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"C'est du cambriolage" : à Thionville, le procès d'une vente illégale de dix hectares de forêt

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Un homme de 33 ans est jugé par le tribunal de Thionville ce lundi pour de multiples escroqueries. Il est soupçonné d'avoir vendu des parcelles de forêt dans le Nord Mosellan, sans que les propriétaires n'aient donné leur accord.

Une dizaine d'hectares de parcelles ont été vendues illégalement dans la forêt de Garche, près de Thionville. Une dizaine d'hectares de parcelles ont été vendues illégalement dans la forêt de Garche, près de Thionville.
Une dizaine d'hectares de parcelles ont été vendues illégalement dans la forêt de Garche, près de Thionville. © Maxppp - Pierre Heckler

Dix hectares de parcelles forestières pillés, une vingtaine de victimes et un préjudice d'au moins 500.000 euros. Le procès du patron d'un groupement forestier s'ouvre lundi 24 octobre devant le tribunal correctionnel de Thionville. Le prévenu de 33 ans comparaît pour escroqueries. Il est soupçonné d'avoir vendu des parcelles qui n'étaient pas à lui, pendant plusieurs années, et d'avoir coordonné la coupe de ces arbres dans la forêt de Garche, au nord de la Moselle. Après son arrestation, les gendarmes saisissent des voitures de sport et des caves de grands crus.

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C'est d'abord pour une coupe à blanc, à savoir l'abattage de la totalité des arbres d'une parcelle forestière, que le président des propriétaires forestiers de la Moselle est alerté, sur la commune de Charly-Oradour, en février 2019. Là, Didier Daclin découvre un sol "massacré". "C'était un travail de cochon, je n'avais jamais vu ça", explique-t-il aujourd'hui. Très vite, il contacte les propriétaires de la parcelle, qui affirment ne pas avoir autorisé l'exploitation. Le patron du syndicat mène l'enquête, et réussit à trouver celui qui a ordonné la coupe : un homme de 33 ans, à la tête d'un groupement forestier à Fontoy.

"Aujourd'hui, tout le monde pense que la forêt appartient à tout le monde" - Didier Daclin, président des propriétaires forestiers de la Moselle

Le suspect est arrêté fin 2021, et les gendarmes découvrent qu'il avait accès à toutes les données personnelles des propriétaires des parcelles dans les alentours. Une vingtaine de victimes sont recensées, un chiffre probablement sous-estimé. Le prévenu est "prêt à les indemniser", assure son avocat. Mais maître Pascal Bernard affirme que son client n'est pas le seul à avoir mis "le doigt dans l'engrenage". "Ce n'est pas lui qui a coupé les arbres. Comment les entreprises d'abattage pouvaient-elles ne pas être au courant ? Elles avaient tout intérêt à fermer les yeux", continue Maître Bernard. 

Un préjudice environnemental et moral

Lors du procès à Thionville, une cinquantaine de victimes et de proches sont constitués parties civiles, tout comme Didier Daclin. Le président des propriétaires forestiers de la Moselle espère que le préjudice économique ne sera pas le seul invoqué. "Il y a aussi un préjudice environnemental extraordinaire", explique-t-il. "Sur le secteur de Cattenom, Garche ou Thionville, ce sont 30 hectares de chênes qui ont été coupés à blanc et qui ne seront jamais replantés ou régénérés naturellement. Ce ne sera plus une forêt de production avant plusieurs dizaines d'années."

Le patron des propriétaires forestiers de Moselle s'inquiète aussi du préjudice moral derrière ces vols à la chaîne et ces destructions de parcelles. "La forêt, ça reste l'identité d'une famille, la mémoire familiale. La famille est ancrée dans le sol de sa région par les racines de ses arbres", affirme-t-il. "Et cet homme a pillé, massacré et bafoué l'image de la famille."

"Les gens ne s'intéressent pas à leur patrimoine"

Didier Daclin espère aussi que ce procès aura l'effet d'un électrochoc pour les usagers de la forêt. "J'attends qu'il y ait une réelle prise de conscience des propriétaires forestiers", continue le président du syndicat. "S'il a pu faire ce qu'il a fait, c'est parce que les gens ne s'intéressent pas spécialement à leur patrimoine. C'est un peu oublié, au fond d'un tiroir, au fond d'une succession. Ça n'a pas souvent été fait correctement."

Mais il compte aussi sur la prise de conscience des citoyens. "Aujourd'hui, tout le monde pense que la forêt appartient à tout le monde, que c'est un bien commun. Alors qu'en fait, derrière chaque parcelle, derrière chaque arbre, heureusement, il y a un propriétaire, il y a une famille", explique Didier Daclin. "Donc c'est tout simplement du cambriolage, on cambriole une forêt comme on cambriole une maison."

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