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Arrêts maladie "de complaisance" : 40 médecins sous surveillance en Isère, "je me sens traînée dans la boue"

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L'assurance maladie a identifié un millier de médecins en France "gros prescripteurs" d'arrêts maladie. Parmi eux, une quarantaine de médecins isérois, qui doivent limiter le nombre d'arrêts s'ils ne veulent pas risquer de pénalités financières. Ils dénoncent une "mise sous surveillance".

Cabinet médical (illustration) Cabinet médical (illustration)
Cabinet médical (illustration) © Maxppp - Lionel VADAM

Les syndicats de médecins dénoncent une "campagne d'intimidation". Depuis le début de l'été, l'Assurance maladie a commencé à procéder à des contrôles sur les 1,5% de médecins qui délivrent des arrêts maladie de manière "atypique" par rapport à leurs collègues exerçant en conditions semblables - soit un millier de praticiens. Parmi eux, une quarantaine sont concernés en Isère par cette "mise sous objectif".

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"Je l'ai vécu comme une humiliation, je me suis sentie honteuse et je me suis posé des questions : est-ce que je fais mal mon travail ? C'est assez violent", raconte le docteur Sidonie Lecomte, médecin généraliste à Allevard et concernée par cette mesure. Après un courrier et un appel de l'assurance maladie fin juin, la praticienne sera convoquée pour s'expliquer, et pourrait se voir imposer de baisser ses prescriptions.

"Je ne peux pas, je ne me vois pas obliger quelqu'un qui ne peut pas marcher ou qui pleure tous les matins avant le travail d'aller au boulot", raconte la médecin. Pourtant, l'assurance maladie estime qu'elle prescrit plus d'arrêts de travail que ses collègues avec une patientèle équivalente. "Mais il faut regarder le contenu des consultations, moi je fais régulièrement des consultations d'écoute psychologique - au moins deux par jour - forcément cela génère plus d'arrêts de travail que des consultations pour renouveler une ordonnance", explique le docteur Lecomte. "D'ailleurs, lorsque mes patients sont contrôlés par des médecins de la Sécu, l'arrêt de travail est toujours validé", précise-t-elle.

"On nous donne un objectif, comme un commercial"

C'est aussi le sentiment du syndicat MG France : "L'assurance maladie va nous demander de respecter un nombre maximal d'arrêts maladie, peu importe les situations particulières que le médecin peut rencontrer", critique Deborah Cadat, déléguée du syndicat en Isère. "On donne un objectif de prescriptions, comme un commercial".

En face, l'assurance maladie rappelle le principe de réalité : les indemnités journalières versées dans les cas d'arrêts de travail ont augmenté de 8,2% en 2022 et s'élèvent à 13,5 milliards d'euros (hors maternité).

"Dire qu'il n'y a pas du tout d'arrêts de complaisance serait sans doute une erreur de ma part, mais dire que 40 médecins en Isère font de la complaisance, c'est nier ce que l'on vit actuellement, on a une société et un monde du travail particulièrement en souffrance", complète Deborah Cadat.

Reste aussi à savoir si cette méthode de "mise sous objectif" est réellement efficace. Pour le docteur Sidonie Lecomte, cela a plutôt été la goutte d'eau qui fait déborder le vase, elle va tout simplement arrêter la médecine générale : "Je me posais déjà la question avant mais depuis ce courrier au mois de juin, je me suis dit "c'est bon, j'arrête"", raconte-t-elle. "Je me sens traînée dans la boue, alors que je fais mon travail correctement depuis quinze ans".

Elle va donc se concentrer sur l'activité gynécologique. Moins stressant, plus rémunérateur aussi " et puis moins d'arrêts de travail, au moins la Sécu ne pourra plus me reprocher cela ".

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