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"Appel à la haine", "lapsus" : ce que l'on sait de la polémique liée aux propos de l'imam de Bagnols-sur-Cèze

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Après les propos de l'imam tunisien de la mosquée de Bagnols-sur-Cèze dimanche, Gérald Darmanin a demandé le retrait de son titre de séjour. Mahjoub Mahjoubi qualifie notamment le "drapeau tricolore" de "drapeau satanique". Lui plaide le lapsus et assure qu'il ne parlait pas du drapeau français.

L'imam de Bagnols-sur-Cèze, Mahjoub Mahjoubi, assure qu'il s'agissait d'un lapsus. L'imam de Bagnols-sur-Cèze, Mahjoub Mahjoubi, assure qu'il s'agissait d'un lapsus.
L'imam de Bagnols-sur-Cèze, Mahjoub Mahjoubi, assure qu'il s'agissait d'un lapsus. © Maxppp - Dauphin Philippe

Les propos de Mahjoub Mahjoubi, imam de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard, ont provoqué de nombreuses réactions. Dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux dimanche, notamment par le député RN du Gard Nicolas Meizonnet, l'imam tunisien qualifie le "drapeau tricolore" de "drapeau satanique" qui n'a "aucune valeur auprès d'Allah". Un quiproquo, selon lui. Ce que le préfet réfute, évoquant l'analyse de "plusieurs prêches". Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a demandé que son titre de séjour lui soit retiré.

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Dans une version plus longue de cette vidéo, également diffusée sur les réseaux sociaux, Mahjoub Mahjoubi évoque l'arrivée de "Al-Mahdi" qui réunira tous les musulmans. "Il va s'autoproclamer et là tous les gouverneurs dans toutes les gouvernances vont chuter. On aura plus tous ces drapeaux tricolores qui nous gangrènent, qui nous font mal à la tête, qui n'ont aucune valeur auprès d'Allah, la seule valeur qu'ils ont, c'est une valeur satanique", dit-il. Puis il enchaîne : "Voyez tous ces drapeaux qu'on a dans les matches. (...) C'est des drapeaux sataniques qui ne valent rien. Ceux qui les ont imposés, c'est simplement pour qu'on se déteste, qu'on ne s'aime pas, qu'on mette la haine dans nos cœurs".

Dans la foulée, Gérald Darmanin réagit sur X : il demande le retrait du titre de séjour de l'imam "en vue de son expulsion du territoire". "Aucun appel à la haine ne restera sans réponse", assure le ministre. "Sur mon instruction, les propos de cet imam ont fait l’objet d’un signalement cette semaine au procureur de la République par le préfet du Gard", écrit-il. Le parquet de Nîmes annonce l'ouverture d'une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme et incitation à la haine.

Dans un communiqué, le recteur de la Grande mosquée de Paris "condamne fermement" les propos de Mahjoub Mahjoubi, qui "vont à l'encontre des principes fondamentaux de coexistence pacifique et de respect mutuel" et des "valeurs prônées" par l'islam. "Nous soutenons pleinement les mesures prises par les autorités compétentes pour réagir à de tels discours haineux et pour protéger notre société contre toute forme d'incitation à la violence ou à la division", écrit le recteur Chems-eddine Hafiz.

Le maire de Bagnols-sur-Cèze se dit lui "surpris" : "C’est un imam que je connais depuis une dizaine d’années, je suis complètement abasourdi", lâche Jean-Yves Chapelet, qui réclame désormais des sanctions.

"J'ai fait un lapsus"

Lundi sur France Bleu Gard Lozère, l'imam prend la parole pour se défendre : "Je ne parlais en aucun cas du drapeau français", explique-t-il, assurant qu'il dénonçait les rivalités entre supporters lors de la récente Coupe d'Afrique des Nations (CAN). "Je parlais d'une communauté bien précise qui est la communauté maghrébine, et surtout de la CAN, parce que je parle des stades, et de tous ces drapeaux qu'on lève dans les stades et qui divisent les musulmans (...) J'ai fait un lapsus, ce n'est pas une erreur, parce qu'une erreur, c'est volontaire. J'ai fait un lapsus dans mon discours, parce que je ne suis pas Voltaire, ni Victor Hugo malheureusement. Au lieu de dire 'tous ces drapeaux multicolores' ou 'de différentes couleurs', j'ai dit 'tricolores'".

Mahjoub Mahjoubi insiste : "La vidéo dans son intégralité et le sujet n'ont rien à voir avec cette propagande et l'amalgame qu'on est en train de faire", affirme-t-il. "J'ai toujours défendu la République. Depuis des années, on me fait des louanges parce que je défends la République, je défends le blasphème, j'ai défendu Samuel Paty (...) et là, je fais un lapsus sur le mot tricolore, et on me descend, on demande mon expulsion", regrette-t-il.

"Plusieurs prêches" analysés

Argument battu en brèche par le préfet du Gard : "Quand j'entends parler d'un lapsus à propos du drapeau, j'ai envie de dire que c'est un lapsus qui dure plusieurs dizaines de minutes", balaie Jérôme Bonet mardi matin sur franceinfo. Selon le préfet, les propos incriminés vont d'ailleurs plus loin : "Il y a plusieurs dizaines de minutes de prêches qui ont été analysés par les services spécialisés et qui recèlent bien d'autres choses que ce pseudo-lapsus", "qui tiennent également à la place de la femme, du peuple juif qu'il désigne comme un ennemi (...) On est sur des contenus qui remettent fondamentalement en cause nos valeurs", a insisté Jérôme Bonet.

"Ce n'est pas que cet extrait de vidéo qui a justifié la réaction du ministre de l'Intérieur, c'est un suivi qui date de plusieurs mois", poursuit le préfet. Jérôme Bonet dit avoir constaté une "dérive" dans "plusieurs prêches récents" qui "recèlent dans leur contenu un certain nombre d'infractions susceptibles d'être poursuivies. C'est pour ça que je les ai signalées au procureur de la République vendredi dernier", a-t-il justifié, avant de s'interroger : "Doit-on maintenir sur notre territoire des gens qui tiennent des propos, qui contestent à ce point nos valeurs ?"

L'imam "s'inscrit en faux"

Mardi, également sur franceinfo, l'avocat de Mahjoub Mahjoubi affirme que son client "ne comprend pas les allusions proférées par le préfet du Gard et s'inscrit en faux concernant ces allégations"indique Me Samir Hamroun"Nous apprenons les bras ballants qu'il aurait tenu des propos contre nos compatriotes de confession juive. Ça n'a jamais existé", martèle l'avocat de l'imam.

L'avocat affirme que les propos tenus pas son client l'ont été dans le cadre d'une série de prêches "sur les signes de la fin des temps", mais "il n'y a jamais eu aucun propos qui découle d'une haine de nos compatriotes de confession juive comme étant des personnes qui sont nuisibles aux autres", affirme-t-il. "Ça serait un scandale, d'ailleurs".

Me Samir Hamroun assure que l'imam de Bagnols-sur-Cèze critiquait en réalité "les dérives du nationalisme, du communautarisme qui se cachent derrière un drapeau, notamment à l'occasion de la coupe d'Afrique des nations". Quant aux prêches portant sur la place de la femme dans la société, "si les services de renseignement veulent faire passer une vision patriarcale qui n'est pas un délit comme étant de la contestation de la place" de la femme, "c'est complètement condamnable", estime-t-il. Selon lui, "les tribunaux ne les suivront pas".

Mardi matin, aucune notification d'ouverture d'une procédure d'expulsion, ni autre document émanant des autorités administratives, ne lui était parvenu, a-t-il assuré, affirmant qu'il ne manquerait pas de contester cette décision "par les voies de recours prévues par la loi".

Mahjoub Mahjoubi présente ses excuses

"Si j'ai blessé, si j'ai heurté, je m'excuse auprès de la population que j'ai blessée", a déclaré plus tard ce mardi, toujours sur franceinfo, Mahjoud Mahjoubi. "Si j'ai heurté la sensibilité de beaucoup de personnes en pensant que j'ai insulté le drapeau français, ce qui n'était pas mon intention, je leur présente mes excuses", a déclaré l'imam. "Si ça devait être à refaire pour ne pas avoir toute cette tempête médiatique, je ne l'aurais jamais fait".

"Si monsieur Darmanin décide de m'expulser dans mon pays, j'y retournerai, mais je regretterai énormément, je garderai quarante ans de souvenirs de ce pays que j'aime, que je défendrai avec mon sang et mon âme", a-t-il poursuivi, évoquant une "injustice". "Je continuerai à aimer la France.* Je dirai que j'ai été expulsé à cause d'un lapsus",* maintient-il, sans évoquer les autres prêches incriminés.

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