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Une stèle à la mémoire des victimes de l'esclavage inaugurée à Rouen

Le 10 mai 2022, à l’occasion de la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, la ville de Rouen a inauguré une stèle sur les quais. L’occasion de revenir sur le rôle joué par la ville dans la « traite normande », une histoire méconnue des rouennais.

La stèle commémorative installé sur les quais de Rouen La stèle commémorative installé sur les quais de Rouen
La stèle commémorative installé sur les quais de Rouen © Radio France - Milena Aellig

La journée débute par une déambulation historique. Une trentaine de personnes sont rassemblées autour d’Aurélie Daniel, animatrice culturelle, qui guide la visite. 

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Les bases sont très vites posées : « C’est le Havre qui a été le port négrier, mais c’est Rouen qui finançait ». 

Choisi en 1716 comme port pour accueillir la traite, Rouen est vite remplacée par Le Havre pour des raisons pratiques, mais le nerf de la guerre, c'est à dire le financement de la traite, est resté sur place

De nombreuses familles fortunées rouennaises ont en effet contribué à cette traite négrière et aujourd’hui leurs noms sont connus des riverains du centre-ville : Levavasseur, Asselin par exemple, dont les hôtels particuliers se situent dans le centre. Ou encore Elie Lefebvre, qui a donné son nom à une rue de Canteleu. 

Le cortège s’arrête devant le palais de justice, bien identifié par les promeneurs. Là, c’est une surprise pour beaucoup : au XVIIème siècle, le bâtiment attenant au palais de justice, la prison de la conciergerie servait de dépôt de la police des noirs, qui y enfermaient des personnes noires que la royauté souhaitait renvoyer aux colonies, car jugées « trop nombreuses » au début du règne de Louis XVI. 

Deux collégiennes, Mirose et Violette, venues en sorties scolaires avec leur professeur d’histoire géographie, du collège Michelet de Bihorel :  

Je n’en revient pas… Dans Rouen il y a eu vraiment beaucoup de choses ! 

Pour leur professeur, Fadila Saadi-Leclerc, c’est l’occasion de leur montrer l’histoire locale : « ça leur permet de mieux la prendre en compte, cette histoire. Car quand elle est nationale, elle peut être un peu lointaine… Mais savoir que c’est là, sur les quais, ça va plus leur parler car c’est leur territoire, leur quotidien ». Elle confesse : « Même moi je ne savais pas à quel point le rôle de Rouen était important dans la traite négrière, car même si ça concernait Le Havre, les financiers et les négociants étaient ici ! »

Pour Eric Saunier, historien de la « traite normande », qui a largement contribué à faire connaître cette histoire, au-delà de l’aspect financier, il rappelle que la traite a également marqué la population de la ville puisque de nombreux capitaines de bateaux ou marins étaient rouennais , car Le Havre ne pouvait pas à elle seule fournir tous les équipages. 

Au retour, ces mêmes capitaines ramenaient parfois à leur bord des personnes noires des colonies, non considérées comme esclaves en métropole, puisque ce statut était interdit en sur le royaume français depuis l’Edit de Louis le Hutin en 1315. 

Cette déambulation est animée par un artiste musicien, Philippe Gouyer-Montout. Avec force et conviction, il chante, joue des instruments et accompagne la promenade. Mais pour lui « ce n’est pas une promenade. C’est un pèlerinage, je suis venu rendre hommage à mes ancêtres qui ont souffert dans l’enfer de l’esclavage »

Aurélie Daniel et Philippe Gouyer-Montout animent la déambulation historique devant des collégiens et des curieux.
Aurélie Daniel et Philippe Gouyer-Montout animent la déambulation historique devant des collégiens et des curieux. © Radio France - Milena Aellig

Son tambour sur l’épaule, il s’interroge : « Si on me regarde, on voit bien que je suis un héritier de cette histoire. Dois-je me détester ou m’aimer ? Là est toute la question ». Pour lui, cette visibilité donnée à l’histoire de la traite négrière dans sa ville

C'est une reconnaissance, quand on est un enfant de cette histoire, on est méconnu et on a l’impression qu’on n'existe pas 

Avec cette stèle, volonté de la ville de Rouen et d'associations locales, c'est bien de la visibilité qui est donnée à cette histoire.  Laura Slimani, adjointe au Maire de Rouen « Aujourd’hui notre espace public, ne portait pas de trace de cette histoire pour témoigner de cette histoire, et les rouennais ne pouvaient donc pas forcément la connaitre» 

Et l’inauguration, c’est justement la destination finale de cette déambulation

Autour de la stèle, des drapeaux et quelques militaires, un drapeau français couvrant les inscriptions.

Après quelques mots d’Eric Saunier, des responsables associatifs venus spécialement à Rouen pour l’occasion, ont inauguré la stèle en musique et en danse. Ils œuvrent pour la préservation et la mise en valeur de la mémoire de leurs ancêtres.  Mingue Guiné, membre de ce collectif, performe également un rituel vaudou pour bénir la stèle, en incitant les descendants à aller chercher  et connaitre leur histoire

Les collectifs associatifs, lors de l'inauguration de la stèle en mémoire de la traite négrière à Rouen
Les collectifs associatifs, lors de l'inauguration de la stèle en mémoire de la traite négrière à Rouen © Radio France - Milena Aellig

Pour elle, cette stèle représente « un pas… un tout petit pas. Cette stèle ne pourra pas nous rendre nos ancêtres » Ni pardonner les crimes de l’esclavage et les déportations. Mais cette stèle peut servir de vecteur de transmission, elle espère des enfants pourront « venir apprendre et se dire qu’il y a une stèle en l’honneur de leurs ancêtres » .  

Sur la stèle, on peut lire « La Ville de Rouen honore aujourd’hui la mémoire des millions de personnes réduites en esclavage, victimes de ce crime contre l’humanité ».

Au dessus, un arbre est gravé car « ce qu’il s’est passé, c’est qu’ils ont déraciné nos ancêtres », conclut elle.  

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