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"On n'arrivait pas à s'arrêter" : quatre jeunes condamnés à de la prison pour un lynchage à Bordeaux

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Quatre jeunes âgés de 18 à 21 ans ont été condamnés à une peine de 2 à 3 ans de prison, dont une part de sursis, après la violente agression d'un homme dans la rue à Bordeaux, dans la nuit du 20 au 21 juin 2021. La victime avait été laissée pour morte. La peine ferme sera effectuée à domicile.

Salle d'audience au tribunal de Bordeaux. Salle d'audience au tribunal de Bordeaux.
Salle d'audience au tribunal de Bordeaux. © Radio France - Camille Huppenoire

À la barre, les quatre prévenus ont l'air jeunes, très jeunes. On se demande presque ce qu'ils font là. Leurs casiers judiciaires sont soit vierges soit comportent des condamnations mineures. L'interrogatoire par le président du tribunal, avec son ton sévère, ressemble presque à un échange prof-élève. Et pourtant. Tous sont accusés d'avoir participé à une agression d'une violence inouïe, comme en témoignent les images de vidéosurveillance. Dans la nuit du 20 au 21 juin 2021, vers 2 heures du matin, un homme de 35 ans est frappé à de multiples reprises par six jeunes. L'homme, resté à terre, sera hospitalisé d'urgence et écopera d'une interruption totale de travail de quinze jours. 

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Les six jeunes sont finalement interpellés fin novembre. L'audience en comparution immédiate prévue à l'issue de leur garde à vue est reportée pour effectuer des analyses psychologiques et psychiatriques. Quatre d'entre eux ont finalement été condamnés, mercredi 5 janvier, à une peine allant de 2 à 3 ans de prison, dont un an et demi à deux ans de sursis probatoire par le tribunal correctionnel de Bordeaux. La peine ferme pourra être aménagées en détention à domicile, avec un bracelet électronique. Ils ont une obligation de travailler et d'indemniser la victime, ainsi qu'une interdiction de l'approcher et de détenir une arme. Deux autres prévenus, mineurs, ont été jugés au mois de décembre par le tribunal des enfants. L'un d'eux a écopé d'un an de prison ferme, dont six mois avec sursis.

"Des traces de sang partout"

Les souvenirs de cette nuit-là restent flous pour les quatre prévenus. Ils ont consommé de l'alcool, ont fumé aussi du cannabis. Après s'être restaurée en ville, la bande de jeunes remonte le cours Alsace-Lorraine. Deux filles discutent à l'avant du groupe. À l'intersection avec la rue Sainte-Catherine, elles sont abordées par un homme, en blouson de cuir et rangers, qui les insulte. À ce moment-là, une altercation verbale a lieu et les deux jeunes femmes préviennent leurs amis en leur criant de venir les aider. Un à un, ils vont tous fondre sur l'homme de 35 ans et lui porter des coups de poing, des coups de pied et même des coups de couteau. L'homme se retrouve très vite à terre, mais les jeunes continuent de le frapper. Le lynchage dure trois minutes. La victime est ensuite laissée pour morte au milieu de la rue.

À aucun moment, personne ne se dit qu'il est peut-être mort. - Soline Dupont, procureure de la République de Bordeaux

"On n'arrivait pas à s'arrêter", avoue Stefan P., 18 ans, d'une petite voix dans le box. Les jeunes affirment que leurs amies leur ont dit que l'homme les avait agressées sexuellement. "On s'est dit que c'était une très très mauvaise personne", explique Reda B., 19 ans. "J'étais stressé", confie Gabriel M., 19 ans, visage enfantin et chemise blanche pas repassée. "Sur le moment, il n'y avait pas de réel danger, mais je n'ai pas l'habitude de ce genre de choses. À chaque fois qu'il se relevait, j'avais l'impression qu'il voulait encore nous agresser. Il y a eu un effet de groupe." Le président Charles Moynot répond à ces remords : "Vous avez continué ça pendant 3 minutes, il y avait des traces de sang sur toute la largeur du cours Alsace-Lorraine !" "Oui, c'est très grave, ça aurait pu aller encore plus loin", avoue Reda B.

"Vous êtes là parce que la victime n'est pas décédée des suites de ses blessures", confirme la procureure, alors que la qualification de tentative d'homicide a été abandonnée au début de la procédure. "Mais ce qui frappe, c'est l'écart entre la personnalité des individus et les faits reprochés. Vous ne lui avez laissé aucune chance. À aucun moment, personne ne se dit qu'il est peut-être mort." Le ministère public requiert cinq ans de prison ferme, dont un an de sursis probatoire pour les deux jeunes déjà impliqués dans d'autres affaires de violences, et quatre ans de prison ferme dont un an de sursis probatoire pour les deux autres. 

"Ce ne sont pas des psychopathes"

L'avocate de la partie civile raconte "l'atrocité de ce qu'a subi mon client". "Malgré la pluie, il y avait du sang partout, il avait un nombre de blessures impressionnant avec des trous dans la tête. Tous ses vêtements étaient déchiquetés", raconte-t-elle. "Une fois que le SMUR arrive sur place, on croit même que son pronostic vital est engagé. Ce n'est pas une simple bagarre, c'est un lynchage. Il a été laissé pour mort, comme un animal blessé." 

"Subjectivement, ce n'est pas un lynchage", rétorque Delphine Gali, avocate de Stefan P. "Sur le moment, ils n'ont pas la conscience des faits qui se sont produits. Mon client dit qu'il a vu un agresseur, puis c'est le black-out." "Ce ne sont pas des psychopathes", enchaîne un autre avocat. "Ce pourrait être vos enfants, ce ne sont pas des types dangereux pour notre société", affirme-t-il, alors que son client Louis R. pleure à chaudes larmes dans le box. Pour Maître Dufranc, cet accès de violence s'explique aussi par le contexte actuel. "À cause des confinements, mes clients n'ont rien connu de la vie nocturne. En mai 2021, ils se sont plongés dans cette découverte de la liberté, avec ses travers." "Et la prison, ce n'est pas possible pour eux", conclut Maître Gali. "À part briser leur insertion, je ne vois pas ce que ça va apporter."

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