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Paris : des familles, avec des enfants, hébergées dans une école du 18e arrondissement

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Dormir dans la rue, se préparer et ensuite à aller à l'école, comme si de rien n'était : c'est le quotidien d’une cinquantaine d’enfants rien que dans le 18e arrondissement de Paris. Elus et associations alertent sur la situation qui se dégrade dans la capitale.

Au total, quatre familles sont hébergées dans les deux établissements scolaire Richomme dans le 18e arrondissement de Paris. Au total, quatre familles sont hébergées dans les deux établissements scolaire Richomme dans le 18e arrondissement de Paris.
Au total, quatre familles sont hébergées dans les deux établissements scolaire Richomme dans le 18e arrondissement de Paris. © Radio France - Marion FERRERE

Chaque soir au 3e étage de l’école primaire Richomme, dans le 18e arrondissement de Paris, la salle de musique se transforme en dortoir spartiate. Ici s’installent après la fin des cours, à 18h, quatre familles : 7 adultes et 8 enfants, dont un bébé de 2 mois. "C’est la salle la plus grande, il n’y a pas de bureau. C’était la plus simple à adapter rapidement. Vous voyez il y a des matelas en mousse par terre, des couvertures", détaille Manon Luquet. Cette mère d'élève est membre du collectif "Une Ecole, un Toit". C'est le directeur de l'établissement qui l'a directement alertée de la situation de ces familles. Une mère et son petit garçon de trois ans sont également accueillis dans l'école maternelle située de l'autre côté de la rue. Tous les matins, il faut tout ranger avant le début des classes à 8h30. Ils avalent un petit-déjeuner rapidement en salle des maîtres et "souvent les enfants ressortent, pour arriver en même temps que les autres". Et simuler un semblant de normalité. Les parents eux retournent dans la rue, au mieux dans des accueils de jour. "Mon fils a du mal, je vais souvent le chercher plus tôt vers 17h à la maternelle, pour l'emmener au parc à côté, pour qu'il puisse jouer comme tous les autres avant de revenir à l'école. Mais ce n'est pas une maison", glisse Julie, 35 ans.

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Pas d'eau chaude et pas plus de 13 degrés la nuit

Les conditions de vie restent également précaires. "Il n'y pas d'eau chaude, seulement l'eau froide des toilettes de l'école, pour la toilette c'est compliqué", reconnaît Adèle, une autre mère d'élève engagée dans le collectif. "Il n'y a aucune réponse institutionnelle, cette solution d'hébergement c'est du bricolage : on ne peut pas dormir dans une salle de classe, se dépêcher le matin de partir, se laver à l'eau froide, il fait entre 10 et 13 degrés la nuit… Personne n'accepterait ça", s'indigne Manon Luquet. "C'est surréaliste en France, dans la 7e puissance mondiale", s'emportent ces deux mamans. "Mais c'est mieux que rien", nous confie un père de famille venu de la République Démocratique du Congo. Avec son fils de 9 ans, ils ont longtemps dormi dans la rue depuis leur arrivée en France il y a un an et demi. "C'est difficile ici mais imaginez : dormir à la rue, rester dehors entre 6 et 7 heures chaque soir après l'école avec son enfant et ensuite devoir le préparer dehors pour qu'il retourne en classe…. C'est très dur", explique-t-il avec émotion. D'autant qu'il est primordial que son fils puisse aller à l'école répète-t-il. Ce répit, Julie le savoure aussi. Depuis le mois de mai dernier, elle dormait chaque nuit sur un bout de carton avec son petit-garçon de trois ans. Parfois avec d'autres familles, rassemblées devant un grand magasin "pour se sentir moins seuls et moins en danger. Mais on nous a volé beaucoup de choses, comme la poussette et des vêtements". "Ici, autour de nous, on n'est pas stressé : il y a des mamans qui nous encouragent, la nourriture ne manque pas. Mais on ne sait pas combien de temps ça va durer", murmure cette jeune femme originaire du Cameroun. Tous les jours, elle appelle le Samu social. Hormis quelques hébergements glanés cet été à l'hôtel, elle n'a rien obtenu. Dans cette école du 18e arrondissement, seule la famille avec un bébé de deux mois arrive à obtenir un placement d'urgence. "De temps en temps, rarement plus d'une semaine et ils le savent souvent au dernier moment", explique Manon Luquet.

Le collectif "Une école, un toit" compte sur la solidarité des parents pour aider ces familles hébergées dans l'école Richomme dans le 18e arrondissement de Paris.
Le collectif "Une école, un toit" compte sur la solidarité des parents pour aider ces familles hébergées dans l'école Richomme dans le 18e arrondissement de Paris. © Radio France - Marion FERRERE

Pour subvenir aux besoins des familles, une collecte de dons a d'ailleurs été lancée. "Ça tient à ca : à une immense chaine solidarité avec les parents et les enseignants", confie Adèle. Cette mère d'élève redoute la rentrée scolaire en novembre. "On ne laissera jamais une famille à la rue mais on est frappé par une situation qui est complètement inédite, autant l'année dernière on arrivait à trouver des solutions avec le Samu social mais cette année il n'y a vraiment rien. On ne sait plus comment faire face", s'alarme-t-elle.

Plus de 1 600 enfants dorment dans la rue à Paris selon Utopia 56

Cette situation est aussi dénoncée par le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat. Ce mardi, il compte interpeller la ministre des Solidarités et de la famille au Sénat. Il demande une mise à l'abri urgente et la réquisition des bâtiments libres. Dans le 18e par exemple, le collectif souhaite la mise à disposition du lycée Suzanne-Valendon, qui n'est plus occupé cette saison. Contactée par France Bleu Paris, la région, qui possède la gestion des lycées, se défend : selon le cabinet de Valérie Pécresse, cet établissement est la propriété de la Ville de Paris, tout comme 12 autres lycées parisiens. Une cession des murs est prévue mais Région et Ville de Paris ne sont pas d'accord sur la facture des travaux à régler pour restaurer ces établissements, environ 30 millions d'euros environ. La région assure à France Bleu Paris qu'elle étudiera la demande du collectif mais précise également que ce bâtiment doit prochainement servir de "lycée tampon", le temps des travaux prévus dans la cité scolaire Jacques-Decour, dans le 9e arrondissement.

Les associations d'aide s'inquiètent aussi, alors que l'hiver n'a pas encore commencé. Utopia 56 par exemple tient chaque soir une permanence à proximité de l'Hôtel de ville de Paris pour orienter les familles sans domicile. "En 2021, nous avons rencontré 1 800 familles dont 1 600 enfants. Cette année en 2023, pour le moment, ce sont 1 900 familles dont 1 656 enfants, parmi eux se trouvent 558 bébés", énumère Yann Manzi, co-fondateur de l'association. "Ces chiffres sont totalement incroyables, c'est dramatique et ça, c'est une photographie à l'échelle de notre petite association : imaginez au niveau parisien", alerte-t-il expliquant chercher des lieux d'hébergements alternatif pour accueillir ces personnes. "L'hiver dernier on arrivait à mettre 100 personnes à l'abri chaque soir, cette année c'est à peine 20%". Il dénonce la politique du gouvernement "inhumaine et très sévère". Il y a une volonté, d'après lui, "de nettoyer Paris, d'envoyer la misère parisienne en région" en vue des Jeux Olympiques 2024. "On est en train de faire de la place dans les hôtels, ils vont faire peau neuve avant les JO et ils ne sont plus disponibles pour les dispositifs de mises à l'abri", constate le militant associatif. "Avec les réquisitions des bâtiments, on peut imaginer que les trottoirs de nos villes pourraient être rapidement vidés", conclut-il amer.

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