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Législatives : autour de Toulouse, le vote "aéro" est-il en train d'évoluer ?

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Voilà une donne difficile à évaluer : que votent les salariés de l'aéronautique, les fameux "Airbusiens" autour de Toulouse ? Les résultats de la NUPES lors du premier tour des législatives dans des villes proches des sites laissent à penser que le curseur glisserait vers la gauche de la gauche.

Une vue aérienne de Blagnac, ici en 2015. Une vue aérienne de Blagnac, ici en 2015.
Une vue aérienne de Blagnac, ici en 2015. © AFP - SPANI Arnaud / hemis.fr / hemis.fr / Hemis via AFP

Pour qui votent les Airbusiens ? Comment la sociologie électorale de l'aéronautique a t-elle évolué ? C'est une question forcément pertinente à Toulouse, et plus généralement dans les circonscriptions où habitent majoritairement les salariés d'Airbus (27.000 à Toulouse) et ses sous-traitants : la première autour de Blagnac, la quatrième plus toulousaine de Saint-Simon à la place Dupuy en passant par Saint-Cyprien, et la sixième de Colomiers à la Gascogne toulousaine. 

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Changement de mentalités

La NUPES est en effet arrivée en tête, parfois largement, le 12 juin dernier dernier dans les bureaux des quartiers Saint-Simon (40%) ou Saint-Martin-du-Touch (39%), à Colomiers (35%), Blagnac (32%) ou Beauzelle (31%). Doit-on en conclure que les salariés de l'aéronautique -dont il faudrait dans l'absolu faire un distingo entre ingénieurs et techniciens, les cadres et les autres- se "gauchisent" ?

Oui pour Jacques Rocca, ancien d'Airbus et candidat malheureux de l'Alliance centriste dans la quatrième circonscription. "Certains vont voter contre l'aviation, c'est une manière de se racheter pour eux, car ils ont l'impression d'appartenir à une industrie polluante", concède-t-il. "Les nouvelles générations aspirent à autre chose", poursuit celui qui a monté sa société de communication depuis son départ d'Airbus. "Leurs codes et référentiels sociologiques, comme le fait d'avoir plus de temps libre, correspondent plus à ce que propose la Nupes que Macron."

"Certains ne veulent plus de promotion : ils préfèrent gagner moins, mais profiter de leurs enfants. C'est un vrai changement de mentalité, qu'on observe d'ailleurs dans d'autres secteurs." - Jacques Rocca, ancien d'Airbus

Des référentiels sociologiques comme l'usage du vélo servent aussi d'indicateurs qui ne sont pas anecdotiques. Les salariés de l'aéronautique, grâce à une politique volontariste aussi des grandes entreprises, se sont largement emparés de ce mode de transport. C'est aussi une filière dans laquelle ils se reconvertissent, aussi bien, sinon plus d'ailleurs, par pertinence économique que par conviction politique. Certes, ce n'est pas parce qu'on prend son vélo tous les matins pour aller au travail qu'on vote forcément à gauche, mais cela fait partie des codes qui appartiennent plus à des valeurs de gauche, avec des engagements politiques pris par des personnalités le plus souvent socialistes ou écologistes.

"Blagnac a toujours été à gauche, mais au centre-gauche. L'électorat airbusien, de par la politique d'avantages sociaux de l'entreprise, est devenu très sensible aux questions de confort personnel." - Bernard Keller, ancien maire de Blagnac

Bernard Keller, maire PRG pendant plus de 20 ans à Blagnac, a œuvré en sous-main pour le candidat de la majorité présidentielle, Pierre Baudis. Lui aussi ancien d'Airbus, Bernard Keller partage la même analyse que Jacques Rocca et parle de "social-embourgeoisement" des Airbusiens, plutôt que de gauchisation. Il est surpris toutefois qu'une gauche plus radicale les séduise. "À mon époque, on pouvait s'investir pleinement chez Airbus, ne pas compter ses heures et voter PS. Aujourd'hui, ils votent pour la France Insoumise", s'étonne celui qui a démissionné de ses mandats en 2017.

Un ancrage centre-droit encore bien scellé

Qu'on ne s'y trompe pas : les villes résidentielles des Airbusiens n'ont pas, dans leur majorité, plébiscité les troupes de Jean-Luc Mélenchon. D'abord, Ensemble! est arrivé devant dans la plupart d'entre elles au premier tour des législatives : à Seilh (40%), Pibrac (35%), Gagnac-sur-Garonne (34%), Tournefeuille (34%), Cornebarrieu (32%), ou encore Léguevin et la Salvetat-Saint-Gilles.

Et ces villes où vivent les salariés de l'aéronautique ne sont pas hermétiques à la gauche, loin de là, on reste en Haute-Garonne. Longtemps les députés des première, quatrième et sixième circonscriptions ont été socialistes avant la razzia d'En Marche en 2017. Blagnac ou Colomiers sont historiquement des terres socio-libérales. Et nombre de ces villes sont dirigées par des maires issus d'une longue tradition socialiste-radicale dans les collectivités midi-pyrénéennes. C'est le cas de Beauzelle, Plaisance-du-Touch ou Tournefeuille. Ce qui est le plus étonnant toutefois, c'est le score de la NUPES dans des communes qu'on pourrait qualifiées de droite : 26% à Cornebarrieu, 28% à Léguevin, 25% à Gagnac-sur-Garonne. 

Sur Toulouse, il est plus difficile d'observer le phénomène en dehors des quartiers Saint-Simon et Saint-Martin-du-Touch dont on devine, par leur position géographique et leur composition sociologique, que les foyers "aéro" y sont nombreux. De nombreux cadres et ingénieurs de l'aéronautique ont élu domicile dans les beaux quartiers toulousains, le Busca, les Carmes ou Côte Pavée, ou des quartiers résidentiels à forte densité de maisons individuelles comme Lardenne ou Saouzelong. 

La complexité politique, le paradoxe presque de la Ville Rose prend alors tout son sens, cette ville qui place Jean-Luc Mélenchon sur un trône (37% des suffrages au premier tour devant Emmanuel Macron à 26%) alors que les écologistes ne parviennent pas à la prendre. Comme l'explique le politologue Jérome Fouquet dans une analyse post-municipales pour la fondation Jean-Jaurès, les discours pro-avion du maire de Toulouse et anti-aérien du candidat écologiste Antoine Maurice ont probablement pesé dans le vote Airbus en 2020. Aux dernières municipales, la vague verte qui a emporté Lyon, Bordeaux, Strasbourg ou Poitiers, s'est fracassée sur la digue Moudenc à Toulouse. Preuve s'il en est que l'aéronautique n'est pas encore de gauche.

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