Le dictionnaire amoureux de la Moselle : HOUVE
Chaque matin, Nicolas Turon rend hommage à son département avec un texte drôle, tendre et complice, en forme de déclaration d’amour à la Moselle. Il choisit un emblème appartenant à l’histoire ou à l’actualité et le traite de manière décalée.
On n’a pas tous les jours vingt ans.
Il y a vingt ans, la mine de charbon de la Houve recrachait ses derniers travailleurs. Cœurs gros sur le carreau. La nostalgie fut instantanée. On trouvait quelques larmes sur les joues pour tracer des sillons dans la crasse. Houille houille houille. Car l’évènement était national : avec la Houve, c’est la dernière mine du pays qu’on fermait… La fin du charbon français.
La Houve devait son nom à la forêt qui jouxtait le site minier. Du bois, on avait fait une forêt d’acier : canopée dans les têtes de chevalements et les tenues civiles pendues au plafond, racines profondes dans les boyaux obscurs, pleines de porions lancés à la recherche des végétaux lentement cristallisés en combustible. On donnait aux puits des noms d’hommes et de femmes, puits Marie, puits Jules, comme on baptise les tempêtes : nommer ce qui nous dépasse, c’est l’apprivoiser un peu. Au fond, au jour, à la mine, l’homme démiurge redéfinissait la notion même du temps ; les mineurs remontaient au crépuscule, déjà maquillé de nuit, avec assez de fatigue sur la mine pour dormir une éternité.
Il aurait suffi d’un article et d’une apostrophe pour faire de la mine une mère Louve, capable de défendre ses petits. Mais, impitoyable, elle a emporté des vies. La profession de mineur est un sacerdoce, si fort qu’il peut se muer en atavisme familial, convoquant des générations successives par le fond. Comme si la mine était un vortex, aspirant les hommes malgré eux... Certains n’ont simplement pas eu l’idée de faire autre chose...
Épisodes
Tous les épisodes
Les plus écoutés de France Bleu Lorraine Nord