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Allier : le "prêtre païen" devant la justice pour dérives sectaires sur fond de mythologie nordique

Un couple comparaît ce jeudi 6 juillet 2023 devant le tribunal de Cusset dans l'Allier. Entre 2015 et 2018 ils auraient abusé une dizaine de personnes, quatre sont aujourd'hui partie civile. Une dérive sectaire sur fond de paganisme, de mythologie nordique, de drogue et d'alcool selon l'enquête.

Le palais de justice de Cusset Le palais de justice de Cusset
Le palais de justice de Cusset © Radio France - Olivier Vidal

C'est une affaire atypique que juge ce jeudi 6 juillet 2023 le tribunal de Cusset dans l'Allier. Un homme et une femme comparaissent pour des dérives sectaires. Sur fond de paganisme, de mythologie nordique et de suprémacisme blanc ils auraient abusé une dizaine de personnes, dont quatre sont aujourd'hui partie civile selon l'enquête.

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Si le mot secte n'est pas clairement énoncé, le dossier en coche pourtant de nombreuses cases. C'est d'ailleurs pour "abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de la pression ou technique de nature à altérer le jugement" que l'homme de 51 ans et sa compagne, une femme de 48 ans sont mis en examen. Un article du code pénal qui vise tout particulièrement les dérives sectaires. 
Durant plusieurs années, ils aurait abusé leurs victimes, parmi lesquelles deux couples aujourd'hui parties civiles, pour mener la vie de château. Entre Vichy (Allier) et Savigny-Lévescault (Vienne), le couple est soupçonné d'avoir soulagé les victimes de plusieurs dizaines de milliers d'euros tout en les incitant à consommer drogue et alcool.

Des victimes piégées via internet

C'est sur internet que tout se serait joué selon l'enquête. Si les faits jugés se sont déroulés entre 2015 et 2018, l'homme a en réalité alimenté des blogs durant plus d'une décennie. Sous le pseudo de Sir Shumule ou David Van Horn il y détaillait ses croyances. Des références mêlant mythologie nordique, paganisme, mais aussi suprémacisme blanc, voire antisémitisme note Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite en France qui avait repéré plusieurs publications à l'époque.

Selon leurs témoignages, les victimes, fragilisées par le décès d'un proche ou un échec professionnel, et en quête de réponses seraient tombées sur ces publications où l'homme se présentait comme un "Gothi", un prêtre "païen" prêt à les initier à la mythologie nordique. Une initiation sur plusieurs années où les adeptes auraient été invités à stopper leurs études, à se couper de leurs proches et du monde extérieur jugés "toxiques". L'une des victimes va ainsi rompre les liens avec sa mère durant deux ans. Les femmes devaient s'occuper du foyer, et faire des enfants au nom de la race blanche note l'enquête, tandis que les hommes, eux, se devaient de s'habiller en aristocrates avec costumes, cannes à pommeau et chapeaux haut-de-forme. Des tatouages étaient aussi imposés aux membres du groupe.

Une initiation qui a un coût, ainsi 10% des revenus de chacun auraient été remis au maître de la communauté révèle l'enquête mais certains adeptes seraient allés beaucoup plus loin. L'un d'entre eux, aujourd'hui partie civile, aurait ainsi dilapidé un héritage de plusieurs dizaines de milliers d'euros pour louer le château de La Touche à Savigny-Lévescaut dans la Vienne (86). Un lieu pour installer la communauté, et organiser des rites sur fond d'alcool et de drogue selon les victimes mais aussi l'un des enfants du gourou présumé.

Si l'enquête n'a pas permis de décrire le fonctionnement d'une secte à proprement parler, l'homme de 51 ans est accusé d'avoir mis en œuvre des "mécanismes procédant des mêmes techniques de manipulation et ayant la même finalité".

Un "esprit brillant" au cœur du procès

La personnalité de ce quinquagénaire sera, à n'en pas douté, particulièrement scrutée au cours de l'audience de ce jeudi 6 juillet. Sa compagne comparaît pour le même motif, mais l'expertise psychologique décrit "une relation d'emprise et une soumission psychique et physique".

L'homme est lui décrit comme "un esprit brillant", une "intelligence supérieure à la moyenne" avec un "discours structuré" et un "raisonnement crédible" selon l'expertise psychologique. Son discours mêlant différentes références ésotériques, religieuses et politiques aurait ainsi fait de lui "un guide spirituel de référence et incontournable" selon l'enquête.

Parmi les témoignages recueillis, il y a ceux des proches des victimes, parents ou amis qui ont vu un enfant devenir méconnaissable à son contact, un ami devenir paranoïaque et agressif. L'un des témoins, décrit le gourou présumé comme un homme tantôt charmant et charismatique, tantôt narcissique et malsain. Me Rajon, l'avocat d'un des couples le qualifie de "professionnel de la manipulation qui a réduit à néant leur libre arbitre, qui les a dépossédé de leur propre existence".

Pour abus de faiblesse, sur personne en état de sujétion psychologique (...) l'homme, et sa compagne encourt chacun 3 ans de prison et 375.000 euros d'amende. Selon son avocate, il nie les faits et assure que ses victimes présumées ont agi de leur propre fait, en ayant pleinement leur libre-arbitre.

L'homme est également poursuivi pour incitation à la consommation et au trafic de stupéfiants pour un article sur un blog où il présente la cocaïne sous un angle favorable. Selon son avocate l'homme se défend et affirme qu'il s'agissait d'un écrit satirique.

L'audience s'est tenue ce jeudi 6 juillet 2023 à 13h45 au tribunal de Cusset (Allier). 5 ans de prison ferme ont été requis comme l'homme, 1 an avec sursis simple à l'encontre de sa compagne. Le jugement a été mis en délibéré au 3 août prochain.

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