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Pénurie de carburants : le gouvernement brandit la menace des réquisitions, la grève reconduite ce mardi

- Mis à jour le
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  • France Bleu

Alors que près d'un tiers des stations essence sont toujours touchées par des pénuries de carburant, le gouvernement accentue la pression sur les syndicats et les directions des raffineries bloquées pour qu'ils négocient. Ce mardi matin, l'exécutif n'exclut pas d'avoir recours à des réquisitions.

Manifestation à la raffinerie de Grandpuits en Seine-et-Marne Manifestation à la raffinerie de Grandpuits en Seine-et-Marne
Manifestation à la raffinerie de Grandpuits en Seine-et-Marne © AFP - Jacopo Landi / Hans Lucas

À peine rentrée d'un déplacement en Algérie, la Première ministre Elisabeth Borne a réuni lundi soir tard plusieurs ministres afin de trouver des solutions dans la crise des pénuries de carburants. Plus d'un tiers des stations essence de France sont touchées et la CGT a reconduit son mouvement de grève ce mardi dans les raffineries. Le gouvernement a accentué la pression sur les syndicats et les directions pour qu'ils négocient. 

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En dépit d'appels répétés de l'exécutif pour que les deux parties s'assoient à la même table, la CGT et la direction de TotalEnergies ne sont pas parvenues à s'entendre. La grève se poursuit aussi dans les deux raffineries françaises d'Esso-ExxonMobil, après une réunion avec la direction qualifiée de "non-concluante" par Christophe Aubert, délégué syndical central CGT.

Le gouvernement envisage des "réquisitions"

Ce mardi matin sur RTL, OIivier Véran, porte-parole du gouvernement, a réitéré l'appel à lever les blocages "sans délai" sans quoi l'exécutif menace d'intervenir. "Nous mettons tout en œuvre pour que cette situation s'arrête", a-t-il ajouté au lendemain d'une réunion d'urgence à Matignon, en évoquant la possibilité de procéder à des réquisitions ou de rouvrir les accès aux dépôts.

Selon franceinfo, le gouvernement n'exclut pas d'avoir recours à des "réquisitions" de salariés dans les raffineries bloquées. Cela consisterait concrètement à libérer les piquets de grève, si besoin en faisant appel aux forces de l'ordre, afin de faire travailler des salariés désignés. Cette décision peut être prise par les préfets au nom de la "continuité du service public". Cette dernière option résonne comme un ultime coup de pression pour ramener tout le monde autour de la table des négociations. 

Sur franceinfo, Bruno Le Maire a lui aussi appelé à débloquer "sans délai" les dépôts de carburant et les raffineries. Le ministre de l'Économie a critiqué la position de la CGT en estimant que "lorsqu'une main est tendue, il faut la saisir. La main de la négociation salariale a été tendue". Bruno Le Maire fustige un "blocage du pays" qui n'est pas "acceptable". 

"Si la CGT refuse catégoriquement d'engager cette discussion salariale, nous n'aurons pas d'autres moyens que de réquisitionner les moyens nécessaires pour libérer les dépôts et faire fonctionner les raffineries", a-t-il prévenu, avant d'ajouter que "l'intérêt général dépasse les intérêts de la CGT et de Total". "La situation n'a que trop duré", a ajouté le locataire de Bercy.

"Le rôle du ministre de l'Économie et des Finances est de faire en sorte que l'économie puisse tourner. Il faut que les salariés puissent circuler. Il faut que les entreprises puissent fonctionner. Il faut que les indépendants ou ceux qui sont obligés de prendre leur voiture puissent mettre de l'essence dans leur réservoir", a-t-il souligné.

"Ce serait la guerre"

"Ce serait la guerre", prévient sur franceinfo Emmanuel Lépin, secrétaire général de la Fédération professionnelle de pétrole de la CGT, qui représente des stations Esso et Total. "Nicolas Sarkozy avait commis cet acte illégal et la France a été condamnée en 2011, l'année suivante, puisque ça enfreint la convention 87 de l'Organisation internationale du travail [sur le droit de grève et la liberté syndicale], donc si Emmanuel Macron veut également faire condamner l'État et surtout veut une extension rapide sur les autres secteurs économiques, parce que là, je peux vous garantir que ce serait la guerre, qu'il le fasse", affirme-t-il.

"Le gouvernement ne peut laisser le pays être bloqué", a commenté à l'issue de la réunion de crise l'entourage de la Première ministre : "Il continuera de prendre les mesures facilitant l'approvisionnement des stations comme il le fait depuis plusieurs jours", mais "chacun doit prendre ses responsabilités. Le gouvernement prendra les siennes". Et d'insister : "Un désaccord salarial ne justifie pas de bloquer le pays. Refuser de discuter, c'est faire des Français les victimes d'une absence de dialogue."

La CGT et FO reconduisent la grève ce mardi

La CGT et FO ont reconduit mardi la grève qui touche les deux raffineries françaises du groupe Esso-ExxonMobil, malgré la signature d'un accord majoritaire sur les salaires par d'autres syndicats, qu'elles ont pour leur part rejeté, a indiqué mardi la CGT. "Le mouvement a été reconduit ce matin à 6h, parce que ça ne correspond pas aux revendications des salariés grévistes qui demandent du pouvoir d'achat", a indiqué à l'AFP Christophe Aubert, délégué syndical central CGT, selon qui l'amélioration de la proposition formulée par la direction consiste essentiellement en une prime.

29,4% des stations en difficulté

Lundi soir, la situation était en très légère amélioration au niveau national. À 18h, 29,4% des stations étaient en difficulté (contre 29,7% dimanche à 15h), a indiqué la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. "Si une légère amélioration est constatée dans les Hauts-de-France, (...) d'autres difficultés apparaissent sur le territoire, y compris dans des zones qui ne sont pas concernées par le mouvement social en cours comme la façade Atlantique", indique le ministère dans un communiqué.

C'est un mécanisme bien connu, la peur de la pénurie aggrave les pénuries. "Je le redis aux Français : ne faites pas de stocks de précaution car cela aggrave la situation", a déclaré Agnès Pannier-Runacher, déplorant une "surconsommation" dans les stations-service. Le gouvernement a donc décidé d'interdire la vente et l'achat de carburant dans un jerrican ou bidon. Tous les préfets vont recevoir des instructions en ce sens mardi, selon franceinfo. 

Face aux pénuries, des syndicats de soignants (infirmiers libéraux) ont réclamé lundi soir "un accès prioritaire" dans toutes les stations, pour pouvoir maintenir les soins à domicile.

Emmanuel Macron appelle à "la responsabilité"

Le président Emmanuel Macron a lui-même appelé lundi les directions des groupes pétroliers et les syndicats à "la responsabilité". Selon un participant à la réunion à Matignon lundi soir, le scénario privilégié par le gouvernement serait que les négociations engagées chez Esso-ExxonMobil incitent TotalEnergies à aller à son tour vers des discussions, en saisissant la perche tendue par les appels syndicaux à négocier. Les blocages pourraient dès lors cesser. 

D'après cette source, aucune décision n'a été prise lundi soir quant aux mesures que pourrait prendre l'exécutif en cas de poursuite des blocages. "Toutes les décisions se prennent potentiellement rapidement", a-t-elle toutefois souligné. En attendant une embellie, le gouvernement a débloqué des stocks stratégiques de carburants, et TotalEnergies importe des carburants pour compenser l'arrêt de deux de ses trois raffineries. Ces mesures "ont permis d'augmenter les livraisons dans les zones en grandes difficultés : +50% en Ile-de-France, +35% en Hauts de France", a affirmé la ministre de la Transition énergétique.  

Grève pour les salaires 

Mais entre entreprises et CGT, le bras de fer se poursuit. Le syndicat demande 10% d'augmentation sur les salaires pour 2022, le géant de l'énergie ayant engrangé 10,6 milliards de dollars de bénéfice au premier semestre 2022, contre les 3,5% négociés en début d'année. Seule concession à ce stade, TotalEnergies a proposé dimanche d'avancer des négociations salariales prévues en novembre au mois d'octobre (sans date précise), mais seulement à condition que les raffineries et dépôts actuellement bloqués reprennent le travail, un "chantage", a répondu la CGT lundi, laquelle a donc été suivie par les grévistes. 

Ils ont voté la poursuite du mouvement à l'immense raffinerie de Normandie, près du Havre, dans le dépôt de carburants de Flandres, près de Dunkerque et à la "bio-raffinerie" de La Mède (Bouches-du-Rhône), a indiqué Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité européen TotalEnergies. La raffinerie de Feyzin (Rhône) est également à l'arrêt en raison d'un accident technique. Le mouvement provoque une certaine inquiétude jusqu'au sommet de l'Etat, avant une marche dimanche "contre la vie chère", à laquelle appellent les forces d'opposition de la Nupes.

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