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Confronté à la crise du logement, Christian habite désormais un mobil-home dans un camping de Gironde

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Face à la cherté de l'immobilier dans le Sud-Ouest, certains décident de s'installer à l'année dans des mobil-homes de camping, comme à Sadirac, dans l'Entre-deux-Mers (Gironde). Un phénomène sociologique analysé dans un livre publié le vendredi 5 avril.

Le camping Bel Air de Sadirac dans l'Entre-deux-Mers accueille plusieurs résidents à l'année. Le camping Bel Air de Sadirac dans l'Entre-deux-Mers accueille plusieurs résidents à l'année.
Le camping Bel Air de Sadirac dans l'Entre-deux-Mers accueille plusieurs résidents à l'année. © Radio France - Jules Brelaz

Il y a encore quelques années de cela, Christian habitait un trois pièces dans la commune de Créon, à une vingtaine de kilomètres de Bordeaux. "Le montant de ma retraite de 900 euros arrivait à peine à couvrir le crédit. Avec les charges, je n'y arrivais pas, alors j'ai trouvé cette solution". L'ancien nettoyeur industriel habite désormais dans un mobil-home de 30 m² installé sur le camping Le Bel Air à Sadirac. Et le cas du retraité est loin d'être isolé. L'hôtellerie de plein air attire de plus en plus de déclassés, comme le raconte le journal Libération dans un dossier publié le vendredi 5 avril.

Marylise avec ses voisins Bruno et Claude, chacun résident à l'année au camping Bel Air de Sadirac.
Marylise avec ses voisins Bruno et Claude, chacun résident à l'année au camping Bel Air de Sadirac. © Radio France - Jules Brelaz

"Entrez, je vous en prie !" Même en plein ménage de printemps, Jacky ouvre grand sa porte. Elle aussi est une résidente à l'année du camping trois étoiles. Son mobil-home lui a coûté 50.000 euros il y a dix-sept ans de cela. "Là, c'est la cuisine, ici notre chambre à coucher, avec le bureau à côté, les toilettes, la salle de bain. Je me sens bien dans un mobil-home. J'ai l'impression d'être moins enfermée que dans une maison." Un choix de vie pour certains, une nécessité pour d'autres comme son voisin Vincent. "Des difficultés financières", explique celui qui travaille dans les espaces verts. "Pour trouver un logement, en tant que personne seule, on ne trouve rien, on n'a le droit à que dalle !"

Locataire pour un loyer de 500 euros, Vincent estime qu'il paierait "largement" plus cher un appartement en ville. "Ici, on a l'avantage de pas payer d'impôts et tout ce qui s'ensuit." Christian lui a acheté son mobil-home 17.000 euros et il loue le terrain 268 euros par mois, en ajoutant les charges d'eau et d'électricité. "Ce que je regrette, c'est de ne plus avoir de cheminée parce que toutes les maisons que j'ai eues, j'avais des cheminées à l'intérieur. Mais bon, on ne peut pas tout avoir."

Au plus fort de la saison estivale, le camping le Bel Air accueille 500 vacanciers et résidents.
Au plus fort de la saison estivale, le camping le Bel Air accueille 500 vacanciers et résidents. © Radio France - Jules Brelaz

La crise du logement est telle que le camping Le Bel Air doit refuser certaines demandes. "On a beaucoup de gens qui nous appellent et nous envoient des mails, explique Raphaël, cogérant du site avec ses parents. Avec la fin de la trêve hivernale des expulsions locatives fin mars, on a des demandes pour des relogements, des gens qui se séparent et qui n'arrivent pas à trouver de logement sur Bordeaux, ils nous disent : 'c'est trop cher, on n'arrive pas à se loger, je vis dans la voiture...' C'est assez compliqué effectivement."

Une conjonction de plusieurs facteurs

Après quatre années d'enquête, le sociologue Gaspard Lion a publié, le vendredi 5 avril, l'ouvrage Vivre au camping. Un mal logement des classes populaires (Seuil). Joint par France Bleu Gironde, le maître de conférence à l'université Paris Sorbonne-Nord indique voir dans ce phénomène une conjonction de plusieurs facteurs. "C'est le produit de la crise sociale et économique, de la paupérisation sociale avec une précarisation du monde du travail, un chômage structurel de masse et dans le même temps, le produit de cette envolée des prix de l'immobilier, une flambée qui a conduit à un décrochage de plus en plus fort entre les prix des loyers qui ne cessent d'augmenter et les ressources des ménages qui se maintiennent, qui baissent ou qui n'augmentent pas, le tout pour des fractions toujours plus larges de la société. Les classes populaires en premier lieu, mais aussi certaines classes moyennes, qui ne peuvent plus se loger dans le parc ordinaire."

Le camping Le Bel Air est situé à Sadirac, dans l'Entre-deux-Mers.
Le camping Le Bel Air est situé à Sadirac, dans l'Entre-deux-Mers. © Radio France - Jules Brelaz

"Le camping résidentiel témoigne de ça, notamment dans le Sud-Ouest et plus particulièrement en Gironde, ajoute l'enseignant-chercheur. Il y a tout un ensemble de territoires en France qui sont très marqués par l'expansion du phénomène, ce sont des territoires marqués par la cherté du foncier et de l'immobilier, avec de plus en plus de personnes qui subissent des trajectoires de déclassement social ou résidentiel."

Ce phénomène profite également d'un vide juridique. "Si le Code du tourisme dit explicitement qu'il est interdit d'élire domicile dans un terrain de camping. Dans les faits, poursuit Gaspard Lion, la plupart des gérants acceptent de domicilier les personnes qui se trouvent sur ces terrains à l'année." Le Code du tourisme qui est beaucoup moins protecteur que le droit du logement. Ces résidents sont notamment privés des APL et des aides du Fonds de solidarité logement.

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