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Mort de François Moncla, légende de la Section Paloise et ancien capitaine du XV de France

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Le Béarnais François Moncla, légende de la Section Paloise et ancien capitaine de l'équipe de France de rugby est mort ce dimanche 28 novembre à l'âge de 89 ans. Hors des terrains, ce communiste, militant à la CGT et au PCF, avait attendu sa retraite sportive pour afficher ses idées politiques.

François Moncla, en 2002 François Moncla, en 2002
François Moncla, en 2002 © Radio France - Daniel Corsan

L'ancien rugbyman François Moncla est mort ce dimanche 28 novembre à l'âge de 89 ans. Il était né le 1er avril 1932 à Louvie-Juzon, au sud de Pau (Pyrénées-Atlantiques), dans la vallée d'Ossau, et avait commencé le rugby au sein de l’Étoile sportive arudyenne, avant d'intégrer la sélection béarnaise en catégorie junior. Le début d'une longue et belle carrière à la fin de laquelle il a révélé son engagement communiste et cégétiste.

"Le jeu interdit le je"

En 1950, le troisième-ligne rejoint le Racing Club de France. Il remporte le championnat de France neuf ans plus tard. On le surnommait alors "François les bas bleus". Appelé pour le service militaire entre 1954 et 1956, il ne quitte pas pour autant sa passion : il s'engage dans l'équipe de rugby de la Défense aérienne du territoire. Avec elle, il devient deux fois champion de France des équipes de l'armée de l'Air. Il sera également champion de France interarmées. Puis il obtient sa mutation à Pau et joue alors pour la Section paloise. Avec ce club, dont il est capitaine, il devient à nouveau champion de France en 1964. François Moncla a été sélectionné 31 fois en équipe de France, entre 1956 et 1961. Il en a été à la tête à 18 reprises et a remporté le Tournoi des cinq nations trois fois d'affilée, en 1959, 1960 et 1961.

"En tant que capitaine, j'étais un peu papa poule", confiait-il. Son jeu était vigoureux, ses plaquages sûrs. Sa devise, inspirée par les mots de Pierre Albaladejo : "Le jeu interdit le je". Aimant former, François Moncla avait notamment pris sous son aile le 3e ligne landais Michel Crauste (décédé en mai 2019) qu'il avait fait venir au Racing. Lorsqu'il prend sa retraite sportive, il reste très investi au sein de la Section paloise en tant que bénévole. Il était opposé à la professionnalisation du rugby et l'avait dit à plusieurs reprises. "Nous on pratiquait un jeu d'évitement, eux, c'est un jeu de rentre-dedans. Ils sont dans la musculation à l'extrême (...) Et pour en arriver là, à mon avis, ils doivent bien prendre une 'sucette' de temps à autre alors que nous, on ne marchait qu'avec du vin et du sucre. C'est une folie, le pognon a toujours tout perdu", confiait-il ainsi au journal L'Humanité en 2016.

Une vie de luttes

Inspiré par son père, secrétaire de la CGT pour les ouvriers des fours à chaux, François Moncla adhère à la CGT à 19 ans. Mais c'est à l'école nationale EDF-GDF de Curcy-le-Châtel (Seine-et-Marne) où il est admis en 1949, qu'il forge ses convictions, en suivant notamment les cours de Marcel Paul, figure du Parti communiste, ancien déporté à Buchenwald. François Moncla effectue ensuite sa carrière à EDF et préside la caisse d'action sociale pendant vingt ans. Il prendra sa carte au Parti communiste vers 1980, mais il ne dévoilera ses convictions politiques qu'à la fin de sa carrière de rugbyman. Ses opinions l'ont-elles desservi, lui qui a été évincé du XV de France en 1961 ? "Je n'ai jamais su", répond-il au Midi Olympique en 2013. 

Son engagement transparaît en tout cas lors de la tournée historique des Bleus en Afrique du Sud en 1958. Une tournée qui permet aux Bleus de gagner leur première série de tests chez une grande nation de l'hémisphère Sud, mais qui met aussi les joueurs face à l'apartheid. "Des images me reviennent et sont difficiles à supporter. Tu ne pouvais pas rester insensible à ce que tu voyais là-bas. Les Noirs qui crevaient de faim et à qui les Blancs jetaient les os de leurs poulets...", racontait-il au Monde. Dans les rues de Durban, François Moncla prend la place d'un Noir qui tirait un pousse-pousse pour dénoncer les inégalités. Il refuse même de signer les autographes demandés par des Blancs, acceptant seulement les sollicitations des Noirs. A son retour, il milite contre ce régime et manifeste à Paris, à Londres et défend Mandela auprès de l'ONU.

François Moncla a également milité contre le nucléaire. En 1981, le Parti communiste le pousse pour qu'il propose sa candidature comme secrétaire d'Etat aux Sports du premier gouvernement de François Mitterrand, mais il refuse, disant ne pas s'en sentir capable. En 2014, à 81 ans, il figure en position non éligible sur la liste du Front de gauche à Pau pour les municipales, conduite par Olivier Dartigolles. François Moncla a d'ailleurs raconté ses combats sportifs et militants dans un livre écrit avec l'ex porte-parole du PCF,  qui s'intitule Récits de vie et d'Ovalie, paru en 2016 aux Editions Arcane. Et puis Patric La Vau lui avait consacré un documentaire sorti à l'été 2021, projeté en Béarn et dans le Sud-Ouest : François Moncla, passaire d'umanitat. "J'ai revu des paysages et des coéquipiers dont beaucoup sont déjà partis rejoindre le père éternel, disait François Moncla, assistant à une de ces projections, pour moi c'est quelque chose de sacré parce que j'ai passé de tels moments agréables avec eux qu'il est impossible de les oublier. Le film résume bien, en n'oubliant pas la partie syndicale et politique, ni le jeu de rugby, c'est formidable".

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