Changement d'heure : l'horloger de la grosse cloche de Bordeaux sera sur le pont
Une survivante. Cette horloge est la dernière de Bordeaux à nécessiter une intervention humaine hebdomadaire, ainsi que pendant le changement d'heure. Un travail que Jean-Louis Duverger exécute depuis dix ans.
13 heures. Jean-Louis Duverger arrive en bas de la grosse cloche. Il lève les yeux, sort sa montre à gousset et note la différence. "3 minutes", marmonne-t-il. Tous les jeudis, il entre par la petite porte rouge en bas de la porte Saint-Eloi, grimpe les 115 marches de la tour et se prépare à œuvrer. Il ouvre la boîte en bois qui empêche la poussière de se déposer sur le mécanisme et le tic-tac s'en échappe, comme libéré. Il installe alors une manivelle et tourne pendant près de vingt secondes. Il enroule par la même un câble d'acier au bout duquel est accroché un poids de soixante kilos. Ce poids est la source d'énergie. Il descend, lentement, très lentement : pendant une semaine et initie ainsi le mouvement des engrenages. Toutes les semaines, Jean-Louis doit donc revenir pour remonter le poids. S'il attend huit jours, le poids touchera le sol et l'horloge n'aura plus l'énergie nécessaire à son fonctionnement et s'arrêtera.
Au milieu des toiles d'araignée
Une fois que c'est fait, l'horloger huile ce qu'il appelle les "ancres" qui permettent le tic-tac et surtout, il ajuste l'heure. Car selon les intempéries et les saisons, l'horloge se dérègle de deux à trois minutes, en avance comme en retard. Mais soudain, il a un doute... "Mince, c'est trois minutes d'avance ou de retard ?" Il descend d'un étage, se glisse dans un renfoncement de 1m30 de haut, ouvre une trappe, ou plutôt une porte, et le soleil entre, jetant la lumière sur quelques toiles d'araignées inhabitées.
C'est un honneur pour moi de travailler cette horloge.
Jean-Louis peut sortir sur la petite plateforme. Il se trouve juste à droite de l'horloge. Il se tord le cou et son œil expert ne s'y trompe pas. "Il est 27. Et là, l'Eglise vient de sonner la demie donc l'horloge a trois minutes de retard." Pourtant, pour un œil non exercé, les aiguilles sont illisibles de ce point de vue. Il remonte, retire un mécanisme, laisse délicatement mais rapidement tourner entre ces deux mains un tube entre deux engrenages et les aiguilles tournent. "Les passants ont vu le temps s'accélérer, deux-trois minutes", dit-il plein de poésie.
Dimanche, il attendra le matin
Et dimanche, Jean-Louis Duverger travaillera car c'est le changement d'heure. À 3h, il sera à nouveau 2h. "Je pourrais venir à 3h mais je viendrai plutôt dimanche, tôt et soit j'arrêterai l'horloge une heure, soit j'agirai directement sur les aiguilles." Selon son estimation, Jean-Louis fait partie des quatre ou cinq derniers horlogers à pouvoir entretenir ce mécanisme à Bordeaux. "J'ai l'habitude mais oui c'est un honneur pour moi de travailler cette horloge", conclue-t-il modestement.
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