PHOTOS - Une aide-soignante et sa fille vivent avec les excréments des voisins depuis sept ans près de Béziers

"Regardez comme ça déborde. Regardez les papiers WC et les crottes qui flottent. Et tous ces déchets finissent dans la rivière en contrebas". En regardant de nouveau les photos prises un soir de janvier 2024, Armelle est dépitée. Le couvercle en fonte du capteur du réseau d'assainissement des eaux usées installé devant la porte d'entrée de son sous-sol s'est soulevé en raison d'un trop-plein consécutif à une canalisation bouchée.

Cette aide-soignante, installée à Saint-Étienne-d'Albagnan, à une demi-heure à l'ouest de Bédarieux dans l'Hérault, dénonce depuis 2017 les travaux réalisés par la mairie sur sa propriété sans son consentement. "Ce soir-là, Maman s'est débrouillée comme elle pouvait. Il était très tard" confie Inès, sa fille de 13 ans. "Ça débordait de partout. C'était énormément bouché. Les odeurs dans ma chambre ne sont pas agréables. Elles persistent assez longtemps".

La mairie condamnée à la mise en conformité des travaux

D'importants travaux de tout-à-l'égout ont été réalisés à partir de 2015 dans ce village d'un peu plus de 300 âmes. Deux millions d'euros investis**. Depuis, il ne serait donc pas rare que les canalisations se bouchent au hameau Le Canarié où vivent Inès et sa maman. Les excréments de la vingtaine de maisons se retrouvent alors dans la cour de cette habitante en cas de saturation.

"Il n'est pas possible de rester sur la terrasse l'été quand vous avez les odeurs" - Armelle

"Pardonnez -moi de l'expression, mais on vit dans la merde depuis sept ans. Ce n'est plus possible. Je ne sais plus quoi faire. Le Tribunal administratif nous a pourtant donné raison. Je ne vous parle pas des odeurs persistantes dans la maison" déplore Armelle. Après avoir alerté la sous-préfecture de Béziers et sans action de la mairie, elle a fini par déposer un recours au tribunal administratif en 2017.

"Je ne comprends pas qu'on nous laisse dans cette situation" - Armelle

La mairie de Saint-Etienne-D'albagnan a ensuite été condamnée le 15 juin 2023 à réaliser dans un délai de six mois les travaux estimés par un expert judiciaire à 16.000 euros. Somme qui n'apparaît pas disproportionnée précise l'expert eu égard à la gêne occasionnée à la plaignante et eu égard aux effets sur l'environnement en raison du déversement de résidus non-traités dans la rivière proche.

La commune devra par ailleurs verser un peu plus de 11.900 euros correspondant au remboursement des frais d'expertise (4.473 euros), le préjudice lié aux odeurs supportées par les victimes (4.473 euros) et aux remboursements des frais d'avocat de la plaignante (1.500 euros). L'élu a fait appel en août dernier, mais le jugement n'est pas suspensif déplore l'avocat de la plaignante.

Défaut de conception et de réalisation de l'ouvrage

Dans son rapport, l'expert judiciaire, qui a lui-même constaté les odeurs, a pointé du doigt un défaut de conception et de réalisation des canalisations. Si le poste de relevage (correctement dimensionné et installé à 10 mètres du domicile de la plaignante) est fonctionnel, ce n'est pas le cas la canalisation. La pente, qui n'est pas assez importante, ne permet pas un écoulement normal, avec un risque que les eaux usées se déversent dans le Jaur (rivière à proximité).

"Cette situation est insupportable pour ma cliente" dixit son avocate Julie Marc du barreau de Montpellier. "Juridiquement, le maire peut se retourner contre l'entreprise ayant réalisé les travaux. Il avait jusqu'en décembre pour cette mise en conformité. Il ne l'a pas fait. Je suis très étonnée de cet appel au regard du peu d'indemnités reversées à ma cliente. Il y a une volonté de la mairie de ne pas exécuter les travaux".

Pour la mairie tout est aux normes. Franck Lignon pointe du doigt le comportement de riverains. Des objets ont été retrouvés dans le collecteur d'eaux usées. "On a retrouvé des T-shirts, des jouets. Ils ne peuvent pas passer dans les canalisations des maisons. Il y a une volonté de nuire. Je n'accuse personne, mais cela a été fait délibérément. Ailleurs, nous n'avons aucun problème sur le réseau. Il n’y a qu'ici qu'on nous signale des débordements. Nous ne l'avons constaté qu'à une seule reprise".

À l'issue de notre entretien, le maire finira pas avouer timidement avoir déposé un recours contre la société ayant réalisé les travaux. "Nous ne sommes pas coupables. S'il y a malfaçons, ce n'est pas à la mairie et encore moins aux contribuables de supporter les frais" dit l'élu.

Intervention de la députée Stéphanie Galzy du Rassemblement national

"Combien de temps encore allons-nous vivre ainsi ?" conclut Armelle. "La mairie ne veut pas réaliser les travaux. L'expert a pourtant démontré des irrégularités". L'aide soignante a fait appel récemment à la députée Stéphanie Galzy (Rassemblement national) qui s'est entretenue ce lundi 15 avril 2024 avec le maire.

Ce dernier se serait engagé auprès de la députée à réaliser les travaux confie à France Bleu Hérault son attaché parlementaire "Nous avons rencontré le maire en compagnie de deux adjoints. Franck Lignon nous a en effet confirmés qu'un recours avait été déposé contre une entreprise locale pour malfaçon.

Il nous a assuré qu'il était prêt à étudier une solution à l'amiable, qu'il était prêt à réaliser les travaux nécessaires, comme par exemple, installer un siphon d'évacuation plus grand, qu'il était prêt à arborer le pourtour de la pompe de relevage pour qu'il n'y ait pas de désagrément visuel et enfin, qu'il était aussi prêt à reconstruire le petit muret détruit par l'entreprise lors des travaux".

Armelle attend désormais que ces belles paroles se transforment en acte pour que ces odeurs pestilentielles supportées depuis sept ans disparaissent à jamais.