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Djibril Cissé avec José Alegria, chauffeur du bus des Bleus lors de la Coupe du monde 98

- Mis à jour le
Par
  • France Bleu

Djibril Cissé nous présente Jose Alegria, chauffeur du bus de l'équipe de France lors du mondial 1998.

Jose Alegria au volant du bus des Bleus après le sacre en 98
Jose Alegria au volant du bus des Bleus après le sacre en 98 © AFP - Patrick Hertzog

Vous avez été désigné chauffeur des Bleus en 98 : pourquoi vous ? 

Peut-être que j'étais le meilleur chauffeur de la société (rire). Non, mais j'adore le foot. Et comme j'allais souvent à Clairefontaine faire les équipes féminines, j'ai été intégré dans les équipes étrangères quand elles venaient au Parc. C'est moi qui conduisais. Et voilà, c'est parti, c'est venu tout seul.

Je conduisais aussi les Espoirs, avant, avec Domenech. Il y avait déjà Tony Vairelles, Patrick Vieira, Robert Pirès. Il y avait déjà cette bande là.

Cela fait quoi de conduire les Bleus pour un mondial, qui plus est en France ?

Bah, j'était content ! J'étais super content. Après, c'est un coup de chance aussi d'aller jusqu'en finale avec l'équipe de France. Si ça avait été avec une autre équipe, peut-être que je n'aurais pas touché a Coupe du monde. Je suis fier de l'avoir fait ! 

Votre premier trajet, vous vous en souvenez ? 

Non, mais ça s'est bien passé. Au départ, ils ne vous connaissent pas trop. Et quand on fait les premiers voyages, ils disent : "attention, ça ne passe pas". Et moi : "Mais si, ça passe... et si ça passe pas, on entendra le bruit" (rires). Après, au bout de deux ou trois voyages, la confiance est totale.  

Zidane m'a dit : "José, tu les vends mes autographes ou quoi ?"

Les Bleus défilent avec la Coupe du Monde en 98
Les Bleus défilent avec la Coupe du Monde en 98 © AFP - FX Marit

Et les joueurs, comment étaient-ils avec vous ?

Ils étaient discrets. Après, j'ai commencé à prendre confiance avec Robert Pirès. On a rigolé pas mal de fois. C'était plus simple, parce qu'on est d'origine portugaise. Avec les autres, ça s'est bien passé aussi, même avec Zidane. Je faisais des autographes de lui pour des copains. Un jour, il m'a dit : "José, tu les vends mes autographes ou quoi ?". Je lui dis : "Mais nooon, je connais beaucoup de monde, ils me demandent, c'est tout". C'était génial, ça se passait toujours bien.  

Le premier match, pour vous, c'est l'Arabie Saoudite, au Stade de France. Quel souvenir, sur la route ?

C'était un peu délicat, parce qu'il y avait du monde déjà sur la route, les voitures klaxonnaient, les motos nous suivaient. On avait le motard et, du coup, ça passait bien. Mais bon, c'était compliqué pour le premier. Ils ne me connaissaient pas très bien encore. C'est vrai que c'est arrivé que Aimé Jacquet dise : "Ah attention, ça ne passe pas". Moi : "Mais si ça passe". Et après chaque match : "Ah tu ne roules pas vite, allez José, allez". Franchement, c'était sympa.  

Dans le bus, comment était l'ambiance ? 

Ils écoutaient leur musique de leur côté. Moi, je n'avais pas de musique dans le bus. Enfin si, pour la demi-finale et la finale, on avait mis la musique à fond, à chaque retour de stade. C’était Boghossian et Candela qui foutaient un peu plus la musique. Tous les deux, c'était fort : "Vas-y, vas y, mets à fond !". C'était super. Il y avait "I will survive". 

La demi-finale justement, c'est à Lens. 

Oui, et j’ai eu le maillot de Pirès. Là, c'était le « but en or », c'était super. Avant, on a fait un bus aller-retour, on a enlevé des sièges pour que tout soit bien installé. On a fait un voyage super, il n’y avait pas de souci.  

La gestion de la route lors de la demi-finale et de la finale, c'était quelque chose non ?

Ah oui_,_ déjà à la demi-finale. Vous sortez de Clairefontaine, c'est la cata. En fait, ils se disent qu'on ne va jamais arriver à temps : "Mais si, ça va". Bon, on a roulé, ça a été impeccable. Après, on a pris l’A10 pour aller au stade. Il y avait tellement de monde sur les ponts, il y avait des drapeaux, c'était la folie. Dans le bus, il n'y avait pas de cri, parce qu'ils étaient concentrés pour aller jouer, c'est normal. Mais bon, ils disaient : "il y a du monde, il y a du monde".

Et pour la finale ? Encore plus de pression pour vous ?

Oui, il y avait de la pression. On ne pouvait pas passer, trop de monde sur les routes. Je disais : "vous inquiétez pas, on va arriver à l’heure". On est partis, on est arrivé au portail de la sortie du château de Clairefontaine, on ne voyait même pas la route, on ne voyait rien. Bon avec les motards, on a réussi à arriver à l’heure.

Henri Emile et le staff devaient être un peu inquiets, non ? 

Ouais, il a dit : "on va arriver, José ?". Moi : "Bah oui, vous avez le meilleur chauffeur c'est normal. Pourquoi je suis là ? Parce que je suis le meilleur". Bon, on rigolait comme ça. Et ça s'est bien passé. Il n'y a pas eu de souci.

Où et comment avez-vous vécu la finale ? 

On stationne les bus en bas, les cars au parking, et au moment de monter, ils ne m’ont pas laissé passer. Moi, j'avais un badge pour circuler à l'extérieur. A l'époque, j'avais toujours des billets pour les matchs. Mais je n'en avais pas eu pour la finale. Alors, j'ai réussi à la voir tout en haut, derrière les grilles. Et après, à un quart d'heure de la fin, je suis descendu et j'ai dit : "_Je suis le chauffeur de l'équipe de France"__._ Ils m’ont laissé passer, je me suis assis dans les marches, et j'ai vu le dernier quart d'heure. 

Les Bleus sur des Champs Elysées bondés en 1998
Les Bleus sur des Champs Elysées bondés en 1998 © AFP - Patrick Hertzog

Et ensuite, comment cela s'est-il passé quand les joueurs ont regagné le bus pour rentrer à Clairefontaine ?

Aimé Jacquet arrive et je pose la question : "je peux prendre en photo la Coupe du monde?". Il me dit : "oui, tu l’as gagnée aussi". Et on a pris des photos. Moi j'ai des photos dans le car avec la Coupe. Après pour le retour, on a changé de route, on est passé par l’A10, parce qu'en fait il y avait trop de monde. On arrive à Clairefontaine, à côté du châteaux, il y avait la gendarmerie qui nous disait : "On ne peut pas passer, il faut passer par derrière". Et là, Henri Emile :  "Eh José, tu te sens de passer ? Qu'est ce qu'on fait ? Ils sont là pour nous. Si tu le sens, on y va". Alors, je commence à m'engager, les motards sont partis à droite. Moi, tout droit, pour arriver au centre de Clairefontaine. Avec le car je poussais les gens et on ouvrait comme ça. On ne voyait pas la route. Et c'est le lendemain que j'ai dit : "J'ai eu la chance de ne pas écraser personne", parce qu'on entendait du bruit partout, ils tapaient dans le car, les joueurs chantaient l'intérieur.  On avait mis 20 minutes, ou 30 minutes pour arriver là-haut. Alors que normalement, on met 2 ou 3 minutes.

Avez-vous conduit le car sur les Champs-Elysées ?

J’avais amené l'équipe là-bas, jusqu'à l’avenue d'Iéna. Et après, on était dans un bus à impériale, mais en fait, ils ont fait la moitié du chemin et sont revenus porte Maillot. J'ai récupéré l'équipe, mais ça a été dur pour sortir. Après, les bus, dans les petites ruelles de Paris, ce n'est pas pareil. Ce n'est pas évident quand vous avez un car qui fait presque douze mètres. Après, on a été à l'Hôtel de ville, je crois. 

Et votre relation avec Robert Pirès, alors ? 

On discutait un petit peu. Le bon souvenir, c'est qu'à la fin du mondial, on parlait, et il m’a embrassé. Là, ça m'a touché un peu, parce que ce n'est pas n'importe qui. Moi, je ne suis rien par rapport à eux. De temps en temps, j'envoie un texto, il m'envoie texto : "Bonne année", "Joyeux Noël". Enfin bref, de temps en temps, comme avec Henri Emile. 

Lilian Thuram a laissé un bon souvenir à Jose Alegria
Lilian Thuram a laissé un bon souvenir à Jose Alegria © AFP - Gabriel Bouys

Vous avez eu une relation spéciale avec d'autres joueurs ?

Non, pas spécialement. Après, je sais qu'avec Thuram, un jour, on était seuls, lui et moi, dans le bus pour l'amener à l'hôtel. Les autres étaient partis. Et il m’a dit : "Bah tu m’emmènes ?". Et je l'ai amené à l'hôtel, en car. Il était sympa, il avait une bonne mentalité, c'est vrai.  Sans prendre la grosse tête. Franchement, ce n’est pas comme maintenant, les joueurs étaient plus simples. Et le foot, c'est ça ! Il faut être simple. On est tous égaux. En fait, comme on dit, il n'y a pas de riches, pas de pauvres. C'est là, dans la tête, que ça marche. 

  • Propos recueillis par Julien Froment

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