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Polluants éternels : qu'est-ce que les PFAS, au cœur d'une proposition de loi débattue ce jeudi à l'Assemblée ?

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Les PFAS, ces molécules surnommées "polluants éternels", font l'objet d'une proposition de loi débattue ce jeudi à l'Assemblée nationale. Désormais détectés sur toute la planète et tous les organismes vivants, ils sont à l'origine de risques graves pour la santé.

Quasiment indestructibles, les PFAS s'accumulent dans l'environnement et les organismes. Quasiment indestructibles, les PFAS s'accumulent dans l'environnement et les organismes.
Quasiment indestructibles, les PFAS s'accumulent dans l'environnement et les organismes. © AFP - ANP MAG

Environ 450 personnes, salariés du groupe SEB, syndicats et élus, ont manifesté ce mercredi après-midi devant l'Assemblée Nationale pour dire "non" à une proposition de loi contre les PFAS. Le texte, porté par les écologistes, prévoit de réduire l'utilisation de ces "polluants éternels" et doit être débattu à l'Assemblée ce jeudi. Les salariés sont inquiets pour leur emploi.

Les PFAS rassemblent les substances per- et polyfluoroalkylées. Derrière ce mot barbare se cachent des molécules de synthèse, dérivées du plastique, apparues dans les années 1950 aux États-Unis. Depuis, ces molécules, près de 10.000 différentes, ont colonisé notre quotidien. On les retrouve dans les emballages, les poêles antiadhésives en Téflon, les produits d'entretien, les peintures, les pesticides, le shampoing, dans certains cosmétiques comme le mascara, dans les mousses anti-incendie ou encore dans les médicaments (selon le CNRS, 20% contiennent des PFAS).

La proposition de loi prévoit portée par le député EELV de Gironde Nicolas Thierry prévoit, dans sa rédaction actuelle, d'interdire, à compter du 1er janvier 2026, "la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit" de tout ustensile de cuisine, fart pour les skis ou produit textile contenant des PFAS. D'où la colère du groupe SEB, qui utilise ces substances dans certains de ses produits pour les rendre anti-adhérents, et craint de voir 3.000 emplois disparaître.

"Aucun écosystème n'échappe aux contaminations"

Ces molécules, un alliage de carbone et de fluor, ont une résistance exceptionnelle à la chaleur, à la lumière ou à l'eau et protègent donc le produit. Elles sont aussi utilisées pour leur imperméabilité, leurs propriétés antiadhésives ou anti‑tâches. Des qualités devenues une menace : les PFAS sont quasiment indestructibles. Ils mettent des dizaines d'années à se dégrader, d'où leur surnom de "polluants éternels", et s'accumulent donc dans l'environnement, contaminent les sols, les rivières, l'air et la nourriture. Ils sont "à l’origine d’une déstabilisation probablement irréversible de l’environnement", selon la proposition de loi.

Les PFAS s'accumulent également dans les organismes vivants. "Aucun écosystème n'échappe aux contaminations", souligne Yann Aminot, chercheur à l'Ifremer, y compris une immense partie de la population. "En France, le programme national de biosurveillance Esteban a ainsi révélé la présence de certains PFAS dans 100% du sang des adultes et des enfants testés", souligne la proposition de loi.

Selon l'Ifremer, on détecte des PFAS sur toute la planète, des dauphins du golfe de Gascogne aux ours polaires de l'Arctique, en passant par nos parcs à huitres. Dans l'estuaire de la Seine, récemment scruté par l'Ifremer, tout est contaminé : du zooplancton assimilé par les coquillages, eux-mêmes consommés par les petits poissons, jusqu'aux soles et bars, prédateurs en bout de chaîne alimentaire. Une étude australienne détectait en 2022 leur présence dans des œufs de tortues, établissant une transmission de la femelle à la progéniture.

Récemment, au sud de Lyon, dans ce qu'on appelle la vallée de la chimie, la préfecture a recommandé aux habitants de ne plus manger les œufs de leurs poules, les analyses ayant montré une trop grande quantité de PFAS dans les poulaillers proches de ces usines.

Quels dangers pour la santé ?

Or, les PFAS sont à l'origine de "risques graves pour la santé", insiste le texte. Selon l'agence européenne pour l'environnement, ces perturbateurs endocriniens peuvent provoquer des cancers - des reins et des testicules notamment - des lésions du foie, des maladies de la thyroïde, favoriser l'obésité, le cholestérol ou encore l'infertilité, augmenter le risque d'hypertension artérielle, provoquer une réponse réduite aux vaccins ou encore de faibles poids à la naissance. Une fois dans l'organisme, les PFAS semblent pouvoir atteindre le cerveau des vertébrés et affecter le système nerveux, relevaient également en 2021 deux écotoxicologues de Pittsburgh, aux États-Unis.

Que dit la loi sur les PFAS ?

La Convention de Stockholm interdits depuis 2009 les PFAS de la sous-famille des PFOS et restreint fortement les PFOA (utilisés notamment pour rendre les plastiques imperméables à l'eau ou à l'huile). Mais elle laisse de côté de nombreux PFAS, qui rassemblent des milliers de molécules. "Les industriels sont malins, ils avaient des coups d'avance", explique l'activiste Camille Etienne dans le documentaire "PFAS : comment les industriels nous empoisonnent". "Ils avaient dans leur sac des 'nouveaux PFAS'. Lorsqu'une molécule était interdite sur le marché, il leur suffisait de changer un tout petit peu la structure de la molécule (...) et comme ça ils donnaient naissance à un nouveau PFAS qui lui n'était pas encore interdit. Et ensuite il fallait de nombreuses années pour que les études arrivent sur cette nouvelle molécule, qu'elle prouve sa toxicité et qu'enfin peut-être des pouvoirs publics décident de l'interdire".

"Les industriels sont malins, ils avaient des coups d'avance", explique l'activiste Camille Etienne dans le documentaire "PFAS : comment les industriels nous empoisonnent". "Ils avaient dans leur sac des 'nouveaux PFAS'. Lorsqu'une molécule était interdite sur le marché, il leur suffisait de changer un tout petit peu la structure de la molécule (...) et comme ça ils donnaient naissance à un nouveau PFAS qui lui n'était pas encore interdit. Et ensuite il fallait de nombreuses années pour que les études arrivent sur cette nouvelle molécule, qu'elle prouve sa toxicité et qu'enfin peut-être des pouvoirs publics décident de l'interdire".

L'Union européenne réfléchit à une interdiction globale d'ici deux ans pour tous les États membres, initiative que soutient la France. Le Premier ministre Gabriel Attal, interpellé par une députée écologiste à l'Assemblée sur la dangerosité des PFAS, a souligné pour sa part que le gouvernement "se bat(tait) au niveau européen" pour "réduire la présence de ces molécules, notamment dans les emballages alimentaires". Selon le chef du gouvernement, "c'est bien au niveau européen qu'il faut se battre sur ce sujet-là, le levier européen est le bon levier" afin de ne pas affaiblir l'industrie française aux dépens de celles des pays voisins, a-t-il dit.

Un rapport parlementaire réalisé à la demande du gouvernement, publié en février, recommandait pourtant de "faire cesser urgemment les rejets industriels" contenant des polluants éternels, "sans attendre de restriction européenne".

En France, une proposition de loi écologiste sera donc débattue à l'Assemblée nationale jeudi. Le texte vise à réduire l'exposition de la population aux PFAS, en interdisant "la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché" de certains produits qui en contiennent. Nicolas Thierry a accepté de restreindre la portée initiale de son texte afin d'obtenir une majorité de suffrages. Un amendement adopté en commission prévoit ainsi d'interdire à compter du 1er janvier 2026 tout ustensile de cuisine, produit cosmétique, produit de fart ou produit textile d'habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, à l'exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. L'ensemble des textiles seront concernés par l'interdiction à compter du 1er janvier 2030. Le secteur des emballages sort du périmètre de la loi mais un règlement européen doit "très prochainement" l'encadrer plus strictement.

Autre mesure, l'obligation de contrôler la présence de PFAS dans l'eau potable sur tout le territoire. Le texte demande au gouvernement un rapport proposant des "normes sanitaires actualisées pour tous les PFAS". La proposition de loi demande également à l'éxecutif une "trajectoire de dépollution des eaux et des sols contaminés" et l'application du principe pollueur-payeur avec une taxe visant les industriels rejetant des PFAS.

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