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GRAND FORMAT - Des lycéens du Grand Est sur les traces des déportés à Auschwitz

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Près de 300 lycéens du Grand Est ont visité les anciens camps de concentration et d'extermination d'Auschwitz en Pologne, pour un voyage d'étude en partenariat avec le Mémorial de la Shoah le 7 et 8 février 2024. France Bleu Sud Lorraine a suivi cette immersion dans le passé et l'horreur.

En tout, 300 lycéens du Grand Est ont fait ce voyage mémoriel à Auschwitz, en Pologne, les 7 et 8 février 2024. En tout, 300 lycéens du Grand Est ont fait ce voyage mémoriel à Auschwitz, en Pologne, les 7 et 8 février 2024.
En tout, 300 lycéens du Grand Est ont fait ce voyage mémoriel à Auschwitz, en Pologne, les 7 et 8 février 2024. © Radio France - Marie Roussel

C'est un voyage dont ils se souviendront toute leur vie : environ 300 élèves du Grand-Est se sont rendus en Pologne pour découvrir l'horreur des anciens camps de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau et Auschwitz-I les 7 et 8 février 2024. Situés autrefois en Pologne occupée par l'Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre mondiale, ils sont devenus aujourd'hui des lieux de mémoire. Une journée organisée par le Mémorial de la Shoah, la Région et les Rectorats du Grand-Est pour perpétuer le devoir de mémoire. Onze établissements y ont participé, notamment les lycées Louis Lapicque à Epinal, Fréderic Chopin à Nancy, ou encore Jean-Victor Poncelet à Saint-Avold. France Bleu Sud Lorraine a suivi ce voyage d'étude.

Une journée dans l'enfer des camps

La journée commence tôt : le rendez-vous est donné à 5h30 à l'aéroport de Metz-Nancy-Lorraine, mais les élèves se sont réveillés bien avant.

Un avion entre l'aéroport Metz-Nancy-Lorraine et Cracovie a été spécialement affrété pour ce voyage.
Un avion entre l'aéroport Metz-Nancy-Lorraine et Cracovie a été spécialement affrété pour ce voyage. © Radio France - Marie Roussel

Dans la salle d'embarquement, ils éprouvent un mélange d'excitation et d'appréhension. "Honnêtement, je ne sais pas si je suis prête psychologiquement à ce que je vais voir", confie Eloïse, élève de première. Elle a regardé des films, elle a vu la "Liste de Schindler", de Steven Spielberg par exemple. Mais là, il s'agit de "se confronter au réel", à ce génocide, qui a tué plus de six millions de Juifs, dont un million cinq cent mille à Auschwitz. "C'est un travail de mémoire super important, parce qu'il ne faut pas oublier ce qu'il s'est passé."

"Se confronter au réel"

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Pour arriver jusqu'à Auschwitz, il faut d'abord prendre l'avion jusqu'à Cracovie. On descend ensuite, en car, vers cette ville au sud de la Pologne. Loin d'être une ville-fantôme, Auschwitz compte près de 40.000 habitants. Des restaurants fast-food, des galeries commerciales, un grand cinéma bordent la voie ferrée qui mène jusqu'au site d'Auschwitz-Birkenau. Entre la Judenrampe, le quai où les Juifs étaient débarqués, et le camp, les élèves passent devant des pavillons et des jardins privés. Cette présence humaine frappe les élèves. "On ne pourrait pas vivre à côté d'un endroit où il y a eu tant de souffrance". Des traces de vie qui disparaissent une fois l'entrée franchie, où se dessinent les baraquements, les barbelés et les ruines des chambres à gaz.

A l'intérieur du site d'Auschwitz-Birkenau, une fois l'entrée franchie.
A l'intérieur du site d'Auschwitz-Birkenau, une fois l'entrée franchie. © Radio France - Marie Roussel
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A l'intérieur des baraquements reconstitués, la guide du musée expose aux élèves les conditions épouvantables dans lesquelles dormaient les Juifs. Dans chacune de ces écuries, les nazis entassaient entre 400 et 750 déportés. En hiver, les nuits pouvaient atteindre jusqu'à -25 degrés. "Je ne m'imagine pas dormir, comme ça, dans le froid. Ils ont eu du courage de vivre ici, même s'ils n'ont pas eu le choix", lâche, ému, Enzo. Il s'étonne, comme ses camarades, de l'immensité du lieu. "Je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi grand."

Un des crématoriums d'Auschwitz-Birkenau, détruit avant la libération du camp.
Un des crématoriums d'Auschwitz-Birkenau, détruit avant la libération du camp. © Radio France - Marie Roussel

"Quinze minutes pour tuer"

Devant les ruines des crématoriums d'Auschwitz-Birkenau, la guide du musée raconte comment les nazis jetaient du gaz par les lucarnes "quinze minutes pour tuer, quinze minutes pour ventiler". Ensuite les nazis se débarrassaient des corps. "Toutes ces personnes qui ont souffert pendant deux, trois jours, dans ces wagons à bestiaux, dans les excréments, dans l'horreur, quand on leur dit : vous allez prendre une douche, vous allez boire, vous pensez bien qu'ils s'y précipitent", ajoute l'historien-chercheur Alexandre Doulut, accompagnateur pour le Mémorial de la Shoah, devant son groupe d'élèves.

"C'est toute la difficulté des gens comme nous, qui faisons cette visite en 2024.  Vous connaissez déjà bien cette histoire. Vous savez que ce crime a eu lieu. Mais ces gens qui descendent là en 1943, en 44, ils savent que les Allemands, c'est un peuple antisémite. Mais de là à imaginer que c'est possible et que ça a lieu ici, entre autres, et que les Allemands sont réellement en train de tuer par millions les Juifs, la plupart ne l'imaginait pas."

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"Connaître la vérité"

Plus qu'un voyage mémoriel, c'est un voyage personnel pour Chiara. Elève en Terminale au lycée Poncelet, à Saint-Avold, elle a découvert avec sa professeure d'histoire-géographie, Mylène Parisot, que des membres de sa famille avait été déportés à Auschwitz. Son arrière-arrière-grand-mère et sa fille ont été envoyés vers ce camp de la mort en même temps que d'autres Juifs de Saint-Avold. D'après les recherches de Chiara, les deux femmes sont arrivées le 13 février 1944 et sont mortes le 15. "J'aimerais savoir ce qui est arrivé, et pourquoi c'est arrivé. Connaître la vérité."

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Mais les seules réponses sur lesquelles l'adolescente peut encore s'accrocher aujourd'hui, elles sont inscrites en tout petit sur un immense livre : the Book of Names. C'est la liste de 4 millions et demi de noms de victimes de la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale. Chiara parvient à trouver celui de son arrière-arrière-grand mère, mais la jeune fille n'a pas eu le temps de trouver le deuxième, pressée par le temps et par le guide.

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Le livre des noms est composé de 4 millions et demi de noms de victimes de la Shoah, exposé sur le site d'Auschwitz-I.
Le livre des noms est composé de 4 millions et demi de noms de victimes de la Shoah, exposé sur le site d'Auschwitz-I. © Radio France - Marie Roussel

La visite se poursuit sur le site d'Auschwitz-I. Les élèves découvrent des salles toutes les plus sinistres les unes que les autres. Il y a par exemple celles où sont exposées les cheveux de victimes, leurs chaussures, leurs lunettes. Les adolescents découvrent également les salles de torture, ou encore la dernière chambre à gaz en état. Gaelle en ressort toute remuée. "Généralement, j'arrive à encaisser. Là, je n'y arrive pas. C'est oppressant comme sensation", raconte l'élève.

L'éducation comme vaccin contre l'antisémitisme

Cette visite mémorielle, Mathias Orjekh aimerait qu'elle agisse comme un vaccin contre l'antisémitisme et le négationnisme. Alors que le nombre d'actes antisémites a bondi ces derniers mois en France depuis l'attaque du Hamas contre Israël, le coordinateur de ces voyages d'études pour le Memorial de la Shoah se montre inquiet. "Cela rend notre implication, le travail qu'on fait avec le Mémorial de la Shoah, d'autant plus important, d'autant plus prégnant vis-à-vis des élèves. L'apprentissage doit conduire les élèves à mieux comprendre ce vers quoi l'antisémitisme peut conduire, et ce que nous devons faire pour lutter contre."

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L'année prochaine, 600 lycéens du Grand Est, soit le double, seront emmenés à Auschwitz à l'occasion des 80 ans de la libération du camp.

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