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Procès des attentats du 13-novembre : le père d'Anne-Laure Arruebo, victime toulousaine, témoigne

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Elle fait partie des 130 victimes des attentats du 13 novembre 2015. Anne-Laure Arruebo avait 36 ans. Ses parents habitent Quint-Fonsegrives près de Toulouse. Près de six ans après, ils s'apprêtent à vivre un long et pénible procès à partir de ce 8 septembre. Entretien.

Anne-Laure Arruebo, tuée lors des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
Anne-Laure Arruebo, tuée lors des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. © Radio France - Stéphanie Mora

Elle buvait un verre avec son amie Cécile ce soir-là, il était 21h30 passée. Attablées à la Belle Équipe, rue de Charonne à Paris, une soixantaine d'autres clients autour d'elles. 21 d'entre eux périront dans ce bar, tandis que les terroristes ont déjà semé la mort au Carillon et au Petit Cambodge juste avant.

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Comme son amie, Anne-Laure Arruebo succombe à l'une des quelque 160 balles tirées sur cette terrasse-là ce vendredi 13 novembre 2015. Elle avait 36 ans, elle habitait Paris depuis dix ans, elle travaillait aux Douanes. La jeune femme est l'une des 130 victimes du 13-novembre, elle était originaire de Quint-Fonsegrives (Haute-Garonne) où la médiathèque porte désormais son nom

Alors que le procès démarre mercredi, son père Jean-Bernard Arruebo a bien voulu répondre à nos questions depuis Joinville-le-Pont où la plus jeune de leurs filles, qui vient de leur donner une petite-fille, les héberge. La famille participe au procès en tant que parties civiles. Ils vont enchaîner les allers-retours entre Toulouse et Paris pendant neuf mois. 

Vous voulez bien nous parler d'Anne-Laure ?

Oui bien sûr, Anne-Laure est l'aînée de nos trois filles. Elle est née le 20 août 1979 à Perpignan parce que la famille de ma femme Claudine est de Prades. Mais à l'époque, nous vivions à Créteil, nous travaillions au rectorat de l'académie de Créteil. Nous ne sommes retournés vivre avec nos filles à Toulouse que lorsque Anne-Laure avait une dizaine d'années. Elle a suivi des études de sciences sociales à la fac de droit à Toulouse, l'Arsenal à l'époque. Elle a passé le concours d'inspectrice des douanes. Et elle est arrivée à Paris vers 2005, pour travailler à la Direction générale des douanes à Montreuil. Elle habitait près de l'avenue Daumesnil, dans le 12e arrondissement. Anne-Laure était une vraie Parisienne qui aimait la vie de la capitale, la culture, les sorties. C'était aussi une passionnée de rugby, supportrice du Stade Toulousain, elle avait baptisé son chat Brennus ! 

Que faisait-elle ce soir-là ?

Anne-Laure adorait la couture et ce soir-là, elle sortait d'un cours qu'elle suivait dans une boutique. Elle est allée boire un verre à 200 mètres de cette boutique avec une amie douanière, Cécile, dans ce café la Belle Équipe, rue de Charonne, qu'elles connaissaient bien. Il a en effet la particularité d'être historiquement fréquenté par les douaniers car l'ancien siège des douanes se trouvait dans ce quartier.

"Nos trois filles étaient à Paris ce soir-là. Nous avons reçu deux appels, il en manquait un."

Comment avez-vous appris la nouvelle de sa mort ?

Je regardais le match de football (NDLR : France-Allemagne, au Stade de France), on a entendu les détonations. Quand on a été informés des fusillades, on a rapidement reçu des appels rassurants de Marie-Eve et Christelle, nos deux autres filles qui vivent elles aussi en région parisienne. Il manquait celui d'Anne-Laure. On espérait que son téléphone soit éteint, elle l'éteignait parfois à cause de ses migraines. Christelle est partie chez elle, malheureusement, il n'y avait personne. Il a fallu attendre le lendemain, dans l'après-midi, l'une des responsables des douanes prévient Christelle qu'Anne-Laure risque de figurer parmi les victimes. Nous avons immédiatement pris le train pour Paris. À l'Ecole militaire où étaient reçues les familles, les autorités nous ont dans un premier temps dit qu'elle n'était pas sur les listes avant de se raviser.

Que savez-vous des circonstances de la mort d'Anne-Laure ?

Nous n'avons pas voulu avoir accès au rapport d'autopsie, on ne voulait pas savoir combien de balles elle avait reçu. De la même façon, on ne mettra jamais les pieds à l'intérieur de "la Belle Équipe". Nous assistons aux cérémonies d'hommage chaque année, la plaque avec les noms se trouve en face du café. C'est au-dessus de nos forces que de pénétrer dans les lieux. Des mosaïques portent les prénoms des 20 victimes de ce café, mais nous ne pouvons pas y rentrer. Fréquenter ce quartier est déjà très difficile.

Jean-Bernard Arruebo aux obsèques de sa fille.
Jean-Bernard Arruebo aux obsèques de sa fille. © Maxppp - Nathalie Saint-Affre

Comment vivez-vous la médiatisation des victimes et leurs proches ? Que ressentez-vous envers les 129 autres familles ?

Nous ne sommes pas isolés. Nous sommes membres de l'association "13onze15 Fraternité et Vérité", nous côtoyons les victimes et leurs familles. Cela nous donne un peu de force pour supporter tout cela. Nous sommes devenus amis avec quelques familles.

"Je veux participer pour parler d'Anne-Laure."

Le procès démarre ce mercredi. Comment cela va se dérouler pour vous ?

Ce procès doit se terminer fin mai 2022, c'est très long. Nous sommes tous les quatre parties civiles, mes deux filles, ma femme et moi. Nous irons au début, la première quinzaine, puis nous serons présents pour écouter avec attention les rapports des services de police, les témoignages des accusés et les responsables politiques de l'époque. Sinon nous nous aménagerons des plages de "respiration", notamment lorsqu'il sera plus question du Stade de France et du Bataclan. 

Ce n'est pas possible de vivre aussi longtemps loin de chez nous, revivre ces moments douloureux. Le 5 octobre sera un moment important car je suis appelé à témoigner. J'ai aussi demandé que témoignent sa meilleure amie Fanny avec qui Anne-Laure a fait ses études de droit à Toulouse et Corinne, sa cheffe de service aux douanes. Elles vont parler d'Anne-Laure et des conséquences de sa disparition. Les douanes étaient pour notre fille sa deuxième famille.

"J'attends des éléments de vérité, on doit la vérité aux disparus."

Ce procès a la particularité de juger surtout des terroristes présumés absents et probablement morts. Cela change-t-il quelque chose pour vous ?

Vous savez, nous avons hésité à participer au procès et à témoigner. C'est la mère d'une autre victime qui nous a convaincus. Parce qu'on parle de ces assassins qui ont tiré dans la foule, on parle des lieux, les attentats du Bataclan, des terrasses, etc. Mais on ne fait pas référence aux victimes. Je veux participer pour parler d'Anne-Laure. On entend le nom des assassins, beaucoup moins ceux des victimes. 

Et puis, nous avons des questions. Qui sont les commanditaires de ces attentats et où sont-ils ? Qui sont les responsables politiques ? J'attends des éléments de vérité. Anne-Laure aimait lire Voltaire qui a écrit ceci quelque part : "on doit le respect aux vivants, et on doit la vérité aux morts". 

  • L'avocat de la famille Arruebo, Me Mathieu Riberolles était l'invité de la matinale de France Bleu Occitanie ce mardi 7 septembre
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