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"Les voix du Commando Kieffer", l'entretien inédit d'un prêtre toulousain qui a débarqué en Normandie le 6 juin 1944

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En ce 80e anniversaire du Débarquement, France Bleu vous propose un podcast issu de témoignages inédits des survivants du Commando Kieffer. Dans les archives du Mémorial de Caen reposaient notamment les longs entretiens de l'abbé René de Naurois, prêtre toulousain, aumônier de la France Libre.

L'abbé René de Naurois lors d'une cérémonie en Normandie en 2004. L'abbé René de Naurois lors d'une cérémonie en Normandie en 2004.
L'abbé René de Naurois lors d'une cérémonie en Normandie en 2004. © AFP - Mychele Daniau

Ce 6 juin 2024, France Bleu vous propose le podcast "Les voix du Commando Kieffer".  Il y a vingt ans, l’historien Stéphane Simonnet rencontrait des vétérans de ce célèbre commando de 177 Français qui débarquèrent aux côtés des Alliés en Normandie le 6 juin 1944. France Bleu Normandie a pu se procurer ces archives inexploitées. Parmi ces voix, celle de l'abbé toulousain René de Naurois (1906-2006), aumônier de la France Libre, Compagnon de la Libération, Juste parmi les Nations. Plusieurs entretiens avec lui ont été enregistrés par Stéphane Simonnet entre 2002 et 2004 à son domicile en région parisienne, quelques années avant sa disparition.

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Une "Marseillaise" place du Capitole

René de Naurois nait en 1906 à Paris dans une famille de riches propriétaires agricoles, il grandit au domaine de Saint-Maurice sur la commune de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) où il passe les quinze premières années de sa vie. Entré dans les ordres, il enseigne la théologie dans les années 1940 à l'Institut catholique de Toulouse, rue de la Fonderie près de la Dalbade et rejoint le réseau de résistance Combat. Dépendant du diocèse de Toulouse et du célèbre archevêque Saliège connu pour avoir protégé des Juifs pendant la Guerre, le père de Naurois œuvre lui aussi à la protection de familles de réfugiés juifs, ce qui lui vaut la persécution de la Gestapo et la police de Vichy jusque dans les Alpes.

Dans ses entretiens, il évoque notamment un épisode de juin 1941 où Toulouse doit accueillir la conférence d'un éminent nazi sur l'Europe d'après-guerre. La conférence doit avoir lieu au Capitole. "On m'avait prévenu qu'il y aurait une contre-manifestation place du Capitole. Au final, des milliers de personnes se sont rassemblées sur la place pleine à craquer, sans compter celles aux fenêtres qui applaudissaient, une manifestation monstre. On a chanté une Marseillaise à tout casser. La police toulousaine était en grande partie de notre côté. J'assistais là à une démonstration de la résistance passive de la population, à côté de la résistance secrète et préparée, celle des réseaux", raconte le curé.

Le Débarquement près de Ouistreham

L'Abbé de Naurois, engagé auprès des Forces françaises, finit par fuir en Angleterre où il rejoint les commandos comme aumônier du 1er Bataillon de fusiliers marins. Il s'agit du Commando Kieffer qui débarque en Normandie le 6 juin 1944. "Dix jours avant le Débarquement, on nous a emmenés dans un camp en face de l'île de Wight (Angleterre) pour le grand briefing technique détaillé. On nous a fourni des cartes, des photographies mais sans jamais nous donner les noms, sans nous dire où on allait débarquer. Le secret était tel que quiconque parlait avec la population locale, même répondre à un Bonjour, valait une condamnation à mort", détaille l'abbé.

Son unité embarque le 5 juin vers 17h sur un bateau, par temps mauvais "sur cette mer grise opale couverte de bateaux de guerre". Le Commando débarque le lendemain vers 7h30 sur la plage de Colleville-Montgomery, près de Ouistreham (Calvados), baptisée Sword Beach où 29.000 soldats sur les 150.000 du Débarquement arriveront par la mer. "On a sauté à la mer, avec de l'eau jusque sous les bras. Et tout de suite la casse, des blessés, des morts. Moi, je n'avais pas le droit de m'arrêter sur la plage car nous présumions que les aumôniers et les brancardiers du Génie soigneraient leurs soldats. Je ne devais pas rester en retard et laisser ma troupe filer devant, je devais aller avec eux. J'ai naturellement distribué des absolutions et donné des sacrements, mais très vite, sans m'arrêter".

Devant le mémorial "La Flamme", de nombreux touristes viennent rendre hommage au commando Kieffer.
Devant le mémorial "La Flamme", de nombreux touristes viennent rendre hommage au commando Kieffer. © Radio France - Bradley De Souza

Enterré en Normandie, près de là où il a débarqué

Dix hommes du Commando Kieffer meurent lors du Débarquement. L'unité a pour ordre de reprendre aux Allemands le Casino de Ouistreham. Le Toulousain reste avec son bataillon en Normandie, et participe aussi au Débarquement plus pacifique en Hollande quelques mois plus tard. Démobilisé, le père de Naurois retourne au diocèse de Toulouse, où il enseigne dans les Facultés libres. Il se passionne par la suite pour la botanique et l'ornithologie via de multiples voyages en Afrique. Il est l’un des rares aumôniers à avoir été fait "Compagnon de la Libération", en 1946. Il reçoit aussi la médaille des Justes parmi les nations en 1989.

Ses mémoires  "Aumônier de la France libre" ont parues en 2004 aux Editions Perrin. Cette année-là pour les 60 ans du Débarquement, il reste encore une trentaine de membres du Commando français vivants. Installé à Brunoy en région parisienne, René de Naurois décède en 2006, l'année de son centenaire. Il est enterré en Normandie, au cimetière de Ranville, l'une des premières villes libérées , aux côtés de trois autres membres du Commando Kieffer, morts comme lui après-guerre. Son nom figure sur la stèle des Justes au Jardin des Plantes de Toulouse, et sur une plaque à l'Institut Catholique de Toulouse.

Le dernier survivant du commando, le breton Léon Gauthier, meurt en juillet 2023. Un mémorial en forme de flamme a été érigé à Ouistreham en l'honneur du bataillon en 1984.

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