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Dadou (caricaturiste) : "Louis Nicollin a changé ma vie"

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Comme tous les ans à cette période, France Bleu Hérault reçoit une personnalité du département, hors de toute actualité. C'est l'occasion de prendre le temps pour faire sa connaissance autrement. Ce matin, le dessinateur héraultais Dadou.

Dadou et Louis Nicollin Dadou et Louis Nicollin
Dadou et Louis Nicollin

Avant Dadou, il y avait David Buonomo, votre vrai nom. Comment et quand est né Dadou ?

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Le nom Dadou est venu de ma famille, parce que tout le monde m'appelait comme ça quand j'étais petit. Ironie du sort ? Maintenant, tout le monde m'appelle Dadou, sauf ma famille. Donc voilà comment ça a commencé, et quand il a fallu choisir un pseudo, je suis revenu vers Dadou parce que c'était un surnom que j'aimais bien.

Et à quel moment il a fallu choisir un pseudo, justement ?

Moi, j'ai commencé à le prendre au moment de mes études quand, sorti du bac, je suis allé en fac de lettres, manière de faire semblant de travailler (rires). C'était surtout pour essayer d'aller vers les arts. Au départ, c'était les arts du spectacle parce que je suis passionné de cinéma. Puis ça a été tout simplement le dessin. Il n'y avait pas beaucoup de pratique, beaucoup de théorie, donc ça ne m'a pas super intéressé. Par contre, j'ai fait des rencontres géniales à la fac, avec des potes dans le même esprit que moi. Quand j'ai commencé à faire des dessins humoristiques pour un petit fanzine local à la fac, il fallait trouver un pseudo. Donc j'ai pris Dadou.

Est-ce que ça a tout de suite été l'humour et la caricature, dans le dessin ?

Je m'étais essayé au portrait sur Robert De Niro et Spielberg. Mais vraiment, ça a été de suite le dessin humoristique, la caricature. Parce que j'aime ça, parce que j'ai toujours été attiré par les dessins de Chenez dans l'Équipe et également à la télévision. Parce que j'aime la bande dessinée humoristique. Puis je crois que j'avais cet esprit un peu chambreur. Déconneur. Un peu de mes origines sétoises, parce que c'est l'esprit sétois, un peu aussi de mes origines montpelliéraines et ce côté où on se prend pas au sérieux et dont Louis Nicollin est un peu aussi le symbole. Je pense qu'il y avait un peu de tout ça et j'ai toujours grandi dans une famille où on ne pouvait pas être sérieux trois minutes. On se faisait de suite remettre en place par une vanne. Donc c'est comme ça, et j'ai toujours été attiré par la caricature.

Louis Nicollin, il a changé votre carrière ?

Il a changé ma vie. Je suis content de moi d'avoir eu l'idée de faire une BD sur lui et d'être allé le voir. Il m'est arrivé, des fois, d'avoir certaines mauvaises langues qui disaient : oui, mais c'est Louis Nicollin qui a fait ta carrière. Mais c'est pas lui qui est à la base de la BD, c'est moi qui en ai eu marre de voir une image négative de Louis Nicollin et de Montpellier, par des journalistes ou des gens du reste de la France qui ne le connaissaient pas. Donc je me suis amusé à montrer aussi l'autre Louis Nicollin, celui qu'on connaît à Montpellier, celui qu'on connaît dans le sport, dans le football associatif, dans tout ça. Et donc c'est parti de là.

Si vous voulez, je vous raconte cette année, rapidement. Le 31 décembre 2010, j'ai bifurqué après de rapides études en fac de lettres, vers la restauration. Pourquoi ? Parce que je suis issu d'une famille de commerçants. Parce que mes grands-parents avaient un salon de thé à Montpellier. Puisqu'on est sur France Bleu Hérault, peut-être, ça parlera à certains de vos auditeurs, ils avaient un salon de thé au Polygone qui s'appelait "La Belle Farine", qui était l'une des meilleures pâtisseries de Montpellier. Et donc j'ai grandi toute ma jeunesse, mon adolescence, un peu là-bas. Quand je travaillais mal à l'école, il fallait aller bosser l'été. C'était ma punition, mais c'était plutôt un plaisir. Et en fait, j'ai toujours eu ça en moi. Donc je me suis dit : tu vas choisir un métier, le dessin, qui est casse gueule, donc quoi de mieux que la restauration pour être sûr de toujours bouffer, de manger à sa faim ?

Oui, parce qu'à ce moment-là, le dessin n'est pas un gagne pain...

Pas du tout. Je dessine pour Midi-Libre depuis 2006. On est alors en 2011, et c'est pas un dessin par semaine qui fait vivre. Donc je me retrouve le 31 décembre 2010, et un ami dessinateur qui deviendra l'éditeur de la première  BD, me dit que Louis Nicollin cherche des dessins pour son musée. Parce qu'il adore le dessin satirique, et encore plus quand c'est le foot. Donc il me dit : "est-ce que tu en aurais ?" Je dis que oui, je fais une sélection, et je lui en donne. En fait, Louis Nicollin m'achète ces dessins. Je l'ai au téléphone et il me dit : voilà, j'ai vu tes dessins, je les adore tous. Il me dit : je te fais un chèque, je te les prends tous. Pour la première fois de ma vie, j'avais à peu près un ou deux mois de salaire devant moi et je me suis lancé le soir même. Il y avait le réveillon et j'ai dit à toute ma famille : je vais me lancer. Pendant un an, je vais tenter ma chance dans le dessin. Si ça loupe, c'est pas grave, je reprendrai la restauration. Et en fait, quelques mois après, j'ai eu l'idée de faire la bande dessinée sur Louis Nicollin. On s'est rencontrés le 1ᵉʳ septembre 2011. Ça a duré cinq minutes dans son bureau au mas Saint-Gabriel, et depuis, on ne s'est jamais quittés. Il y a des moments où, parfois, je me demande s'il ne me souffle pas des conneries à l'oreille pour les dessiner.

C'est incroyable : le président du club que vous supportez vous tend la main, à l'aube d'une saison magique pour le club. Les planètes se sont alignées, en fait ?

Ah, c'est fou ! J'ai trois mois pour faire une bande dessinée. J'ai jamais fait de BD de ma vie, hormis deux pages de pages par-ci par-là, dans un fanzine lu par trois personnes. J'ai montré quinze gags qui sont bien, et je commence à me lancer dedans. Donc, pendant trois mois, je dois dormir 4h par nuit. Je travaille jour et nuit sur cette BD parce que j'y crois à mort. Et vous me croirez ou pas. Il y a des moments où je rêve de la sortie de la BD. Je rêve que je vois des files d'attente pour des dédicaces. Je vois Montpellier aller loin en championnat. Et en même temps, c'est mon côté connaisseur du foot, je sentais qu'on allait faire un gros truc, parce que ça faisait deux ans qu'on avait le même effectif. Donc pourquoi je vous dis ça ? Parce que le 1ᵉʳ septembre, quand je vais voir Louis Nicollin pour lui présenter la BD, je lui ai dit en partant : "vous êtes prêts pour le mois de mai ?" Il me dit "quoi : mais qu'est-ce qu'il y a en mai ?" "On est champion de France !" Il a rigolé. Il m'a dit : "tu crois au jésus soviétique ? Allez, va faire tes dessins". Je lui dis non, mais on va être champions parce que vous avez eu l'intelligence de garder le même entraîneur et le même effectif depuis trois ans et que vous avez juste rajouté des bons éléments et je suis sûr que ça va marcher et qu'on va être champion. Et puis ça n'a pas loupé. Et quand je lui dis ça, on venait juste de battre Lille à Lille.

Le dessin dont vous êtes le plus fier, jusqu'à présent, concerne-t-il le Montpellier Hérault ?

Franchement, je pense que les BD Nicollin, c'est ce qui me ressemble le plus, par rapport au Dadou montpelliérain. Parce que dedans, j'y mets les endroits que j'aime de Montpellier. Déjà, au niveau des décors. Je m'amuse à jouer sur les époques dont, des fois, je suis nostalgique dans notre ville. Et si vous reprenez toutes les BD, il y a plein plein de clins d'oeil sur des personnages montpelliérains, sur des endroits, sur des enseignes qui n'existent plus, sur une façon de parler. Louis Nicollin, pourquoi est-ce que j'arrive facilement à le faire parler ? Parce que d'un côté, quand je m'énerve, je suis comme lui. Moi, je suis capable de parler comme lui. Et souvent, on me dit : c'est grossier ou tu parles fort aussi. Mais en fait, c'est parce que c'est le cœur qui parle.

Est ce qu'il aimait être caricaturé ?

Il adorait ! Moi, j'ai eu énormément de chance dans ma carrière, parce que je suis tombé sur des personnages principaux de mes BD qui ont toujours eu l'intelligence de l'autodérision. Louis Nicollin, je pouvais faire ce que je voulais, je pouvais le dessiner dans n'importe quelle situation. D'ailleurs, le premier dessin qu'il a vu, il est en cure avec Georges Frêche en string ! Donc c'était dingue.

J'ai dit Louis Nicollin, mais au niveau de l'autodérision, j'ai eu la même chose avec le professeur Raoult quand j'ai fait Chloro King ! Quelqu'un qui a aussi l'intelligence de l'autodérision, qui me dit : "faites ce que vous voulez". Je le dessine quand même en dealer de chloroquine, en claquettes chaussettes, qui parle "wesh-wesh". Donc j'ai cette chance là, et j'espère que dans le futur, ce sera comme ça aussi.

Certaines personnalités locales ont-elles déjà mal pris un de vos dessins ?

Celui qui me mettre un coup de pression, il est pas né. Moi, je me battrai toujours, parce que déjà je suis français, j'ai appris les valeurs républicaines à l'école. Donc il y a la liberté, la liberté de se moquer du roi, toujours dans la décence. Après, je suis bien éduqué, donc je ne pars pas non plus dans le n'importe quoi et dans la facilité. Je me battrai toujours pour ces valeurs-là. J'ai toujours été droit dans ma vie. Je n'ai pas fait de conneries, et en même temps, j'ai le droit d'utiliser cette liberté qui est l'humour satirique, parce que nos ancêtres se sont battus pour ça, il y en a certains qui sont morts, et on est enviés dans le monde entier par rapport à cette chance là.

Mais est ce qu'on vous a déjà menacé ?

J'ai reçu des menaces d'Argentins ! Alors c'est un truc de ouf. Sorti de la Coupe du monde, je me moque du gardien qui fait des gestes déplacés par rapport à Mbappé, avec une poupée. Je trouvais, en tant que sportif, en tant qu'amoureux du foot et en tant que footballeur amateur, que c'était un peu déplacé. Déplacé, quand on s'est pris quatre buts dans la gueule en finale de la Coupe du monde, de faire le flambard et le barbot. Surtout qu'il pouvait y aller sur d'autres joueurs, mais pas sur le meilleur. Donc je me suis permis un petit dessin et malheureusement, le dessin a été montré sur une chaîne argentine de sport. Et là, je me suis pris dans la gueule des insultes. En plus, c'était au moment de Noël. Des menaces de mort. On m'a dit : ouais, les frères Kouachi, ils ont bien fait de tuer Charlie Hebdo. J'en ai eues 50.000. Des messages racistes sur la France, vous ne pouvez même pas imaginer. Donc j'ai bloqué, j'ai enlevé le dessin et j'ai compris qu'on ne pouvait peut-être pas rire avec le monde. C'est là que j'ai compris que c'était aussi une particularité française. Mais il faut que les gens comprennent qu'on est libres. Mais c'est le seul dessin où j'ai vraiment eu un truc. Sinon, après, c'est facile. Quand je me moque du PSG, je suis un supporteur de Marseille et quand je me moque de Marseille, je suis un supporteur du PSG. Alors que moi, à part le MHSC et la France, je ne supporte personne.

Est-ce qu'on vous a déjà caricaturé, vous ?

Oui, Alors je me suis dessiné, et à chaque fois, je me dessine plus joli que je ne le suis, parce que c'est moi qui dessine et je fais ce que je veux (rires). Je me mets toujours dans les BD. Et puis j'ai aussi eu la chance d'être dessiné. Ça fait toujours plaisir. J'ai été dessiné dans les Vélos Maniacs, avec Louis Nicollin, par Jean-Luc Garréra et Alain Julié. J'ai été dessiné par mon pote Gaston qui a fait le bouquin Carnet de voyage sur Montpellier, donc ça fait toujours plaisir. Man m'a dessiné aussi. Ça fait plaisir parce que ça fait partie de mes idoles dans le dessin de presse. Donc pour l'ego, ça fait plaisir. Et puis surtout quand on a grandi avec des bandes dessinées autour de soi et qu'on se retrouve dans d'autres que les siennes, ça fait plaisir.

Vos modèles justement, qui sont-ils ?

Chenez, par rapport à l'Equipe, par rapport aux dessins sur le sport, par rapport aux dessins en direct à la télévision. Moi, j'ai rêvé sur ça. Je ne sais pas si vous souvenez, sur Canal. On regardait les matchs de première division. Et des fois, ça sauvait les matchs. Je me souviens d'un Nîmes - Montpellier, où il y a eu 0-0. Il se passait rien. C'était une tannée. Et s'il n'y a pas Chenez, au bout de la 30ème minute, tout le monde s'endort. C'était une horreur et donc je me suis rendu compte du poids, de la force du dessin. En dessin d'actualité, les gens que j'aime, c'est donc Chenez. Mais aussi Man, parce que tous les jours, quand je rentrais manger chez mes grands parents le midi, du collège, il y avait le Midi Libre que je lisais. C'est pour ça aussi que j'encourage les jeunes à lire les journaux. Je me suis aperçu, en faisant des interventions dans les collèges, que plus aucun jeune ne lit les journaux et qu'ils regardent Tic Toc rapido. Je leur ai posé la question : vous avez un emploi du temps de ministre ? Vous avez des gosses à charge ? Pourquoi faite-vous tout vite ? Prenez votre temps. Et je leur ai expliqué aussi que le Journal, par exemple le Midi Libre, quand on le lit, on ne lit pas tout, on ne lit pas de la première à la dernière ligne. On lit, on prend ce qu'on a à prendre, et on fait comme sur Tic Toc. Moi, tous les midis, je rentrais et je lisais le dessin de Man. Et donc j'ai grandi avec lui. Ça a inspiré un peu mon style. Donc Chenez, Man, Charlie Hebdo, que je le lisais plus au lycée. J'adore aussi les dessins de Soulcié, par exemple, qui devient un peu un pote.

Vous dites "je lisais les dessins". On lit un dessin, on ne fait pas que les regarder ?

Oui, et en même temps, si on va un peu plus haut, on peut même analyser le dessin et encore plus les dessins de Man. Moi, je suis un peu plus rentre dedans, je suis un peu plus cash, je suis un peu plus boum. Et Man, il y a en même temps de la poésie. Ça a encore forgé mon humour. Mon humour, il s'est forgé grâce au dessin, grâce à la bande dessinée, grâce à la télévision, grâce au cinéma. Parce qu'on était dans une époque où on pouvait rire de tout. Moi, j'ai 42 ans et j'ai eu la chance de grandir avec les Nuls, avec les Inconnus, avec les Guignols. Très importants, les Guignols, parce que tous les jours on prenait l'actualité, et on ne la prenait pas au sérieux. Ça partait dans tous les sens. Et donc j'ai l'impression que ma génération a eu cette éducation humoristique qui est vachement importante, ce qu'il n'y a plus du tout.

Justement, si c'était à refaire aujourd'hui, vous vous lanceriez dans la caricature ?

Très bonne question. Alors je pense que je me lancerais quand même. Pourquoi est ce que je me suis lancé dans le dessin ? Parce que c'était plus fort que moi. Je ne savais pas du tout quel était le principe, quel était l'emploi du temps, ce qu'il fallait faire, combien on gagnait. Comme j'ai dit, je suis intervenu dans des écoles, collèges, lycées. La question, c'était combien on gagne ? Moi, je m'en tapais complètement de savoir combien on gagnait quand on était dessinateur. Je ne le savais même pas. Ce n'est pas comme ça qu'on réfléchit quand on est artiste. Et moi, je n'ai pas réfléchi, c'était plus fort que moi. À un moment donné, je me suis dit : bon, j'ai l'impression que quand tu sors des vannes à l'oral, tu fais rire les autres. Donc déjà, c'est un plus. Tu peux aussi séduire avec l'humour. Moi, je me suis aperçu à l'âge de 20 ans, que je dessinais mieux que les autres, ou en tout cas, que tout le monde ne savait pas dessiner. Donc je découvre ça et je me suis dit que je pouvais en faire mon métier. Je me suis fixé jusqu'à l'âge de 30 ans parce que je sentais qu'après 30 ans, on avait moins envie de faire des choses. J'ai tout donné jusqu'à l'âge de 30 ans et j'ai eu la chance d'avoir l'idée de la BD Nicollin à 29 ans.

C'est un don, le dessin ?

Moi, je n'ai jamais pris un cours de dessin. J'ai travaillé comme un chien. Parce que du moment où j'ai compris que je pouvais peut être en faire mon métier, je me suis aperçu du fait que je n'avais pas du tout le niveau, par rapport à ceux qui en faisaient déjà leur métier. Donc j'ai travaillé, et il faut s'entraîner tout seul. Il faut se mettre en danger. Et ça a pris des années. Au moment où j'ai senti que je pouvais peut être faire quelque chose de sympa, je me suis lancé. Donc oui, c'est un don. Déjà, rien qu'en observant un dessinateur, je suis capable de refaire ce qu'il fait. Je ne sais pas si vous seriez capable. Si on prend tous les deux des cours, ce que vous allez peut-être apprendre en un mois, je vais peut être l'apprendre en une semaine. Je pense qu'il y a donc une facilité. Cette facilité, elle est venue aussi de mon grand père qui, à la retraite, a dessiné un peu, puis ensuite a fait des tableaux. C'est la seule personne dans ma famille qui sait dessinée. Donc je l'ai vu un peu. Moi, j'avais envie de dessiner comme tous les enfants. Et puis je me suis pris au jeu d'écrire des histoires. Alors oui, je ne sais pas si ça venait de moi. Ou est ce que c'est parce que j'ai eu la chance que dans ma famille, on m'offre des bandes dessinées au lieu de m'offrir autre chose. Je ne sais pas. En tout cas, je pense qu'il y a quand même une facilité.

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