Le dictionnaire amoureux de la Moselle : BREDELE

Les emporte-pièces sont rangés dans un tiroir, sur les serviettes en papier à motif de sapin, pas loin des décos de noël. L’inox est encore un peu gras du beurre de l’an dernier. Afin d’être certain de n’en perdre aucun, on a attaché les motifs entre eux comme les maillons d’une chaîne : dans l’obscurité de la commode dorment une cloche, une lune et une étoile.

Arrive le jour J. La maîtresse pâtissière a acheté assez de beurre, de farine et d’œufs pour ouvrir une crèmerie. Elle a appelé un voisin en renfort, ou une voisine, une fille, une nièce, un petit-fils, qu’importe. C’est pour aujourd’hui.

Bientôt, chacun trouve son poste. Dans la cuisine, on slalome entre un nuage de farine, un tablier tâché par la poudre d’amande et la petite casserole pleine de beurre qu’on a mise à fondre au coin de l’antique plaque de fonte de la cuisinière. Dehors, la rue est glacée ; à l’intérieur, le four pulse une chaleur d’enfer.

On va passer là une après-midi à l’emporte-pièce, pourtant clé de voute de la famille.

Il existe autant de recettes de bredele, littéralement « petits gâteaux » en alsacien, que de familles dans le concordat : Spritz, marbré damier, Linzer, Anis Bredele, Spitzbuebe… Arlequinade de sujets, Babel de cannelle, les motifs sont symboles de lumière et d’immortalité : étoile du berger, sapin qui reste vert en hiver, cœur d’amour, plus fort que la mort...