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"Dire bonjour, c'est les remettre debout symboliquement" : à Tours, une exposition pour changer le regard sur les SDF

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Il a vécu huit ans sans toit sur la tête et veut aujourd'hui être le "messager" de ces "oubliés de la société", comme il dit. Depuis le début du mois de mars, l'artiste amboisien Jean-Michel Roux expose, à la bibliothèque centrale de Tours, 45 peintures représentant des sans-abri qu'il a rencontrés.

Jean-Michel Roux a peint 45 visages de SDF, rencontrés notamment durant ses années de sans-abrisme. Jean-Michel Roux a peint 45 visages de SDF, rencontrés notamment durant ses années de sans-abrisme.
Jean-Michel Roux a peint 45 visages de SDF, rencontrés notamment durant ses années de sans-abrisme. © Radio France - Adrien Bossard

Chaque portrait est accompagné d'un petit mot, en forme de poésie, qui raconte son histoire. Il y a Vassilli, Hubert ou Auguste, "la mascotte, chef de ce petit monde". Au total, 45 visages sont exposés, depuis le début du mois de mars - et jusqu'au 30 -, à la bibliothèque centrale de Tours. Tous sont des sans-abri, rencontrés par Jean-Michel Roux. Parmi eux, beaucoup ont été des compagnons d'infortune de l'artiste amboisien de 74 ans, pendant les huit années où il a, lui aussi, été confronté à l'univers de la rue.

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Tout commence en 2001, à cause d'un accident. "J'avais un cabinet de consultant à Paris et, un jour, je suis tombé, explique Jean-Michel Roux. C'était au mois d'octobre. Il avait gelé. Je ne m'en suis pas aperçu et en sortant de chez des clients, j'ai glissé et je me suis fracturé trois vertèbres." Sauf que l'hôpital l'informe qu'il est inopérable. Et que s'il veut remarcher, il faudra se faire violence tout seul. Personne ne l'aidera. Après une longue rééducation, il constate, petit à petit, que tout se dérobe. C'est le début de la spirale infernale. "Tout le monde s'éloigne. Famille, clients, amis. Je perds mon logement, mon travail. Il faut repartir de zéro."

" Je voulais être leur messager"

Jean-Michel Roux côtoie alors le milieu des "oubliés de la société". Des gens "farouches", "qui ne se livrent pas facilement", mais il parvient à créer du lien. "J'ai découvert que beaucoup avaient, comme moi, une vie sociale intéressante avant." Il en dessine certains, écrit quelques mots sur leur vécu. Puis, il met tout de côté, et se concentre sur la façon dont il va se relever et sortir de cette précarité permanente.

Lorsqu'arrivent le Covid-19 et la période du confinement, cela fait déjà une dizaine d'années que Jean-Michel Roux a réussi à sortir la tête de l'eau. Il est remarié, a un toit sur la tête. Mais il repense sans cesse à cette période noire, "la plus importante" de sa vie, car elle celle qui est "la plus touchante, en étant donné que c'est une situation que l'on ne souhaite à personne." À 70 ans, il dit donc avoir eu comme "un déclic". Il reprend ses vieux croquis. Et les sublime, à l'aquarelle. "Je voulais être leur messager".

"C'est ce qu'on appelle l'effet miroir. On a la trouille et on se dit : 'Si c'était moi ?' Donc on les fuit."

À travers ses peintures, il souhaite aussi montrer que n'importe qui peut, un jour, se retrouver à la place d'un SDF. Il prend l'exemple de Fernand, à la barbe mal taillée et aux yeux bleu azur. "J'étais chez un ami qui avait un bar. Et un monsieur entre, pas propre du tout, avec un vieux chapeau feutre abîmé et un imperméable gris foncé, plein tâches. Je m'en souviendrai toute ma vie. Pour être bref, le pauvre type, au sens pauvreté du terme. Le monsieur traverse le bar, file au fond dans un coin et s'assoit. Mon ami va vers lui, l'appelle par son prénom et lui dit : 'Je te mets comme d'habitude'. L'autre lui répond : 'Oui, oui Bernard'. Après l'avoir servi, mon ami me dit : 'Tu sais Jean-Michel, nous sommes allés à l'école ensemble, lui et moi, nous nous sommes connus tout gamin. C'était le plus grand avocat de la ville. Sa femme est partie, l'a quitté pour un autre. Il s'est mis à boire, il a tout perdu.' J'étais sidéré."

Des gens comme Fernand, lorsqu'ils tombent si bas, n'ont, du jour au lendemain, plus de prénom. Ils sont, aux yeux des autres, le "type du fond du bar", "le mec en bas de l'immeuble". Des personnes que nous n'osons pas regarder, regrette Jean-Michel Roux. "C'est ce qu'on appelle l'effet miroir. On a la trouille et on se dit : 'Si c'était moi ?' Donc on les fuit. Mais le simple fait de les regarder, de dire bonjour, vous leur faites du bien. C'est une façon de les remettre debout symboliquement. À leurs yeux, c'est une réintégration dans la société."

L'exposition de Jean-Michel Roux, "Les oubliés nous parlent", se poursuit à la bibliothèque centrale de Tours. C'est à voir tous les jours jusqu'au samedi 30 mars. Les peintures peuvent être achetées. Il y a déjà une réservation pour l'une d'entre elles.

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