentes. On avait des joueurs qui incarnaient bien ces valeurs là. Il y avait un mélange d'anciens et de jeunes, mais les jeunes étaient des joueurs du cru. Ils incarnaient les valeurs de la Paillade, comme Younès, comme Mapou. Eux, c'étaient des petits du club. Après, nous, même si on est arrivé en cours de route, on se les est appropriées. On les a faites perdurer au maximum. Après, que ça disparaisse comme ça, au fil du temps et des entraîneurs qui passent, ce n'est pas normal. Ca, c'est clair et net. Aujourd'hui, par rapport au contexte, c'est assez facile de les remettre en place. Après, il faut que le groupe et le club aussi l'aident dans cette mission. Il faut que tout le monde accroche derrière ça, parce que c'est un bon levier. Et si tout le monde se raccroche à ça, je pense que ça va bien tourner.

Connaissant les gens du club, à commencer par le président, tout le club va le soutenir, c'est sûr. Il y a quand même une proximité qui existe dans ce club. Ce qui fait la force numéro un du club, c'est d'être d'être tous ensemble quand il faut faire corps. Je n'ai aucun doute là-dessus, sur le fait que tout le monde se mette derrière lui et le soutienne dans sa mission de sauvetage, qui est de redonner des couleurs au Montpellier Hérault, par rapport à ses valeurs qu'il dégage. Après, il y a le club et les dirigeants, mais il y a aussi le plus important : les joueurs et les supporters. Il faut qu'il sente ce soutien de tout un club, mais aussi des joueurs et des supporters pour que ça le pousse à aller plus loin dans ce qu'il veut faire.

L'un de vos modèles, c'est René Girard. Pensez-vous que Romain s'en inspire, lui aussi ?

Moi, c'est mon père spirituel, dans le football. Et je suis sûr que Romain va s'inspirer de ce que René a fait pendant les quatre ans où on a été ensemble. Et c'est sûr qu'il va piocher dans les idées de René, dans les valeurs qu'il a inculquées quand il est arrivé : la rigueur, le sérieux, le dépassement de soi. Voilà, il va s'appuyer sur toutes ces valeurs pour réussir sa mission. Mais sincèrement, je pense que s'il a tous les ingrédients qu'il faut, si tout le monde est derrière, il va pouvoir raccrocher les wagons et prendre des points, c'est sûr. 

Moi, je n'ai jamais caché que les derniers temps à Montpellier ont été difficiles. Je n'ai pas beaucoup joué, la dernière année. Mais c'était comme ça, il y avait meilleur que moi. Il faut savoir s'effacer quand il y a meilleur. Cependant, notre relation coach / joueur, elle a toujours été très bonne. Et à côté de ça, il y avait une autre relation. Il faut savoir faire la part des choses. Pour moi, René restera toujours René. C'est mon père spirituel au niveau du football, avec tout ce qu'il m'a apporté. C'est lui qui a lancé un peu ma carrière en tant que jeune, parce qu'il était directeur du centre de formation quand il m'a donné une dernière chance de pouvoir y arriver. Et puis, il m'a récupéré sur la fin, la boucle était bouclée. Il incarne des valeurs d'homme, d'abord, qui sont tout à fait respectables. J'ai toujours suivi cette recette, ces valeurs qu'il incarnait, et René a été pour moi un aiguilleur formidable dans le football. Surtout maintenant, dans le nouveau métier d'entraineur que, moi aussi, je veux faire. Je garde beaucoup de souvenirs de notre passage à Montpellier. Romain, lui, il va se servir de ça pour pouvoir tirer tout le monde vers l'avant et réincarner les valeurs du club. Parce que Montpellier Hérault a beaucoup de valeurs. Le plus dur pour Romain, ça va être de donner ces valeurs là aux jeunes joueurs, parce que c'est vrai qu'avec les nouvelles générations, c'est un peu compliqué. Mais je pense qu'il va trouver les mots pour repartir de l'avant. 

  • Champion de France 2012 avec Montpellier, Cyril Jeunechamp est aujourd'hui entraîneur des U19 du Sporting Club de Bastia, club qu'il a rejoint en 2020. 
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