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Polémique à l'EPJT de Tours : la nouvelle génération défend son droit à "l'épanouissement personnel"

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Plusieurs ex-étudiants de l'école de journalisme de Tours ont dénoncé, sur le réseau social X, du harcèlement moral, une surcharge de travail et un manque de considération des élèves. Un constat loin d'être partagé par d'autres, mais qui interroge sur le rapport au travail de la génération Z.

Plusieurs anciens étudiants de l'école de journalisme de Tours dénoncent un malaise au sein de l'établissement. Plusieurs anciens étudiants de l'école de journalisme de Tours dénoncent un malaise au sein de l'établissement.
Plusieurs anciens étudiants de l'école de journalisme de Tours dénoncent un malaise au sein de l'établissement. - Google Maps

Que se passe-t-il dans l'enceinte de l'EPJT, l'école de journalisme de Tours ? Ces derniers jours, plusieurs anciens élèves sortis en septembre 2023 dénoncent sur le réseau social X, anciennement Twitter, un vrai malaise.

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La polémique a pris il y a quelques jours. Dans une série de tweets, certains dénoncent par exemple "des redoublements décidés dans l'ombre", des incitations "à sauter des repas, à ne pas dormir". Mais aussi un harcèlement moral de la part d'un référent télé avec des propos sexistes employés. Mais aussi des remarques limites. "Je me suis absenté une semaine et demi pour le décès de ma grand-mère, on m'a parlé de défection. Ça a eu du mal à passer", indique un ex-étudiant. Les plus lésés restent, selon certains, les non-alternants en spécialité télé.

Parmi les autres témoignages visibles sur le réseau X, il y a celui de Lilian Ripert. Contacté par France Bleu Touraine, l'ex-étudiant, qui s'est éloigné depuis sa sortie de l'école en septembre 2023, dénonce "un manque de considération des étudiants", mais aussi un manque de communication avec l'équipe encadrante et une vraie déception de ces deux années de formation. "Une formation qui ne prépare pas assez à la vie dans les rédactions."

Des témoignages qui laissent perplexes les actuels étudiants. Difficile d'ailleurs de les interroger dans les couloirs de l'école tant "la polémique" inquiète. Leur mot d'ordre est d'ailleurs de ne pas répondre aux journalistes. "Cette polémique peut entacher la réputation de l'école. Je trouve cela dommage pour les prochains étudiants d'avoir une fausse image de ce que l'école est vraiment", précise une étudiante à notre micro. Pas question en revanche de remettre en question le vécu de ces ex-élèves. Selon cet étudiant, des changements ont été opérés. "Je ne suis pas tellement d'accord avec ce qui a été dit. Je trouve qu'il y a une prise en compte des revendications. Avant, il n'y avait peut-être pas de sessions télé, radio en première année, mais cela a changé. Nous avons désormais une session en janvier."

Même réaction pour cet autre étudiant qui constate que les revendications des anciens ont aidé à des changements.  "Personnellement, tout se passe bien cette année. On a eu des petits soucis d'organisation et de communication l'année dernière avec la direction, mais ça s'est réglé. On avait des périodes par exemple très chargées en terme de rendus, qui ne nous permettaient pas de sortir la tête de l'EPJT. On avait un peu de problème pour se faire entendre, il y avait un côté où l'on nous considérait comme trop revendicatif. Mais visiblement, les couacs avec les Master 2 ont fait que la direction a voulu nous écouter", relate l'étudiant qui souhaite conserver l'anonymat.

Des changements que confirme le directeur de l'établissement Laurent Bigot. Ainsi, il assure que les plannings ont été allégés, et des sessions de pratique ont été ajoutées en première année pour répondre aux besoins des élèves. "On a mis en place des temps d'échanges avec les élèves. On les a intensifiés depuis un an". L'équipe pédagogique a aussi été reconfigurée. Le référent TV mis en cause par certains élèves n'est plus référent, mais travaille toujours dans l'enceinte de l'école. Une personne a été embauchée à sa place. Une embauche prévue de longue date nous précise le directeur, qui n'a donc rien avoir avec les accusations de harcèlement qui "n'ont pas été caractérisées", précise-t-il.

Une génération angoissée

Toujours est-il que cette affaire interroge sur l'évolution du rapport au travail de la jeune génération, bien trop souvent critiquée d'ailleurs. Mais aussi l'adaptation de l'encadrement à leurs aspirations. "J'ai déjà stoppé des sessions avec des intervenants professionnels qui n'avaient pas le bon discours face aux étudiants. Aujourd'hui, si vous parlez trop fort, vous commencez à dire à quelqu'un qu'il ne fait pas l'affaire, la personne se met à pleurer et ne vient pas en cours. Il y a le ton à employer par exemple. Cela m'est déjà arrivé d'expliquer cela à une journaliste pour qu'elle mette plus les formes", raconte Laurent Bigot, le directeur de l'EPJT.

Il ne s'agit pas là d'un jugement mais d'un constat d'un véritable changement de profil des étudiants ces dernières années, qu'il assure prendre en compte. "Ces étudiants sont confrontés à des problématiques plus angoissantes liées à la période post-covid, qui a déjà été un traumatisme en elle-même, à des évènements internationaux, de contexte de guerre notamment. Ils sont confrontés à d'autres difficultés liées au contexte environnemental et climatique qui fait peser sur eux des angoisses existentielles, sans doute un peu plus fortes. Cela n'explique pas tout, mais cela peut permettre parfois de mieux les comprendre et de comprendre pourquoi, très régulièrement, leur santé mentale est également en jeu, pas seulement leurs conditions de vie et de travail, dans une école et un média", explique Laurent Bigot. Un séminaire a ainsi eu lieu en novembre dernier pour les élèves sur la santé mentale.

"On est prêt à travailler durement pour réussir dans ce métier mais on va pas y laisser sa santé"

Une génération davantage angoissée qui, à travers cette polémique, démontre qu'elle ose également poser ses limites. "Il y a un écart dans le sens où on a moins envie de mettre de côté notre vie perso, nos loisirs, les personnes qu'on aime pour réussir dans ce métier et on a envie de se convaincre qu'on peut réussir dans ce métier, sans complètement foutre en l'air sa vie perso. Par exemple, quand c'est un devoir pour l'école, on a du mal à se dire qu'on va y passer notre week-end et une partie de nos vacances. Si demain, on me donne un sujet à faire qui m'intéresse à mort en rédaction, je n'ai aucun souci pour sauter un repas, me dire que pendant trois, quatre jours, je vais être très fatigué etc. C'est pas parce que les anciennes générations se sont privées de tous loisirs, de vie perso, qu'on doit le faire aussi. On veut trouver du sens à ce que l'on fait. Cela ne nous empêche pas d'avoir de bonnes opportunités professionnelles. Certains d'entre nous sont en stage dans de très bons médias, en alternance aussi et cela se passe très bien. On est prêt à travailler durement pour réussir dans ce métier mais on va pas y laisser sa santé et notre vie perso juste pour dire aux anciennes générations, on a fait comme vous. Être heureux dans ce métier, c'est important", précise un étudiant de l'EPJT qui décrit la dureté de trouver un travail dans le monde du journalisme.

Un rapport à la profession et au milieu du travail qui peut surprendre. "On peut être surpris par des remarques [de certains élèves], comme avoir du mal à sauter un repas. Cela peut surprendre car dans n'importe quelle configuration professionnelle, cela peut arriver. On doit faire un petit effort d'adaptation. On a créé tout un tas de temps de concertation qui nous permettent d'entendre les étudiants sur ce qui peut convenir ou moins bien convenir aux étudiants. On va à chaque fois ajuster pour trouver le juste équilibre entre le côté exigence du cursus et aspiration du monde professionnel", indique Laurent Bigot qui assure que les rédactions ont pris conscience aussi de tout cela. Un temps d'échange avec ses élèves que le directeur assure avoir intensifié depuis un an.

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