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Un historien grenoblois reconstitue la première ascension du Mont Aiguille en 1492

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Le capitaine Antoine De Ville, mandaté par le Roi de France, avait utilisé de très nombreuses échelles. Stéphane Gal, enseignant-chercheur à l'Université Grenoble-Alpes (UGA) et adepte d'une "archéologie expérimentale" veut se rapprocher le plus possible de la réalité de l'époque.

Stéphane Gal est enseignant-chercheur à l'Université Grenoble-Alpes ; il va utiliser ce type d'échelle pour le Mont Aiguille Stéphane Gal est enseignant-chercheur à l'Université Grenoble-Alpes ; il va utiliser ce type d'échelle pour le Mont Aiguille
Stéphane Gal est enseignant-chercheur à l'Université Grenoble-Alpes ; il va utiliser ce type d'échelle pour le Mont Aiguille © Radio France - Lionel Cariou

On l'avait vu, avec d'autres "reconstitutionnistes", traverser les Alpes à cheval et en armure à la manière des chevaliers de François Ier partis guerroyer à Marignan, près de Milan - vous connaissez la date je crois. Il voulait éprouver dans sa chair ce que 40.000 hommes avaient enduré sur le chemin escarpé les menant au champ de bataille. Spécialiste de l'époque moderne, qui commence à la fin du Moyen-Âge, Stéphane Gal veut aujourd'hui reconstituer une prise symbolique : l'ascension du Mont Aiguille le 26 juin 1492. 

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"La raison première est politique, explique l'historien, enseignant-chercheur à l'UGA. C'est le roi Charles VIII qui, impressionné par cette montagne dite inaccessible, a souhaité savoir s'il n'était pas possible de la prendre. Et à l'époque, qui était capable de prendre une telle montagne, de s'attaquer à une telle verticalité ? Un capitaine, donc un homme de guerre, entouré 'd'écheleurs', c'est-à-dire de spécialistes des échelles et des assauts par échelles, de charpentiers, de tailleurs de pierre, qui se sont lancés à l'assaut de cette montagne et qui ont prouvé que rien n'était impossible, rien n'était inaccessible au Roi de France." 

Le mont Aiguille (2 086 m) depuis les hauts-plateaux du Vercors
Le mont Aiguille (2 086 m) depuis les hauts-plateaux du Vercors © Radio France - Lionel Cariou

Il faut les imaginer ces hommes, sous le commandement du capitaine Antoine De Ville, élaborer un système complexe d'échelles, de passerelles, de plateformes, d'échafaudages, se frayant un chemin vertical dans cette canine de calcaire plantée au milieu du Trièves. Mais plutôt que d'imaginer Antoine De Ville, justement, Stéphane Gal préfère se glisser dans son habit. Il ne fait pas le moine, certes, mais il fait l'historien "expérimental". Il l'aide à se rapprocher le plus possible de la réalité des faits. 

"L'idée c'est de sortir des livres pour comprendre ce que les livres ne disent pas, explique Stéphane Gal, et cela on peut le faire en prenant la montagne comme une sorte de grand laboratoire, un espace expérimental qui permet de confronter nos connaissances avec le terrain. C'est une démarche spécifique au Labex-ITTEM (laboratoire de recherche en sciences humaines et sociales, ndlr) avec lequel je travaille à l'Université Grenoble-Alpes." L'historien travaille aussi avec les spécialistes en biomécanique du GIPSA-Lab pour étudier la gestuelle. 

"Reconstituer les sensations"

Cette reconstitution va se faire en deux temps. Première étape, ce lundi 30 mai : une ascension par la voie normale, en tenues d'époque. L'armure restera au placard, Antoine De Ville et ses hommes n'en portaient pas, aucun ennemi ne les attendant au sommet. Ce sera donc plutôt "des tenues d'époque en lin, en laine, en cuir, avec des chaussures tout cuir, éventuellement des crampons". Sans oublier le bâton ferré des chasseurs de chamois, tout cela pour "reconstituer les sensations" qu'ont pu éprouver les premiers ascensionnistes de 1492. Stéphane et son équipe - une dizaine de personnes - vont également procéder à des tests visuels et sonores. 

Antoine De Ville avait fait planter des croix au sommet. Stéphane Gal, qui ne veut sans doute pas transformer  son ascension en calvaire, se contentera de drapeaux pour répondre à cette question : à quelle distance a-t-on pu apercevoir le capitaine du Roi au sommet de la citadelle imprenable ce 26 juin 1492 ? Un huissier s'était déplacé au pied de la montagne pour authentifier l'exploit. A-t-il pu échanger quelques mots avec Antoine De Ville depuis le bas ? Là encore l'historien fact-checker veut essayer de reconstituer l'événement avec le plus de précision possible. 

Modélisation 3D du Mont Aiguille

Puis dans quelques jours Stéphane Gal et son équipe reviendront avec les échelles confectionnées localement (par le charpentier Durand de Chichilanne, et Alain Faure de Mens) à partir de l'iconographie de l'époque. Des sources parlent de deux kilomètres d'échelles - ce qui parait très exagéré étant donné que la paroi est haute de 250 mètres. Les historiens n'équiperont qu'une partie de la la montagne : l'objectif est avant tout d'essayer de comprendre comment ils s'y sont pris pour élaborer le système d'échafaudages qui leur a permis de gagner le sommet. "Parallèlement se fait une modélisation 3D du Mont Aiguille par photogrammétrie, précise Stéphane Gal. On va pouvoir plaquer sur cette modélisation la portion d'ascension que l'on va faire, et ainsi reconstituer virtuellement la totalité de l'ascension." 

L'itinéraire exact de 1492 reste un mystère

Restera cependant un mystère : quel itinéraire exact Antoine De Ville et ses compagnons ont-ils emprunté ? "On ne le sait pas, il n'y a plus aucune trace aujourd'hui" explique l'historien. Quelque part dans le secteur "des tubulaires", la voie de descente actuelle ? On ne peut que faire des suppositions. D'autant que la montagne a peut-être - sans-doute - changé de physionomie en raison de l'érosion. Mais pourquoi Antoine De Ville n'a-t-il pas emprunté la voie normale aujourd'hui très parcourue, y compris par des grimpeurs peu expérimentés et qui ne comporte pas de grande difficulté technique ? 

Gare à l'anachronisme ! Le capitaine n'était pas un alpiniste au sens où nous l'entendons... "Ces hommes ne pensaient pas la verticalité tout à fait comme nous, note Stéphane Gal. D'abord ils la pensaient comme un mur, et ils ne la pensaient pas avec des cordes, des pitons, ou simplement l'escalade à mains nues comme on le fait aujourd'hui, ils pensaient avant tout à une escalade avec des échelles." 

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