Diplômée en gérontologie, Lucie, 21 ans, entame depuis Bordeaux un "Tour de France" des Ehpads à vélo

"Tu as tout ce qu'il te faut ? En cas de crevaison ?" Dans le village Ehpad Terre-Nègre de Bordeaux, c'est l'heure des derniers préparatifs avant le grand départ. Beaucoup de résidents, qu'on appelle ici des "habitants", se pressent autour d'une jeune femme qui leur faisait autrefois la lecture. À 21 ans, Lucie Reyx s'apprête à partir pour un "Tour de France" des maisons de retraites, un périple de 4.000 km en quatre mois depuis la Gironde jusqu'à Rochefort, sa ville natale, en passant par un crochet en Belgique. Une aventure à suivre en direct sur les réseaux sociaux (Instagram et TikTok)

"Mais c'est formidable !"

"C'est à la fois un challenge, un défi sportif, personnel, mais c'est aussi de mettre en lumière les belles choses qui peuvent se passer dans les Ehpads. Pour que ces lieux ne fassent plus peur. J'ai envie de tendre la main, d'aller voir ces vieux et ces vieilles, et pour moi, ce n'est pas un gros mot de dire cela", raconte la jeune diplômée en gérontologie sociale. "Tu vas être fatiguée à vélo ?", s'enquiert Geneviève, 80 ans. "Il faut amener une bouteille rouge, il paraît que ça aide !"

"C'est de la gaîté que vous nous donnez !"

Si Lucie Reyx est toute de jaune vêtue, "c'est un clin d'œil à La Poste. Je vais distribuer des courriers avec l'association "1 Lettre, 1 Sourire", qui lutte contre l'isolement des personnes âgées". "Si je pouvais, je la suivrais mais j'ai des problèmes aux jambes", explique Gigi avant d'entonner, La Bicyclette, la fameuse chanson d'Yves Montand. "Tu chantes faux", se moque Eliane. "Lucie pourrait être notre fille", ajoute la retraitée. "Petite-fille même", répond malicieusement la jeune femme.

"Il faut des jeunes qui aillent à la rencontre des personnes âgées"

"À Bicyclette", c'est justement le nom de ce projet un peu fou. "En fait, j'ai découvert que j'aimais le contact avec les personnes d'un plus grand âge lorsque j'ai fait un stage ici dans le cadre de mes études, il y a aussi eu la perte de mes grands-parents maternels entre ma terminale et ma première année d'études". Lucie Reyx confie regretter de ne pas avoir assez joué à la belote avec ses grands-parents. "Je pense qu'il y a un petit côté réparateur aussi dans ce voyage", confie celle qui habite depuis octobre dans une résidence autonomie des Yvelines, au Vésinet, grâce à l’association Ensemble 2 générations.

Ancien tuteur de stage de Lucie Reyx, Christophe Boery ne tarit pas d'éloges sur la jeune femme. "Bravo ! Bon courage. C'est un projet qui fait lien, qui fait sens. Merci à toi !" Le coordinateur de la vie sociale au village Ehpad Terre-Nègre constate que "les ainés sont souvent un peu éloignés de la vie citoyenne à l'intérieur de ces résidences autonomie. Alors oui, dit-il, il faut des jeunes qui aillent à la rencontre, il faut les ouvrir ces maisons de retraite. Et pour ça, Lucie, c'est notre ambassadrice."

Un Tour de France intergénérationnel du sourire... à bicyclette !

"Dans ma besace, j'ai des lettres écrites par des anonymes lors d'un festival qui a eu lieu sur Bordeaux il y a deux semaines, indique Lucie Reyx. J'ai des courriers rédigés par des professionnels du secteur lors des assises nationales du Bien Vivre à Paris. J'ai aussi des lettres écrites par des jeunes du centre social de La Source au Haillan. L'idée, c'est de relier les structures entre elles, de faire écrire une lettre dans un Ehpad et la remettre dans l'établissement où je dors le lendemain."

En dépit du soutien d'1 Lettre 1 Sourire, l'association née durant le confinement, Lucie Reyx a dû mettre toutes ses économies dans ce périple, notamment pour acheter un solide vélo et ses sacoches. La jeune cycliste reste ouverte aux coups de pouce des collectivités qui souhaiteraient l'aider. "C'est un beau projet", résume Gigi. "S'il n'y a pas des sourires, ce n'est pas la peine de vivre dans les maisons de retraite. Comme partout ailleurs."