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Randonnée : la révolte gronde sur les Hauts de Chartreuse

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Depuis le mois d'août une polémique agite la montagne dans un des plus beaux secteurs du massif de la Chartreuse. Un propriétaire terrien entend interdire le passage des randonneurs. Des milliers de randonneurs pétitionnent pour le droit à se promener partout.

La Réserve des Hauts de Chartreuse existe depuis 1997 La Réserve des Hauts de Chartreuse existe depuis 1997
La Réserve des Hauts de Chartreuse existe depuis 1997 © Radio France - Véronique Pueyo

C'est une querelle entre le droit à randonner dans les espaces naturels et le droit à la propriété privée. C'est aussi un conflit d'usages symptomatique de la fréquentation grandissante de la montagne. Dans le massif de Chartreuse, entre Isère et Savoie, des usagers de la montagne sont vent debout face à un  propriétaire, Bruno de Quinsonnas-Oudinot, marquis et héritier d'une famille de la noblesse iséroise, qui entend interdire les passages sur sa propriété privée du côté du vallon de Marcieu et de la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse. Une propriété qui n'est pas un détail puisqu'elle fait... 750 hectares ! Un espace parcouru depuis toujours par des randonneurs du côté, notamment, de l'Aulp du Seuil, et traversé il y a encore quelques temps par un GR9 qui va être dévié. Une pétition en ligne depuis le 1er septembre et qui réclame le droit pour tous de se promener sur l'ensemble du secteur explose les compteurs.

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L'étincelle : la fréquentation d'un site hors des sentiers balisés

Ce qui a braqué le propriétaire - qui n'a pas répondu à nos sollicitations - c'est, selon des sources dans le Parc de Chartreuse, la sur-fréquentation ou plus exactement la mal-fréquentation et des comportements parfois inappropriés, sur un site qui se trouve à l'écart des sentiers balisés, en pleine falaise. Un site découvert en 2005 et dont les photos font envie, malgré un accès qui peut être risqué. Nommé "la Tour percée" par son découvreur et "Tour Isabelle" par le propriétaire, il s'agit d'une tour de rocher percée de deux magnifiques fenêtres. Une double arche que des randonneurs veulent absolument trouver et admirer, malgré tous les avertissements. Les photos souvenirs fleurissent sur internet et les réseaux sociaux. "C'est exceptionnel, c'est génial, c'est inimaginable" résume un Grenoblois rencontré à l'Aulp du Seuil. Un visiteur accompagné d'un ami et tombé nez à nez avec un garde qui leur a demandé de rebrousser chemin. "Bon, ça c'est bien passé finalement, explique-t-il, mais c'était un peu tendu au début". Il a signé la pétition disant ne pas comprendre qu'on puisse privatiser ce lieu et le soustraire au regard du plus grand nombre.

Le Parc régional de Chartreuse plaide pour une médiation

Pris dans le débat, le parc naturel régional de Chartreuse tente de jouer l'apaisement. Il n'a, à vrai dire, pas vraiment les moyens de faire autre chose. La propriété privée est un fait et un droit rappelle son président Dominique Escaron. Souvent la montagne, les forêts, les prairies, les espaces naturels ne sont pas des espaces publics et parfois les propriétaires, qui payent des taxes, veulent "défendre leurs intérêts" tout aussi légitimement que les randonneurs peuvent arpenter la montagne. "C'est comme ça", dit Dominique Escaron et nous devons aussi nous poser la question de nos pratiques en montagne "quand on se rend dans des lieux en dehors des sentiers balisés". Même si c'est pour découvrir une merveille. "Eh oui mais si vous vous avez un beau rosier dans votre jardin, il a beau être magnifique je ne rentre pas chez vous pour l'admirer". Dominique Escaron qui souligne aussi "qu'on n'en est pas encore là en France" mais que nous pourrions tout aussi bien nous retrouver un jour "comme en Amérique ou même, moins loin, en Croatie" où "vous payez 40 euros pour rentrer dans des espaces naturels".

Plusieurs débats imbriqués

Reste que la "toute puissance" finalement du propriétaire, agace beaucoup de monde. Une fronde qui prend parfois un caractère "sans culotte", tendance "fronde du bon peuple face aux privilèges". Jusqu'à des débordements verbaux sur les réseaux sociaux qui ne poussent sans doute pas le propriétaire, à engager un dialogue auquel il parait déjà peu enclin.

À ceux qui veulent randonner, se sont ajoutés ceux qui s'opposent à la chasse sur ce territoire. Le marquis est accusé de vouloir laisser l'usage de ses terres aux seuls chasseurs de la société privée à qui il les a confiées. Et des images fleurissent sur les réseaux sociaux de fortunés chasseurs étrangers qui seraient venus ici cocher la case "chamois de Chartreuse" contre espèces sonnantes et trébuchantes. Reste qu'une chasse, même privée, est tenue en terme de quota par le plan de chasse départemental et, qu'en France, le statut de "réserve naturelle" n'exclut pas nécessairement ni entièrement la chasse.

Le parc est également accusé par certains de s'être plié devant le "puissant marquis" dans la décision de déplacer le GR9, qui ne passera plus dans le vallon de Marcieu. Il a beau répondre que ça n'est pas de son fait et que c'est une décision bien antérieure à l'affaire de la fédération de randonnée, ça ne passe pas.

Cette querelle de légitimité autour de l'occupation de l'espace naturel dans tous les cas ne manquera pas d'interpeller beaucoup d'acteurs de la montagne, curieux ou inquiets, dans tous les massifs français.

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