Jean Rottner annonce sa démission de la région Grand Est et se retire de la vie politique

La décision a surpris jusque dans les rangs de la majorité ce mardi : Jean Rottner annonce qu'il quitte la présidence du Grand Est et se retire de la vie publique. L'ancien maire LR de Mulhouse, âgé de 55 ans, était à la tête de la région depuis 2017 et la démission de son prédécesseur Philippe Richert. Il était aussi premier adjoint à la maire de Mulhouse.

Dans son communiqué, Jean Rottner indique qu'il se retire de "l'ensemble de ses mandats d'ici la fin de l'année" et donne le nom de celui qui va assurer l'intérim à la tête du Grand Est : Franck Leroy, maire centriste d'Epernay et premier vice-président. Pour la première fois, au moins provisoirement, ce n'est pas un Alsacien qui va présider la région créée en 2015.

"Des impératifs familiaux animent cette lourde décision"

Dans son communiqué, Jean Rottner parle d'une "décision mûrement réfléchie" animée par "des impératifs familiaux", un "choix à respecter", tout en concédant que ce retrait allait "surprendre".

Jean Rottner exprime ses remerciements à l'égard des collaborateurs et des élus qu'il a côtoyés au cours de sa vie politique. Il explique qu'il a "passionnément aimé l'engagement public".

A la communication de la région Grand Est, on précise que Jean Rottner ne fera aucun commentaire. La dernière apparition publique en date du président de région, c'était ce lundi à Trémery où il a inauguré la première usine de moteurs électriques de Stellantis, en compagnie du directeur général du groupe, Carlos Tavares.

Qui pour succéder à Jean Rottner ?

Franck Leroy est un président intérimaire. La majorité au conseil régional va se réunir pour désigner un candidat. L'élection du président pourrait intervenir en janvier. La prochaine séance du conseil régional était prévue en mars, mais ce serait trop tard, au vu de l'enjeu.

Lors de l'élection pour la présidence en juillet 2021, Jean Rottner avait été élu par 95 voix sur 169 conseillers votants. Le candidat du RN Laurent Jacobelli avait recueilli 33 voix. La candidate EELV-PS-PC avait obtenu 27 voix.

Laurent Jacobelli, chef de file du Rassemblement national à la région, est d'ores-et-déjà candidat. Il se dit "étonné" du moment choisi pour ce retrait, mais pas surpris sur le fond. "Il gérait l'ingérable" avec une région Grand Est "dont les habitants ne veulent pas" déclare-t-il à France Bleu Lorraine. Pour l'élu RN,  la majorité de Jean Rottner était hétéroclite, "entre macronistes, ciottistes, centre gauche, tout cela n'avait aucun sens".

A droite comme à gauche, de nombreux élus expriment leur surprise et saluent le parcours de Jean Rottner. La présidente de l'Eurométropole de Strasbourg rappelle notamment son engagement pour le REME, le Réseau express métropolitain européen lancé le 11 décembre. La maire de Mulhouse Michèle Lutz, qui lui a succédé à la tête de l'exécutif municipal, explique qu'il a su donner "un nouvel élan" à sa ville "transformer durablement le centre-ville".

"Il a eu envie d'autre chose, de marquer une rupture" explique de son côté la Nancéienne Valérie Debord, vice-présidente de la région et présidente du groupe majoritaire.

Avant de s'engager en politique, Jean Rottner était médecin urgentiste. Fort de son expérience médicale et de la situation particulièrement grave du Grand Est dans la pandémie de Covid en 2020, il s'impose dans le débat national, alertant sur l'ampleur de la crise, réclamant une mobilisation plus forte de l'Etat pour la mise à disposition des masques puis des vaccins. Certains le voient comme un possible ministre de la santé, mais dans la campagne présidentielle de 2022, il apporte son soutien à la candidate LR et se fâche avec Emmanuel Macron.

La position de Jean Rottner au sein du parti Les Républicains reste pourtant celle de la main tendue à la majorité relative du camp présidentiel. En juin 2022, après les législatives, il se dit favorable à "des compromis" avec le gouvernement et les macronistes à l'Assemblée. Après la désignation d'Eric Ciotti à la tête des LR, certains observateurs le voyaient quitter le parti de droite.

La sortie de l'Alsace relancée ?

Au sein de l'assemblée régionale, Jean Rottner a évolué de la défense de l'Alsace à l'incarnation du Grand Est. En 2014, il portait une pétition contre la fusion de l'Alsace avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne. En 2017, lors de son élection à la présidence du Grand Est, il regrettait encore "une réforme bricolée", mais ensuite il a véritablement endossé le costume de président de la région, s'attachant à sillonner le territoire, refusant de soutenir les velléités de redonner à l'Alsace son "indépendance" hors du Grand Est.

Fidèle à son opposition au Grand Est et à ceux qui l'incarnent, le parti régionaliste alsacien Unser Land parle de cette démission comme d'"un cadeau de Noël pour ceux qui sont attachés à l'Alsace" et estime que Jean Rottner a "trahi" les Alsaciens.

Les élus alsaciens sautent sur l'occasion pour remettre sur le tapis la question de la sortie de l'Alsace du Grand Est. C'est le cas par exemple de Charles Sitzenstuhl, chef de file des députés macronistes, pour qui ce départ "ne peut qu'aider à faire avancer le nécessaire débat sur le périmètre géographique excessif du Grand Est".

Les grandes dates de la vie politique de Jean Rottner

• 2002 : entré en politique sous l'étiquette UDF, il adhère à l'UMP et devient suppléant de la députée mulhousienne Arlette Grosskost
• 2008 : Jean Rottner est élu au conseil municipal de Mulhouse, sa ville natale, sur la liste d'entente municipale de Jean-Marie Bockel, puis devient 1er adjoint au maire
• 2010 : Jean Rottner est élu maire de Mulhouse après la démission de Jean-Marie Bockel
• 2014 : il est réélu maire de Mulhouse
• 2015 : Jean Rottner entre au premier conseil régional du Grand Est sur la liste de Philippe Richert (LR-UDI-Modem)
• 2017 : il est élu président de la région après la démission de Philippe Richert
• 2021 : Jean Rottner est réélu à la présidence du Grand Est après les élections régionales