Coupe du monde de rugby : "Impossible de ne pas faire d'erreur sur un match" selon l'arbitre Mathieu Raynal

L'arbitre catalan Mathieu Raynal a participé à sa troisième coupe du monde de rugby. Il était le seul représentant français au centre. Il a officié notamment lors du quart de finale entre l'Angleterre et les Fidji et était arbitre de touche, aux côtés de Ben O'Keefe, lors de la demi-finale entre Anglais et Sud-Africains. Comme tous les autres arbitres de cette compétition si indécise, Mathieu Raynal a été scruté, examiné et parfois critiqué. Interview

ⓘ Publicité

France Bleu Roussillon : Personnellement, comment avez-vous vécu cette coupe du monde en France ?

Mathieu Raynal : Ça a été un peu éprouvant pour notre groupe d'arbitres. On a été au centre des discussions quelques fois et il a fallu l’absorber. J'avais vécu les coupes du monde au Japon et en Angleterre et donc en vivre une en France était forcément quelque chose de particulier pour moi. Je connais les stades et j'avais mes repères. Ça restera un bon souvenir même si je suis évidemment déçu pour l’équipe de France.

"Si vous voulez trouver une erreur d'arbitrage, vous en trouverez sur n'importe quel match"

Durant cette coupe du monde, l'arbitrage a été beaucoup critiqué par le public. Avez-vous le sentiment que l'arbitrage a été au niveau ou pas ?

La question que j'aimerais poser, c'est de savoir si un arbitre peut sortir indemne d'un match dont la victoire se joue à un point, et qui a une résonnance planétaire. Dès que les projecteurs sont braqués sur des matchs de ce calibre-là, qui sont regardés par la planète entière, est-ce qu'un arbitre peut sortir sans être au centre des discussions ? Je pense qu'à l'heure actuelle, c'est impossible ! La puissance des images et des ralentis fait que toutes les performances sont disséquées et que, si vous voulez trouver une erreur d'arbitrage ou une situation litigieuse, vous en trouverez sur n'importe quel match.

Tout ça est ensuite commenté sur les réseaux sociaux, bien souvent par des gens qui n'ont aucune compétence et qui font de leur vision une vérité. La puissance du nombre de partages met ensuite forcément l'arbitrage en difficulté. Je pense surtout qu'aucun arbitre ne peut sortir de ces matchs-là aujourd'hui sans y laisser des plumes.

"Aucun arbitre ne peut sortir de ces matchs-là sans y laisser des plumes"

Des arbitres ont fait l'objet de messages insultants et même de menaces de mort. Est-ce qu'on est armé en tant qu'arbitre pour vivre des situations pareilles ?

Tous les arbitres sont passés par là ces dernières années. Aujourd'hui, c'est une réalité. On fait avec. Les réseaux sociaux sont délicats à gérer, il y a une liberté de parole, mais aussi une impunité surprenante. Les gens peuvent insulter et menacer sans encourir de sanction ou seulement des sanctions faibles. C'est un réel problème à mes yeux.

Toute personne publique est confrontée à ce soucis-là, il me semble. Les arbitres reçoivent des messages après chaque match. Entre ceux qui pensent qu’ils ont perdu un pari sportif sur une de tes décisions, les supporters déçus et les "haters" classiques dont les commentaires désobligeants sont une activité à plein temps, tu te retrouves avec de nombreux messages après chaque match.

Justement, quel est votre sentiment sur l'arbitrage du match France/Afrique-du-Sud ?

Comme je l'ai dit, des erreurs d'arbitrage, il y en a à tous les matchs. Tous les matchs présentent des situations litigieuses à traiter sur lesquelles l’arbitre doit se positionner. On va parler d'une main au sol que le mec ne voit pas, mais à la vitesse à laquelle va le jeu, c'est impossible pour un arbitre de ne pas faire d'erreur sur un match.

Soyons juste honnêtes, voyons aussi les erreurs dans le jeu, individuelles, collectives ou stratégiques. Et traitons ces erreurs-là avec la même rigueur et la même exigence que les erreurs d’arbitrage. Quand la question de l’arbitrage de ce match a été posée à Laurent Labit où Karim Ghezal, membres du staff des Bleus, ils ont évoqué le jeu de leur équipe. Bernard Laporte aussi a parlé du jeu et rien d’autre. Ça rééquilibre un peu les choses.

"Que les gens ne soient pas d'accord, c'est une chose, mais on a des process qu'on doit appliquer"

En ce qui vous concerne, c'est la décision de ne pas donner un carton jaune à Owen Farell lors de la dernière pénalité du quart de finale qui vous a été reprochée par le public. Avec le recul, était-ce une erreur ou non ?

Si c'était à refaire, je referais la même chose. Je ne mets pas de carton jaune sur un en-avant volontaire sur une passe qui n'est destinée à personne. Cette passe était destinée à Radradra qui manque le ballon, le ballon serait tombé entre deux joueurs. Ce n'est pas parce qu'il y a un en-avant volontaire que tu dois mettre un carton jaune. Pour cette sanction, il faut que l'équipe ait la possibilité de "breaker" la défense adverse. Pour moi, là, ce n'était pas le cas. Que les gens ne soient pas d'accord, c'est une chose, mais on a des process qu'on doit appliquer.