Grégory Lorenzi : "quelque chose de magique et d'historique"

Grégory Lorenzi, le Stade Brestois est assuré de disputer au minimum le tour préliminaire de la Ligue des Champions et peut même viser une qualification directe pour la plus prestigieuse des compétitions. Comment vivez-vous cet incroyable exploit ?
C'est quelque chose de magique et d'historique ! Ce sont des moments que l'on apprécie et que l'on savoure car lorsque vous êtes une équipe comme Brest, en début de saison, vous savez que vous allez devoir lutter pour vous maintenir. Nous sommes un club avec peu de moyens et donc nous étions prêts à nous battre. Mais ce que font les joueurs depuis le début de saison, c'est juste exceptionnel ! C'est une grande première dans l'histoire du club que de se qualifier pour une Coupe d'Europe ! Il faut mesurer cet exploit car généralement pour un club de notre calibre, la Coupe d'Europe c'est un rêve soit accessible par la Coupe de France soit si par miracle la 6eme ou 7eme place se retrouvent qualificatives en championnat. Mais là, décrocher le Top 4 et peut-être le Top 3, c'est inimaginable ! C'est beaucoup de bonheur et il ne faut surtout pas banaliser cette performance ! Il faut saluer également, et surtout, la performance du staff et des joueurs ! Beaucoup nous voyaient nous écrouler mais force est de constater que nous avons très costauds ! Quand à deux journées de la fin vous êtes sur le podium, il y a un immense respect à avoir pour les joueurs et leur investissement.

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Comment avez-vous réussi, avec le 15eme budget de Ligue 1 (48 millions d'euros), à construire une équipe aussi performante ?
Il faut déjà se remémorer l'historique du Club. A mon arrivée à ce poste de Directeur Sportif, il y a 9 ans, nous étions en Ligue 2, il nous restait 8 joueurs, on n'avait pas d'entraîneurs, on n'avait pas de terrain d'entraînement. J'ai eu une chance énorme avec un Président qui m'a donné carte blanche et les clés du camion pour construire mon projet. L'objectif était de voir à long terme. Il est bien évident que le but n'était pas d'aller chercher la Coupe d'Europe mais il y avait une vraie volonté de professionnalisation, d'installer le club en Ligue 1 durablement, de progresser et petit à petit on a réussi à construire une synergie avec un effectif et des bases solides mais surtout un fonctionnement sain. On a des personnes compétentes qui sont à leur place, personne n'interfère dans les rôles des autres. Dans le football, tout va très vite et il faut un fonctionnement cadré, précis et de confiance pour pouvoir performer. En revanche, il ne va pas falloir tomber dans l'euphorie et garder beaucoup d'humilité. L'an passé, nous avons vécu une saison très compliquée et on s'est sauvé en fin de championnat. Malgré tout nous n'avons jamais paniqué et nous avons poursuivi sur notre ligne de conduite. Il faudra en faire de même l'an prochain car il faudra encore batailler. Mais j'ai confiance en ce groupe.

Justement, ce qui est frappant lorsque l'on regarde votre groupe, c'est sa composition. Pas de stars internationales, 90% de l'équipe qui vient de la Ligue 1 ou de la Ligue 2 mais également une vraie stabilité dans l'effectif au fil des années. On est très loin de ce que l'on peut voir dans de nombreux clubs français. Est-ce là votre ''signature'' en tant que directeur sportif ?
Si on se contente de regarder la valeur marchande de notre équipe, on peut se dire qu'intrinsèquement il y a des équipes avec plus de talent. Mais ça reste une analyse sur le papier comme l'on dit. Lorsque vous avez peu de moyens, c'est important d'avoir une réflexion sur le projet sportif que l'on veut mettre en place et d'essayer de conserver une continuité dans son effectif. Quand on est Directeur Sportif, il faut savoir trouver le bon curseur entre le projet sportif et économique. Toute la difficulté est là ! Faire une vente peut nous permettre de souffler financièrement mais cela doit surtout nous permettre de bien investir pour consolider notre projet structurant. Mais selon moi, il est primordial de conserver une certaine stabilité et surtout une certaine identité dans son effectif. Pour construire, il faut toujours prendre en compte l'environnement, les valeurs et l'histoire du club. Et ces paramètres doivent se retrouver dans la construction de votre équipe.

Ces dernières semaines, on a beaucoup lu et entendu dans les médias, certaines personnes pointées du doigt votre belle saison en prédisant à Brest un parcours médiocre en Coupe d'Europe mais surtout en affirmant que pour l'image de la Ligue 1, la qualification de votre équipe en Ligue des Champions était négative. Qu'avez-vous à leur répondre ?
Je le prends avec beaucoup de recul ! Ce qui est important pour nous c'est d'entendre et de recevoir de nombreux messages de soutiens et de félicitations de dirigeants de football français. Si nous sommes ici, nous ne le devons à personne. Uniquement à notre travail ! Beaucoup d'entraîneurs disent que Brest est une grande équipe. Pour moi, c'est le plus beau des compliments et la meilleure des réponses à apporter à ces personnes. Après je peux comprendre que Brest ce ne soit pas clinquant mais quand on voit nos matchs, le spectacle que l'on offre, et qui plus est à l'heure de la renégociation des droits télé, j'ai envie de dire à ces gens : venez nous voir jouer ! On offre un football spectacle et c'est ça la beauté du football ! On mérite d'être-là et banaliser nos résultats, le travail du coach et des joueurs, c'est un manque de respect et c'est réducteur. J'ai envie de dire à ces gens-là que s'ils ne sont pas contents, qu'ils aillent faire leur super ligue avec leurs gros clubs et on n'en parle plus. Je ne supporte pas d'entendre que si Brest en est là aujourd'hui, c'est parce que Lyon, Lens ou Marseille se sont ratés ! C'est faux ! Si on en est là, c'est parce qu'on le mérite ! On montre qu'on peut avoir des idées et que sans argent ou peu d'argent, on peut bien travailler. Je trouve que c'est un message magnifique à adresser aux jeunes générations.

Dans le football moderne, le Directeur Sportif semble devenu incontournable. Depuis de nombreuses années, le Sporting Club de Bastia fonctionne sans ce poste au sein de son organigramme. Avec l'annonce de l'arrivée de Frédéric Antonetti, les choses vont changer dès la saison prochaine. Selon-vous, était-ce une évolution obligatoire pour le club bastiais ?
Il est important d'avoir des gens compétents dans chaque domaine. Et notamment le sportif. Une fois que l'on a dit ça, il ne faut pas oublier de souligner le parcours du Sporting depuis 2017 et féliciter le travail de Claude Ferrandi qui a été énorme. Mais il est important de pouvoir s'entourer de personnes capables de nous aider à grandir et à faire évoluer un club. Quand on est Président, il est difficile de tout gérer et l'arrivée de Frédéric Antonetti va apporter une force supplémentaire au SCB. Les dirigeants ont eu une très belle réaction en allant chercher Fred Antonetti. C'est un très bon choix mais il va falloir travailler pour trouver le bon fonctionnement car il s'agit également d'un nouveau défi pour Fred après de nombreuses années sur le banc. C'est un rôle différent mais taillé pour lui. Je suis persuadé que ce sera un mariage réussi !