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Rémunération : qu'est-ce que le salaire décent, mis en place par le groupe français Michelin ?

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Face à l'inflation, Michelin a décidé de mieux rémunérer ses salariés. Le géant français du pneu a annoncé ce mercredi que tous ses employés dans le monde auront un salaire décent. Un revenu qui ne doit pas être confondu avec le Smic, le salaire minimum.

Le groupe Michelin a annoncé la mise en place d'un salaire "décent" et d'un "socle de protection sociale universel" Le groupe Michelin a annoncé la mise en place d'un salaire "décent" et d'un "socle de protection sociale universel"
Le groupe Michelin a annoncé la mise en place d'un salaire "décent" et d'un "socle de protection sociale universel" © AFP - Adrien Fillon / Hans Lucas

Est-ce la méthode Michelin pour "désmicardiser" la France ? Estimant que le Smic n'était pas un "salaire décent", le groupe de pneumatiques a annoncé ce mercredi à Clermont-Ferrand la mise en place d'un salaire "décent" et d'un "socle de protection sociale universel" pour ses 132.000 salariés dans le monde. Aujourd'hui, quasiment tous les employés du groupe ont déjà un revenu décent. Qu'est-ce que c'est exactement ? France Bleu fait le point.

Le Smic, c'est quoi ?

Le Smic est le salaire minimum de croissance. Selon le site service-public.fr, il s'agit du "salaire horaire minimum légal en dessous duquel le salarié ne peut pas être rémunéré." À temps plein, le Smic s'élève à 1.766 euros bruts par mois en étant à temps plein, rappelle la cellule Vrai ou Faux de franceinfo ce qui fait environ 1.400 euros nets. Il n'y a jamais eu autant de salariés au Smic en France : cela représente près d'un bulletin de salaire sur cinq.

Ce salaire minium est indexé sur l'inflation, c'est-à-dire que quand les prix augmentent, le Smic est revalorisé généralement au 1er janvier ou parfois en cours d'année. Il a déjà été augmenté plusieurs fois ces dernières années, selon la cellule Vrai ou Faux qui estime qu'il a subi une hausse de 15% en trois ans. Mais pour le patron du groupe Michelin, le Smic n'est pas "un salaire décent".

Comment peut-on définir le salaire décent ?

Le salaire décent garantit une rémunération équivalente au "living wage" (minimum vital, en français) tel que défini par le Pacte mondial des Nations unies. Le groupe Michelin est signataire de ce pacte depuis 2010, indique la cellule Vrai ou Faux. Ce salaire doit permettre "à chaque salarié de subvenir aux besoins essentiels" d'une famille de quatre personnes (alimentation, transport, éducation, frais de santé) mais également de constituer une épargne de précaution et d'acquérir des biens de consommation. Le 15 mars dernier, l'Organisation internationale du travail (OIT) a défini le salaire vital comme "le niveau de salaire nécessaire pour assurer un niveau de vie décent aux travailleurs et à leur famille".

Mais pour l'économiste Éric Heyer, joint par franceinfo, ces définitions n'incluent pas vraiment de notion économique. D'après cet enseignant à Sciences Po et spécialiste du marché du travail, le terme "salaire d'efficience" est plus approprié. En payant plus, la direction fidélise le travailleur. Sa productivité augmente, car il est moins absent et plus impliqué.

En revanche, Éric Heyer estime qu'on peut parler de salaire décent quand les grands groupes appliquent des différences en fonction des zones géographiques pour s'adapter au coût local de la vie. C'est le cas de Michelin. Le groupe français, spécialiste du pneumatique, donne d'ailleurs deux exemples : à Clermont-Ferrand, où se trouve le siège de l'entreprise, ce salaire décent est 20% plus élevé que le Smic (25.356 euros bruts par an), à Paris, il est deux fois plus élevé (39.638 euros bruts par an). "En moyenne, le salaire décent représente entre 1,5 fois et 3 fois le salaire minimum" , a précisé Florianne Viala, directrice de la rémunération du groupe. Au Brésil, le salaire "décent" de Michelin est de 37.347 réals (pour un salaire minimum à 16.944 réals) et en Chine 69.312 yuans (salaire minimum à 29.040 yuans).

D'après Éric Heyer, le salaire décent est intéressant pour résoudre les problèmes de recrutement, mais ce n'est pas le seul levier. Il cite notamment l'amélioration des conditions de travail.

Quelles sont les entreprises concernées par le salaire décent ?

Elles sont peu nombreuses. En juillet 2021, la coalition Business for Inclusive Growth (B4IG), qui regroupe plusieurs dizaines de multinationales dont BASF, Capgemini, Danone, Henkel, Kering, L'Oréal, Michelin, Microsoft, Renault et Unilever, s'est engagée à ce que 100% de ses salariés gagnent un salaire décent en 2030. Elle a adopté un plan d'action pour intégrer progressivement à cet objectif les sous-traitants.

Un salaire qui ne comble pas les différences de salaires ?

Pour les syndicats, si le salaire décent est une bonne mesure, "il ne comble absolument pas la différence de salaires entre les plus basses et les plus hautes rémunérations", a critiqué ce jeudi au micro de France Bleu Pays d'Auvergne Laurent Bador, délégué CFDT chez Michelin.

S'il salue cette décision, Laurent Bador tient tout de même à apporter quelques nuances. Il rappelle ainsi que les primes ne sont pas les mêmes selon la fonction. "La courbe de l'augmentation de la rémunération est beaucoup plus favorable pour les cadres que pour les agents de fabrication", s'est-il indigné. Le délégué CFDT a regretté que "les agents ont une rémunération variable, qui, proportionnellement quand les résultats de Michelin sont très bons, n'atteint pas le degré qu'elle atteint chez les cadres supérieurs".

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