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EN IMAGES - Visite de l'école musulmane au cœur de la polémique, à Valence

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Dix jours après l'annulation de la vente d'un terrain par le conseil municipal de Valence, France Bleu Drôme Ardèche a visité l'école musulmane soupçonnée de liens avec le mouvement des Frères musulmans. Une école où les classes sont mixtes et le voile interdit pour les fillettes.

Les classes sont mixtes et le voile est interdit pour les fillettes. Les classes sont mixtes et le voile est interdit pour les fillettes.
Les classes sont mixtes et le voile est interdit pour les fillettes. © Radio France - Nathalie de Keyzer

L'école qui suscite la polémique à Valence depuis cinq mois, ce sont des petits bâtiments dans la cour de la mosquée, entourés de barrières oranges et bleues qui délimitent la cour pour des raisons de sécurité. Quatre classes, 42 élèves en tout. Pas plus de quinze enfants par classe, filles et garçons mélangés. Ici le voile est interdit pour les élèves : "les enfants sont habillés comme n'importe quel enfant de France" précise Corinne Golfetto la directrice.

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Pas de voile ni de jogging-capuche

Mais cette retraitée de l'éducation nationale (elle était enseignante en SEGPA) se reprend : "Si, il y a une petite différence, on n'accepte pas le jogging et les capuches. Le jogging, c'est uniquement le jour d'EPS parce que c'est un marqueur par rapport à notre communauté, surtout dans les quartiers. L'image que l'on a, c'est le jogging et la casquette. Et nous, on veut leur apprendre qu'on se présente correctement. Quand ils iront chez un patron, ils n'iront pas avec un jogging." Quant aux fillettes, elles doivent avoir une tenue correcte elles aussi "bien sûr, elles ne viennent pas en minijupe, ni le nombril à l'air. Mais bon, c'est des gamines de l'élémentaire. Donc nous ne sommes pas encore dans cette provocation-là." 

La charte de la laïcité à l'école est affichée dans les classes et la salle de réfectoire.
La charte de la laïcité à l'école est affichée dans les classes et la salle de réfectoire. © Radio France - Nathalie de Keyzer

Sur les murs, la charte de la laïcité est affichée à côté des consignes de classe : lever le doigt avant de parler, se concentrer pour travailler, etc. Sur les étagères : des caisses de livres, les mêmes ouvrages que dans les autres écoles comme Le chat botté ou le journal Mon petit quotidien. 

Les mêmes livres que dans toutes les autres écoles sont à disposition des elèves
Les mêmes livres que dans toutes les autres écoles sont à disposition des elèves © Radio France - Nathalie de Keyzer

La méthode d'apprentissage de la lecture, c'est "Calimots", manuel recommandé par le ministère de l'Éducation Nationale. Des cours de religion ? Il n'y en a pas "parce que l'on dit aux parents que c'est à eux d'enseigner la religion dans la sphère privée. Ici, nous sommes surtout pour renforcer les valeurs universelles qui sont, je pense, les valeurs de la République et qui sont aussi communes à toutes les religions" détaille Louisa Koriba, l'assistante de direction. Et elle égrène : "la solidarité, les valeurs de fraternité, notre chère devise Liberté, Égalité, Fraternité. Et bien sûr, on apprend aux enfants à être solidaires entre eux, à être fraternels, plus empathiques les uns envers les autres et bienveillants." 

Le manuel d'apprentissage de la lecture est l'un de ceux recommandés par le ministère de l'Education nationale
Le manuel d'apprentissage de la lecture est l'un de ceux recommandés par le ministère de l'Education nationale © Radio France - Nathalie De Keyzer

Pourquoi une école musulmane ? 

Les parents veulent une "bonne école" selon la directrice : _"l_es parents d'origine musulmane souhaitent être considérés comme des citoyens français à part entière, avoir le choix de l'offre d'éducation pour leurs enfants et ils cherchent un enseignement de qualité. Nous, on vise l'excellence. Tout ça dans un objectif bien précis : que leur enfant ait un emploi et un emploi de qualité." 

"Si l'offre pédagogique était satisfaisante dans le public, ces parents ne mettraient pas leurs enfants dans le privé"

L'inscription pour un enfant est de 1.500 euros à l'année, un budget que seules les familles aisées peuvent se permettre. Ces familles-là, comme toutes celles qui font le choix du privé, veulent un enseignement de qualité et le plus individualisé possible pour leurs enfants, qu'ils soient à haut potentiel ou au contraire en difficulté. Et la retraitée de l'éducation nationale enfonce le clou : "Si l'offre pédagogique était satisfaisante à leurs yeux dans le public, ces parents ne mettraient pas leurs enfants dans le privé comme un enfant sur cinq en France, quelle que soit l'école privée !".

La directrice insiste : "on veut l'école la meilleure possible pour nos enfants, qu'ils aient les mêmes chances de réussite que les autres enfants.". Les parents assument ce choix du privé car en sortant de l'école "Valeurs et réussite", la majorité des élèves se retrouvent dans des collèges privés catholiques. "Parce que l'on n'a pas de collèges musulmans" dit la directrice. Mais, pour elle, il est normal qu'en tant que Musulmans, ces parents souhaitent plutôt une école où le jour de l'Aïd est férié à la place de celui de Pâques ou de Noël.

les barrières oranges et bleues délimitent la cour de l'ecole à l'intérieur de celle de la mosquée.
les barrières oranges et bleues délimitent la cour de l'ecole à l'intérieur de celle de la mosquée. © Radio France - Nathalie de Keyzer

Calendrier des bonnes actions pendant le Ramadan

Louisa Koriba n'hésite pas une seconde lorsqu'on l'interroge sur "ce qu'il y a de musulman" dans cette école : "La différence par exemple, c'est que l'on met en place certaines actions pendant le Ramadan par exemple. Ce qu'on appelle le calendrier des bonnes actions, un peu sur le modèle du calendrier de l'Avent." Une bonne action à faire chaque jour en fonction de son âge. "Pour un petit, sa bonne action du jour, ça va être sourire à son camarade, l'aider, le soutenir." Mais pour les plus grands, il y a d'autres actions comme aller nettoyer un secteur du quartier, ramasser les détritus qui trainent, etc. 

"Et bien sûr, pour le jour de l'Aïd, du coup c'est férié, chose qu'on ne peut pas faire dans les écoles catholiques ou les écoles de la République" poursuit la jeune femme. Et elle précise : "la principale différence c'est ça, mais c'est aussi parce que cette école est dirigée par des Musulmans. Les enfants qui y viennent sont de confession musulmane et c'est ce qui fait que l'on est une école musulmane. Mais notre école est ouverte à tous. Tous les enfants, sans distinction."

Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture  demandé par le ministère est enseigné dans cette école.
Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture demandé par le ministère est enseigné dans cette école. © Radio France - Nathalie de Keyzer

Anglais et arabe littéraire mais pas de cours de religion

"Il n'y a pas de cours de religion parce que, de toutes façons, pour faire rentrer dans 24h de cours par semaine toutes les compétences du socle commun et les langues étrangères, ça ne laisse pas le temps pour la religion" explique la directrice. 

Elle précise : "Là, on a renforcé l'anglais parce qu'on a une faiblesse. On l'a vu quand ils arrivent en sixième. En anglais, ils sont un peu faibles." Cette année, l'anglais est donc renforcé. Mais les enfants ont aussi quelques cours pour apprendre la langue arabe littéraire. "C'était une demande des parents et je trouve ça légitime que les enfants sachent parler l'arabe littéraire parce que beaucoup ne parlent pas l'arabe à la maison, puisque c'est la quatrième génération" assume Corinne Golfetto. 

Elle ajoute : "On n'a pas le temps pour la religion. Et puis, de toute façon il y a déjà un très gros travail à faire dans l'échange, dans le partage, dans la solidarité, dans la politesse. Déjà ça, entre six et onze ans, c'est déjà bien." Pour tout ce qui est religieux, c'est la responsabilité des parents assure la directrice :"S'ils veulent que leurs enfants apprennent le Coran ou je ne sais quoi, c'est de leur responsabilité. Et ils trouveront sur Valence des associations pour faire ce travail là pour lequel nous ne sommes pas formés, pas compétents de toute façon." 

Les consignes à respecter dans la classe sont elles aussi affichées sur les murs de la classe des CP.
Les consignes à respecter dans la classe sont elles aussi affichées sur les murs de la classe des CP. © Radio France - Nathalie de Keyzer

Dans la classe des CM1-CM2, c'est justement le cours d'anglais. Les enfants sont concentrés et attentifs dans cette pièce qui n'est pas très grande, pas très lumineuse. Plutôt conçue à l'origine pour servir de salle de réunion aux membres de la mosquée, mais pas idéale en salle de classe. Et c'est bien le cœur du problème. C'est pour faire construire des locaux plus adaptés et sécurisés que l'école voulait acheter le terrain municipal. C'était aussi une des conditions posées par l'Éducation Nationale pour que l'école passe sous contrat. "Je suis très chagrinée d'abord pour les enfants " dit Corinne Golfetto en évoquant cette vente annulée et toute la polémique sur les soupçons liés à l'école.

"Je trouve ça très injuste, ceux qui se permettent de nous juger sans avoir pris la peine de voir comment fonctionnait notre école" - La directrice

Et la retraitée de l'éducation nationale insiste : "Moi, ça me rend très triste d'abord parce que, dans le travail que nous faisons au quotidien, ce n'est pas du tout la réalité. Et pour les enfants, parce qu'en fait, ce sont les premières victimes. En faisant ça, qu'est-ce qu'on fait ? On les enferme dans une case." 

L' école se fait dans quatre  bâtiments situés dans la cour de la mosquée.
L' école se fait dans quatre bâtiments situés dans la cour de la mosquée. © Radio France - Nathalie de Keyzer

Selon la directrice, les conséquences négatives de la polémique se font déjà sentir : _"On a été lâchés par des associations extérieures avec lesquelles on travaillait, des associations publiques laïques. C'est une ouverture au monde, et_ _on les prive de ça__. Il faut qu'on continue à travailler entre nous maintenant."_ Selon Corinne Golfetto, ces associations ont reçu des pressions des collectivités qui les financent. "Ce sont les enfants qui en pâtissent. Les enfants et les enseignantes qui font un gros travail pour justement aller vers les autres, pour dire aux enfants qu'il est important d'aller vers les autres, d'échanger même si on est différents. C'est un enrichissement, la différence, ça ne doit pas être une tare." 

"Ce que l'on veut c'est l'excellence de l'enseignement" assure la directrice de l'école en ouvrant au hasard des cahiers et carnets d'exercice.
"Ce que l'on veut c'est l'excellence de l'enseignement" assure la directrice de l'école en ouvrant au hasard des cahiers et carnets d'exercice. © Radio France - Nathalie de Keyzer

Soupçon de liens avec les Frères musulmans

Les liens avec le mouvement des Frères musulmans? Les deux femmes ne comprennent pas d'où vient ce soupçon. Louisa Koriba s'étonne : "Très honnêtement, je le perçois comme quelque chose de très injuste, d'autant plus que je travaille ici depuis 2019 et, à aucun moment, je n'ai pu ressentir du prosélytisme ou quoi que ce soit avec des mouvements religieux de n'importe quel bord. C'est vraiment quelque chose qui se pratique en privé, notre foi." L'assistante et la directrice sont toutes les deux voilées, mais par choix personnel. Personne ne le leur impose : "Vous voyez, je porte le voile par choix et par conviction. J'ai choisi de travailler ici parce que c'est un endroit ou l'on m'accepte telle que je suis, avec le voile, ce qui n'est pas possible ailleurs, mais il n'est pas obligatoire -loin de là- puisque toutes les enseignantes ne le portent pas." 

Mauvais procès

Corinne Golfetto, la directrice, ne comprend pas le mauvais procès fait à son école : "ils nous jugent sans nous connaître, sans avoir pris la peine de nous rencontrer ou de rencontrer les responsables ou de voir comment fonctionnait notre école, et comment étaient nos élèves?" Sa voix s'étrangle un peu "on est ouvert à tout le monde. On a la journée portes ouvertes pour ça. Donc que les gens viennent, que les gens voient, discutent, nous rencontrent. Mais comment parler de quelqu'un, de quelque chose, quand on ne le connaît pas, qu'on ne l'a jamais vu, qu'on n'a jamais discuté, échangé ?  L'ex-enseignante conclut : "Après, on peut avoir des opinions différentes, il n'y a pas de souci, mais on se respecte et on respecte le travail de chacun, au moins". 

Après le cours d'EPS à l'arrière de l'école, les élèves de CE rentrent en classe
Après le cours d'EPS à l'arrière de l'école, les élèves de CE rentrent en classe © Radio France - Nathalie De Keyzer

Suites judicaires ?

L'association qui gère l'école a saisi le défenseur des droits pour discrimination contre la préfète de la Drôme et a porté plainte contre X sur le même motif. Elle a également saisi le tribunal administratif de Grenoble pour obtenir l'annulation de la délibération du conseil municipal. Sur ce dossier, la préfecture ne souhaite pas s'exprimer et nous fait savoir qu'elle fournira à la justice, si nécessaire, tous les éléments en sa possession pour justifier la demande d'annulation de la vente.

La salle de réfectoire sert aussi pour les cours d'arts plastique en dehors des heures de repas.
La salle de réfectoire sert aussi pour les cours d'arts plastique en dehors des heures de repas. © Radio France - Nathalie.de Keyzer
Sur les murs de la classe de CP, les lettres de l'alphabet comme dans toutes les écoles de France
Sur les murs de la classe de CP, les lettres de l'alphabet comme dans toutes les écoles de France © Radio France - Nathalie De Keyzer

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Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

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