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L'eau de 14 communes du Jura polluée par un herbicide

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Après avoir été privés de consommer leur eau pendant presque six mois, les habitants de 14 communes du Nord-Jura hésitent à la boire, malgré la levée de l'interdiction préfectorale. La raison : ils redoutent le S-Métolachlore, un herbicide utilisé dans la culture du maïs.

Les membres de l'association, CDMM : Quatre villages, une commune, inquiets de la qualité de l'eau, pointent la station de captage de Thervay.   Les membres de l'association, CDMM : Quatre villages, une commune, inquiets de la qualité de l'eau, pointent la station de captage de Thervay.
Les membres de l'association, CDMM : Quatre villages, une commune, inquiets de la qualité de l'eau, pointent la station de captage de Thervay. © Radio France - Valentin Machard

Les habitants de 14 communes du Jura ont des réticences à consommer l'eau du robinet. Il y a six mois, une alerte de l'Agence Régionale de Santé de Bourgogne Franche-Comté révélant la présence de pesticide, avait abouti à un arrêté d'interdiction de consommation. Le 17 juin dernier, la préfecture du Jura a levé l'interdiction. Mais la confiance n'est plus là et les habitants méfiants préfèrent temporiser. Il faut dire que c'est un changement de seuil dans la mesure de la pollution qui a modifié la position des autorités.

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Une pollution qui remonte à plusieurs mois

Un matin de janvier, dans la plaine qui court entre Dole et Pesmes où se succèdent les champs de maïs, un agent de l'Agence régionale de santé fait des relevés de la qualité de l'eau dans le secteur de Montmirey-le-Château. En février dernier, la sous-préfecture de Dole ordonne aux habitants de 14 villages de la communauté de communes du Nord-Jura de ne plus boire l'eau issue de la station de captage de Thervay, pompée dans l'Ognon. Dans ses analyses, l'agent de l'ARS Bourgogne-Franche-Comté découvre du S-Métolachlore au-dessus des seuils légaux de qualité de l'eau, un herbicide utilisé dans la culture du maïs. 4 800 personnes sont alors priées de boire de l'eau en bouteille à la place.      

Presque six mois après l'alerte de l'ARS, la préfecture lève l'interdiction de boire l'eau le 17 juin dernier. Elle est à nouveau consommable, écrit le préfet du Jura, David Philot, au président du Syndicat des eaux de Montmirey-le-Château. Mais l'eau ne coule pas à flot, l'enthousiasme de la population n'y est pas. 

"Ca a été le coup dur"

Brigitte est restauratrice-traiteur, à Montmirey-le-Château. Même s'il est à nouveau possible de boire l'eau du robinet en ce chaud matin de juillet quand je la rencontre, elle refuse de l'utiliser. Elle craint de perdre sa certification Bio à cause du S-Métolachlore encore présent dans l'eau. 

Chaque semaine, elle remplit des jerrycans pour cuisiner ses légumes et laver sa vaisselle. "Je pensais travailler avec des produits sains, pour la santé de mes clients et la notre, et puis là ça a été un coup dur parce que l'on ne peut plus travailler correctement", explique Brigitte, le visage désolé à regarder sa jerrycan de 50 litres posée sur la table. Pour elle, la soixantaine passée, une chose est sûre : porter des jerrycans d'eau chaque semaine depuis six mois a usé son dos. 

Une responsabilité du maire

Comme elle, de nombreux habitants des communes auparavant concernées par les interdictions de consommation d'eau restent méfiants. A Montmirey-le-Château, le maire de la commune, Martin Daune, constate que de nombreuses personnes refusent de boire l'eau. 

Depuis février, lui et son adjoint ont mis en place un service de distribution d'eau pour leurs administrés. A deux voitures, chaque jeudi, ils achètent 2 000 litres d'eau en grande surface, puis distribuent un litre d'eau par jour et par habitant. "J'ai regardé la réglementation et j'ai constaté que le maire est responsable de la qualité de l'eau distribuée dans le village", explique Martin Daune, "j'ai ici des enfants, des femmes enceintes, des personnes âgées, on ne peut pas laisser les choses dans cet état là, sans rien faire." Depuis le mois de février, l'opération a couté environ 3 000 euros à la commune.

Martin Daune, maire de Montmirey-le-Château, distribue chaque jour de l'eau à ses administrés.
Martin Daune, maire de Montmirey-le-Château, distribue chaque jour de l'eau à ses administrés. © Radio France - Valentin Machard

Le seuil d'alerte multiplié par trente, l'eau devient "consommable"

Alors pourquoi l'eau est-elle redevenue potable six mois après l'alerte de l'ARS ?  En coulisse, dans les bureaux du ministère de la Transition énergétique dirigé à l'époque par Elisabeth Borne, des conseillers s'agitent. Près de 15 millions de Français seraient concernés par une eau, dans laquelle le S-Métolachlore dépasserait le seuil de qualité, soit 0,1 microgramme par litre. Dans le même temps, le ministère augmente le seuil d'alerte et le passe à 3 microgrammes par litre, en s'alignant sur les normes de l'Allemagne. Une limite de qualité multipliée par trente. Une nouvelle norme qui rend l'eau de Montmirey-le-Château à nouveau consommable. Est-ce pour éviter d'interdire de boire l'eau du robinet à 15 millions de Français que la décision d'augmenter le seuil d'alerte a été prise ? 

Le filtre à charbon actif (ici en bleu) devrait prendre du service durant l'été.
Le filtre à charbon actif (ici en bleu) devrait prendre du service durant l'été. © Radio France - Valentin Machard

Des investissements coûteux

Pendant ce temps-là, la préfecture et le syndicat des eaux de Montmirey-le-Château ont cherché une solution pour revenir sous le niveau de 0,1 microgramme par litre. Le syndicat a investi plusieurs dizaines de milliers d'euros - une fortune pour la structure - dans un filtre à charbon actif. Cette station est censée purifier l'eau en éliminant les molécules des pesticides et des herbicides. Une utilité finalement remise en question, après que le seuil d'alerte a été multiplié par trente. "C'est beaucoup d'argent pour plus grand chose", reconnait un peu peiné le président du Syndicat des eaux de Montmirey-le-Château, Bernard Perrinet.  

Le S-Métolachlore et ses dégradants (ESA-métolachlore et NOA-métolachlore) restent des années dans les sols et les eaux. Des espaces naturels qui peuvent être contaminés jusqu'à dix ans par endroits, par cet herbicide, dont les effets sont encore méconnus. 

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