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Réforme du lycée pro : en fin de Terminale, les jeunes préfèrent "six semaines de stage à rester en cours"

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Les enseignants de lycée pro sont appelés à la grève mardi 12 décembre. Ils s'opposent à la transformation de la fin d'année de Terminale, où les élèves pourraient choisir de passer six semaines en stage, ou de cours au lycée. A Epinay-sur-Seine, les jeunes rencontrés penchent pour l'entreprise.

Au lycée polyvalent Louise Michel d'Epinay-sur-Seine, les jeunes rencontrés voudraient passer davantage de temps en stage. Au lycée polyvalent Louise Michel d'Epinay-sur-Seine, les jeunes rencontrés voudraient passer davantage de temps en stage.
Au lycée polyvalent Louise Michel d'Epinay-sur-Seine, les jeunes rencontrés voudraient passer davantage de temps en stage. © Radio France - Thomas Giraudeau

A la question, "préfèrerais-tu effectuer six semaines de stage en entreprise en fin de Terminale, ou bien avoir six semaines de cours ?", les jeunes en Bac Pro rencontrés devant le lycée polyvalent Louise Michel, à Epinay-sur-Seine, penchent très majoritairement pour le stage.

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Ce choix, la ministre déléguée chargée de l'Enseignement professionnel, Carole Grandjean, veut le proposer à tous les élèves de Terminale professionnelle à partir du printemps 2025. Ce projet entre dans le cadre de la refonte des lycées professionnels, qu'elle a engagée depuis septembre 2022, et cristallise la colère des enseignants de la voie pro, appelés à faire grève par l'ensemble de leurs syndicats mardi 12 décembre.

Les élèves rencontrés ne sont pas de cet avis. "Les stages permettent d'acquérir plus d'expérience", estime pourtant Jaysan, en Terminale Professionnelle Commerce. Pendant ces stages, réalisés jusqu'à présent, il a "appris beaucoup de choses sur le fonctionnement d'un magasin", a travaillé dans une boutique de costumes où on l'a "laissé faire les livraisons. En cours, au lycée, j'apprends mais ce n'est pas tellement intéressant."

Des lignes utiles sur un CV

Malik, en Bac Pro Accueil, trouve qu'en entreprise, il est confronté aux difficultés des personnes venant au guichet, à des situations parfois complexes à gérer. "Au lycée, on nous apprend à être patients, à l'écoute, mais en stage, au Point Information Jeunesse, ou en supermarché, on est confrontés au terrain, c'est autre chose", détaille-t-il.

Une de ses camarades, Djénéba, se sent, elle, plus à l'aise au comptoir d'un hôtel, ou à l'accueil d'une mairie, durant ses stages, qu'assise sur une chaise, au lycée. "J'ai besoin de ce contact direct avec les gens", explique-t-elle. "Et puis, faire davantage de stages, cela permet de remplir mon CV. Si on veut ensuite rentrer dans le monde du travail, on est mieux positionnés. On est plus avantagés par rapport aux Bacs généraux, eux n'ont pas d'expérience professionnelle."

C'est d'autant plus important pour Djénéba qu'à partir du printemps 2024, les élèves de Seconde générale et technologique vont devoir faire un stage de deux semaines en fin d'année, se retrouvant ainsi "en concurrence" avec les Bacs pro qui, eux aussi, doivent valider des périodes de stage à la même période. Ce qui n'est pas sans conséquence sur la difficulté de trouver des entreprises acceptant d'accueillir des jeunes.

100 euros par semaine en Terminale

Mais contrairement aux Bacs généraux, les lycéens professionnels sont maintenant rémunérés durant ces périodes. Une gratification, payée par l'Etat, à hauteur de 100 euros par semaine pour les Terminale, moins pour les Seconde et Première.

Pour Tayron, 17 ans, c'est un argument de poids, "la raison principale" pour laquelle il choisirait le stage en entreprise plutôt que les cours en fin de Terminale. "Pour aider ma mère, faire les courses à la maison. Elle vit seule, et nous sommes quatre enfants ! Si je gagne davantage, je pourrais plus l'aider."

Julian Picard, enseignant de lettres-histoire dans le Val d'Oise, craint que les lycéens perdent un bagage académique nécessaire en cas de poursuite d'études.
Julian Picard, enseignant de lettres-histoire dans le Val d'Oise, craint que les lycéens perdent un bagage académique nécessaire en cas de poursuite d'études. © Radio France - Thomas Giraudeau

Cet enjeu financier est encore plus important chez les lycéens professionnels. Plus de la moitié d'entre eux sont issus de milieux sociaux défavorisés, d'après les services statistiques du ministère de l'Education. "C'est en lien avec l'origine sociale de certains élèves. Je crains qu'ils choisissent le stage non pas parce qu'ils veulent s'insérer sur le marché du travail directement après leur Bac Pro, donc par stratégie, mais par seule volonté de gagner de l'argent, d'aider leur famille", explique Julian Picard.

Une poursuite d'études incompatible ?

Pour l'enseignant en lettres-histoire au lycée des métiers Turgot, de Montmorency, dans le Val d'Oise, et secrétaire académique du Snetaa-FO, premier syndicat des enseignants en lycée pro, ce choix peut s'avérer contre-productif pour les Terminale Pro qui souhaiteraient poursuivre leurs études, aller en BTS. Eux ont plutôt vocation à choisir les six semaines de cours en fin de Terminale, "mais le feront-ils vraiment ?", s'interroge-t-il. "Il ne faut pas s'étonner ensuite que les Terminale Pro décrochent en BTS, parce qu'ils n'ont pas un bagage académique assez solide. C'est déjà le cas, et là, on leur retire des cours. Ca ne va faire qu'empirer la situation, les fragiliser encore."

Warren, lui, ne se plaît pas dans son Bac Pro Vente. Il veut se réorienter, aller l'année prochaine à l'université, en licence de lettres. Le jeune homme préfère donc suivre six semaines de cours en fin d'année "pour avoir un peu plus de bagage académique, avoir plus de notes et d'appréciations afin de maximiser ses chances sur Parcoursup."

Le défi de trouver des stages

Autre problème pour les lycéens qui privilégient l'entreprise : il n'est pas non plus simple de trouver des stages. La plupart de ceux rencontrés à Epinay-sur-Seine a eu de grandes difficultés à trouver les premiers, en classe de Seconde, puis les mêmes entreprises les ont repris les années suivantes. Issa n'a ainsi pas pu valider deux semaines de stage l'an dernier, faute de trouver une entreprise qui l'accueille et le forme.

"Ce n'est effectivement pas si facile", reconnaît Isabelle Lajeunie. La présidente de la CPME des Hauts-de-Seine explique que "le tissu économique local est composé de beaucoup de très petites entreprises, qui n'ont pas forcément le temps, ni les moyens humains de véritablement former ces jeunes. Mais je crois qu'il y a globalement de la place ! On doit pouvoir y arriver en Ile-de-France."

D'autant plus que les entreprises manquent de main d'oeuvre qualifiée sur certains métiers d'avenir, liés aux énergies renouvelables par exemple. "Les patrons ont besoin de recruter. Et donc s'ils prennent un stagiaire de lycée professionnel quelques semaines, ils vont investir du temps, et donc de l'argent, pour le former, l'encadrer, puis lui mettre le pied à l'étrier. Parce que derrière, c'est peut-être les prémices d'une future embauche. Ca fait grandir tout le monde, les entreprises qui ont du sang neuf arrivant, et c'est un enrichissement pour les jeunes, avec en plus la gratification de 100€ par semaine."

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