Saint-Valentin : sortir du célibat en milieu rural, "c'est très, très compliqué dans l'Yonne..."

Patrick a divorcé depuis une bonne vingtaine d'années, et depuis ? "La réponse est trop gênante", grimace cet agriculteur à la retraite assis à l'une des tables d'une soirée célibataire à Venoy (Yonne). Comme lui, une centaine de personnes sont venues, hommes et femmes, entre 50 et 80 ans, divorcés ou veufs pour certains et déterminées à (re)chercher l'amour à l'aube de la Saint-Valentin. "C'est super compliqué de rencontrer quelqu'un dans l'Yonne, moi, ça fait quatre ans que je suis sur un site de rencontre", soupire Patrick, chemise sur les épaules et cheveux poivre et sel coiffés en arrière.

La case célibat, ou la résignation en zone rurale

Ce discours un peu las, presque résigné, ils sont nombreux à l'avoir, mais assurent croire toujours au grand amour, retrouver un ou une partenaire pour "passer des bons moments ensemble, partir en vacances, la vie quoi", sourit Jean-Pierre, un autre convive, qui tape du pied sur du Madison. La danse de groupe rythme le début de la soirée, la piste commence à se remplir, décorée par des guirlandes rouges en forme de cœur.

"Où sont les hommes ?!", lance l'animateur depuis l'estrade, même question pour la gente féminine, le tout suivi de quelques acclamations du public. "Je suis un peu le cupidon de la soirée", sourit l'homme au micro, au côté de son DJ, on les fait lever, ils vont chercher un partenaire, on donne les prénoms, cela permet de briser un peu la glace." La tâche est délicate. Des invités semblent vissés sur leur chaise, patientent, s'observent un peu.

"C'est compliqué parce que beaucoup d'hommes qui se rapprocheraient de nos âges sont plutôt pantouflards", se moque gentiment une participante, venue avec une amie. Le duo dit sortir tous les week-ends, pour s'amuser d'abord, puis pourquoi pas trouver un cavalier, d'un soir ou plus. "Ils ne recherchent pas trop par rapport à nous, les femmes, on aime bouger et avoir de la compagnie", ajoute la seconde, 72 ans, mais "l'amour n'a pas d'âge, et peut-être que je vais avoir un coup de foudre ce soir !" Les hommes en zone rurale seraient-ils plus casaniers ? "C'est pas évident de se retrouver face à une femme, surtout quand on est à la retraite, on a des choix qui ne vont pas être compatibles", répond un invité, à une autre table, qui nous confie avoir déjà identifié celle avec qui il souhaiterait passer la soirée.

Un manque de lieux de rencontre

Retrouvons Patrick, qui revient de la longue table dressée en buffet, autre lieu de la soirée pour briser la glace entre deux plats. Il approuve aussi cette difficulté liée au monde rural. "Dans l'Yonne comme ailleurs, moi j'aimais bien allé dans une discothèque qui s'appelait Le Styliss, c'était l'idéal, mais malheureusement elle a brulé, et aujourd'hui il n'y a plus grand chose", regrette le retraité, qui pointe aussi un manque de concessions et trop d'exigences, y compris de sa part, vis-à-vis d'une potentielle partenaire.

"Il n'y a plus d'endroit où on peut rencontrer quelqu'un", renchérit François Andrée, l'organisatrice de la soirée, qui se base sur les témoignages de ses convives, aujourd'hui, si ce n'est pas sur Internet, c'est difficile... C'est pour cela que les gens viennent d'un petit peu de partout, de Sens, d'Avallon..." Passé un certain âge, les discothèques du département, fréquentées en majorité par les moins de 25 ans, répondent de moins en moins à la demande d'un public sénior.

Une autre difficulté vient s'ajouter à la compagne : "Les gens se connaissent beaucoup mieux qu'en ville, donc quand on est célibataire, les autres le savent", note Juliette Mathieu, directrice d'une agence matrimoniale à Auxerre qui observe que sa clientèle se tourne davantage vers les réseaux sociaux et applications de rencontres pour trouver sa moitié. Plusieurs études montrent d'ailleurs que l'amour se trouve maintenant plus derrière un écran que lors d'une soirée entre amis ou une sortie dans un bar. Pour la petite histoire, deux couples se sont formés grâce à cette soirée célibataires à Venoy.