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Les patients d’une médecin non-vaccinée se mobilisent à Bédarieux pour dénoncer une radiation jugée abusive

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Un collectif de patients se mobilise à Bédarieux après la radiation de leur médecin généraliste. L'Assurance maladie de l'Hérault lui demande d'enlever sa plaque. La professionnelle de santé, suspendue depuis octobre, espérait reprendre. Cette décision brutale passe difficilement en zone rurale.

Des patients réunis ce mercredi soir devant le cabinet médical d'Annie Labadie à Bédarieux Des patients réunis ce mercredi soir devant le cabinet médical d'Annie Labadie à Bédarieux
Des patients réunis ce mercredi soir devant le cabinet médical d'Annie Labadie à Bédarieux © Radio France - Gilles Chauveau

"Pendant une semaine, j'ai ressenti une énorme souffrance. Une douleur immense en découvrant que j'étais radiée de l'Assurance maladie", confie Annie Labadie, médecin généraliste depuis 25 ans à Bédarieux au nord de Béziers. Dans un courrier envoyé début avril, l'Assurance maladie de l'Hérault lui demande d'enlever sa plaque de médecin à l'entrée de son cabinet et de restituer l'ensemble des éléments portant son immatriculation professionnelle et les feuilles de soins. "Ce courrier a été la douche froide", confie cette dernière avec beaucoup de courage à France Bleu Hérault. 

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"Nous avons bien enregistré votre cessation d'activité libérale dans le fichier national des professionnels de santé" écrit l'organisme. "En aucun cas je n'ai cessé mon activité. Je ne pouvais plus exercer pour le moment. Je respecte la loi, mais là, cette décision tombe comme un couperet. C'est la guillotine !" 

Ce courrier (voir ci-dessous) est la suite de son refus de se faire vacciner contre la Covid-19. Depuis octobre, Annie Labadie ne pouvait donc plus exercer. Elle était suspendue comme d'autres, mais la toute jeune sexagénaire espérait bien poursuivre son activité.

"Je n'ai jamais pensé un seul instant que je terminerais ma carrière professionnelle à 60 ans. Je pensais poursuivre mon activité au moins jusqu'à mes 70 ans. Il manque tellement de médecins en zone rurale."

"Ayant eu la Covid-19 et ayant beaucoup regardé l'immunité naturelle, je savais que je pouvais compter dessus. Et j'espérais avec le temps que ce serait reconnu plus tard par la science et l'observation du devenir. J'avais aussi en mémoire la grippe espagnole, dont on parle encore. Ce scénario catastrophe est dans la tête de tous les médecins de santé publique. Et cette population qui n'avait aucun médicament, en temps de guerre, est arrivée à dépasser cette maladie, bien plus mortelle que celle que nous constatons."

"La bureaucratie devient la bourreaucratie."

"En m'arrêtant conformément à la loi, j'espérais que dans les mois qui allaient venir, on allait éclairer autrement l'évolution médicale et que chacun pourrait reprendre son poste. En responsabilité. Si je suis malade, je reste chez moi. Dans le cas contraire, je fais mon métier."

"Cette décision est brutale. Imaginez ce que représentent 26 ans de métier. C'est disproportionné. Ce n'est pas logique. Et je dois être à mon poste quand il y a une crise sanitaire."

Courrier envoyé par l'Assurance Maladie de l'Hérault
Courrier envoyé par l'Assurance Maladie de l'Hérault - Stéfane Pocher

Annie Labadie avait bien l'intention de se plier à cette décision. Elle a donc commencé par prévenir ses 1.500 patients. Mais très rapidement, cette décision radicale est jugée disproportionnée et abusive par certains d'entre eux. Ils décident alors de constituer un collectif. 

En octobre dernier, ses patients s'étaient déjà mobilisés : une pétition signée par 600 personnes avait été réalisée mais sans réaction politique. Cette fois, ils ont l'intention d'aller plus loin.

"Je suis révoltée. J'ai de la chance, je suis en bonne santé" dit Virginie, écrivain âgée 68 ans. "Ce n'est pas le cas de tout le monde. Mon mari a 80 ans, il est en très mauvaise santé, il n'a pas de médecin. Ma voisine, 70 ans, est dans la même situation. Il y a un manque important de médecins en zone rurale. Et que font l'Assurance maladie et l'Agence régionale de santé ?"

"L'Assurance maladie et l'ARS prétendent assurer la santé publique ? Que se passe t-il dans la réalité de leurs actes ? J'attends avec impatience les prochaines élections qui vont bouter ces gens-là hors du gouvernement !"

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Annie Labadie s'apprête ce vendredi à vider son cabinet. "J'ai la boule au ventre rien que de retirer ma plaque professionnelle à l'entrée. C’est une douleur inimaginable" conclut-elle. "Je suis touchée par cette mobilisation extraordinaire. Elle démontre combien nous représentons pour eux". 

Ses patients s'organisent et ont bien l'intention de solliciter les élus locaux. Des courriers pourraient être envoyés aux députés héraultais sortants et à l'ensemble des candidats aux prochaines législatives en juin, quelle que soit leur couleur politique.

"Ils jouent à quoi en nous privant de cette liberté d'avoir un médecin dans une zone en difficulté" dit Antoinette, enseignante de 58 ans_. "Elle a toujours respecté le serment d’Hippocrate. Nous ne laisserons pas passer. Nous sommes plusieurs à nous mobiliser. Nous n'avons_ pas le droit de la laisser tomber. Cette femme ne nous a jamais laissé tomber quand l'un d'entre nous était malade."

"J'estime que c'est ma liberté de choisir un médecin vacciné ou pas. C'est mon problème." - Antoinette

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"Je traverserais la Manche, je pourrais travailler. Là-bas, les soignants peuvent exercer. Il n'y a rien de médical, rien de raisonnable dans cette manière de sanctionner." - Annie Labadie

"Si je suis malade je reste chez moi. Vaccinée, pas vaccinée, cela n'a pas de sens. Cela n'empêche pas de tomber malade. Selon les pays, la gestion est différente. Moi, médecin, je porte la médecine et c'est moi qu'on décapite. C'est très inquiétant. Il y a deux ans, la non-assistance à personne en danger, le refus de soigner, le fait de dévoyer le secret médical, c'était une faute professionnelle et des sanctions disciplinaires légitimes. Je n'ai réalisé aucune faute professionnelle. J'ai toujours soigné les patients malades, Covid ou pas."

Annie Labadie, s'est rapprochée d'un avocat. Une action juridique est en cours.

Le cas d'Annie, n'est pas isolé dans l'Hérault. Malgré nos sollicitions, l'Assurance maladie n'a pas été en mesure de nous préciser le nombre de médecins suspendus depuis octobre 2021 dans le département pour avoir refusé de se faire vacciner contre le coronavirus. En novembre 2021, sur les 374.000 médecins exerçants en France, 1.350 avaient interdiction d'exercer. Et 15.000 soignants sont encore aujourd'hui sans salaire pour avoir refusé de se faire tester avant de venir travailler.

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