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Six mois de guerre en Ukraine : "L'espoir, c'est tout ce que j'ai", témoigne Zhanna, accueillie dans l'Eure

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L'invasion russe en Ukraine a débuté le 24 février dernier et enclenché le départ de 100.000 réfugiés vers la France. Six mois après l'offensive, rencontre avec Zhanna et ses deux filles, accueilles depuis avril chez Émeline et Mathieu, près de Louviers.

Cela fait six mois que la guerre a commencé en Ukraine [photo d'illustration]. Cela fait six mois que la guerre a commencé en Ukraine [photo d'illustration].
Cela fait six mois que la guerre a commencé en Ukraine [photo d'illustration]. © Maxppp - PHOTOPQR/OUEST FRANCE

Embrasser son mari, faire ses bagages et tout quitter. Zhanna, une jeune maman ukrainienne a vécu cela il y a six mois, au moment de l'invasion de son pays par la Russie, le 24 février dernier. La jeune femme a fui son pays et la guerre avec ses deux filles, laissant derrière elle le papa, à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine. Elles font partie des 100.000 réfugiés ukrainiens recensés début août en France par l'Office français de l'immigration et de l'intégration. 

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Dans le même temps, Émeline et Mathieu, deux Normands, voient les images de ces déchirants départs. "On a vu ces mamans partir avec leurs enfants, leurs animaux domestiques et c'est quelque chose qui nous a beaucoup touchés puisqu'on est parents de deux filles et il nous a semblé indispensable d'ouvrir notre porte pour pouvoir accueillir une maman, des enfants et les mettre à l'abri, leur permettre d'avoir une stabilité, un foyer pour attendre et voir ce qu'il allait advenir", explique Émeline. Le couple décide alors de lancer les démarches auprès des autorités et d'associations pour proposer d'héberger des Ukrainiens.

Ce projet s'est construit avec toute la famille. Fleur et Soline, les deux enfants du couple, âgées de 5 et 9 ans, ont par exemple décidé de se regrouper dans une chambre pour faire de la place aux personnes qui allaient arriver.Quelques semaines plus tard, par l'intermédiaire d'associations, la petite famille française entre en contact avec Zhanna et ses filles, Evelina et Anna, 2 et 7 ans. Tous communiquent pendant un mois via Whatsapp avant que la décision soit prise des deux côtés : les trois Ukrainiennes vont venir vivre chez Émeline et Mathieu, près de Louviers.

Des rires pour ne pas trop penser à la guerre

Cinq mois après l'arrivée de Zhanna, Anna et Evelina, quand on entre dans le pavillon de cette désormais grande famille, on entend du français, de l'ukrainien, de l'anglais mais aussi des rires. D'autant que Zhanna fête ses 35 ans et que quelques surprises sont au programme de la journée. "Au petit-déjeuner, on lui a offert des nougats du Périgord aux noix car en Ukraine, ils prennent leur café avec un petit quelque chose de sucré", raconte Émeline. "Et ce midi, nous avons fait un restaurant tous les trois, entre adultes, et Zhanna a pu manger un camembert fondu au lait cru à verser sur des pommes de terre, puisque la pomme de terre est très importante dans la culture alimentaire ukrainienne et mixée avec le camembert, je pense qu'on n'est pas loin du paradis alimentaire !" De quoi réconforter Zhanna pour cet anniversaire qu'elle n'avait pas vraiment envie de fêter. "Mais après le camembert, ça allait très bien !", s'amuse-t-elle.

Envie de "croire que le monde n'est pas si fou"

Ces moments de joie sont des parenthèses dans un quotidien toujours très sombre pour la maman, loin de son mari et de ses amis. "Il y a des bons jours et des mauvais jours", explique celle qui est professeur de physique en Ukraine. "Je n'ai jamais eu l'impression en France d'être une réfugiée, dans cette maison, je n'ai jamais ressentie ça et je leur en suis vraiment reconnaissante. Et je le suis aussi envers le gouvernement et tous les gens qui essayent de résoudre ce problème. C'est difficile parce que c'est la guerre et c'est votre pays, votre peuple, votre avenir... tout ce que vous avez. Mais en même temps, c'est plus facile parce que certaines personnes essayent de faire tout ce qu'elles peuvent pour nous aider et ça donne envie de croire que le monde n'est pas si fou et que la gentillesse est toujours là."

"Mes filles mangent ukrainien au petit-déjeuner et les filles de Zhanna mangent français au dîner !"

La cohabitation se passe en effet le mieux possible. "On a eu beaucoup de chances parce qu'on a énormément de valeurs éducatives ou de vie en commun. Il y a aussi une grande intelligence d'adaptation de Zhanna, qu'elle a transmise à ses enfants", note Émeline. "Notre plus grand point de surprise et de bonheur et de voir le fonctionnement de nos quatre filles. Elles ont réussi à communiquer dès le premier jour sans langue commune, ont trouvé des jeux et se sont mises à évoluer dans les deux sens : mes filles mangent ukrainien au petit-déjeuner et les filles de Zhanna mangent français au dîner ! Tout cet échange culturel a enrichi nos enfants et nous permet d'être convaincu qu'on transmet de bonnes valeurs pour le futur." "On se dit qu'on a peut-être ancré en elles l'idée que quoi qu'il arrive, on peut faire quelque chose", abonde Mathieu.

Les quatre petites filles ont très vite appris à vivre ensemble.
Les quatre petites filles ont très vite appris à vivre ensemble. - Émeline

Un quotidien compliqué par les lourdeurs administratives

Pour essayer de ne pas trop penser à la guerre, Zhanna évite de trop regarder les informations sur l'Ukraine. Elle occupe une bonne partie de son temps à apprendre le français et surtout à essayer de résoudre les problèmes administratifs avec Émeline et Mathieu. Leur aide est indispensable car "la barrière de la langue et la complexité de l'administration sont trop fortes", souligne les deux Français. "C'est quelque chose qu'on va retrouver dans toute les étapes de la vie quotidienne, que ce soit pour les inscriptions auprès de l'ensemble des organismes français, pour ouvrir un compte, avoir de l'argent, bénéficier d'une aide pour la scolarisation ou pour la crèche...

"La difficulté est de trouver les bons interlocuteurs", résume Mathieu. Pour essayer d'améliorer les choses, le couple a quelques idées : "Je pense que ça pourrait être bien que la préfecture créé un petit guide des interlocuteurs qui peuvent nous aider à donner de l'autonomie aux familles qu'on accueille", explique Émeline.

Car faire ces démarches est essentiel puisque la guerre s'éternise et qu'il est impossible pour le moment de retourner en Ukraine. "L'espoir, c'est tout ce que j'ai", indique Zhanna. "Rentrer, c'est une décision difficile à prendre. Et actuellement, c'est encore trop dangereux."

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