Antibiotiques : une enquête ouverte sur les effets indésirables des fluoroquinolones, parfois prescrits abusivement

Des patients qui se voient prescrire des antibiotiques aux effets secondaires potentiellement graves et invalidants, alors qu'il n'en ont pas besoin, et qui subissent des "effets indésirables anormaux". Voici la teneur de la vingtaine de plaintes reçues par le pôle santé publique du parquet de Paris, qui a décidé d'ouvrir une enquête pour blessures involontaires et tromperie, dévoile franceinfo ce mercredi.

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Oflocet, Ciflox ou Tavanic

Les plaintes émanent de personnes qui ont pris des antibiotiques particuliers, de la classe des fluoroquinolones : ces médicaments peuvent être utilisés lors d'infections bactériennes graves, et sont commercialisés sous différents noms : Oflocet, Ciflox ou Tavanic*.*

En 2023, une association de patients dénonçait sur franceinfo "six millions d'empoisonnements en France en quatre ans" par les fluoroquinolones, notamment en raison de prescriptions abusives lors d'infections bénignes comme des cystites, des otites ou des sinusites. Des patients dont la santé a été gravement dégradée demandaient à la justice d'ouvrir une enquête pénale sur la responsabilité des autorités de santé.

Parmi les patients, Jean-Baptiste avait raconté à franceinfo avoir pris l'un de ces fluoroquinolones, de l'ofloxacine, que son médecin lui avait prescrit pour un simple soupçon de prostatite. Dans les semaines qui ont suivi, sa santé s'est dégradé. Il ressent des picotements, insomnies, douleurs dans les jambes et les bras, au point de ne plus pouvoir marcher. Un autre malade, Philippe Coville, souffre de graves neuropathies, après avoir pris des fluoroquinolones en 2021 pour une simple infection urinaire, là encore en dehors des recommandations médicales pour ce type de médicaments. Il a depuis créé cette association d'aide et d’information aux victimes sur les effets délétères des fluoroquinolones. Il a ouvert, avec d’autres victimes, un groupe Facebook qui rassemble près de 800 personnes.

Atteinte du système nerveux, troubles psychiatriques, inflammation des tendons...

Une étude de l'Agence européenne du médicament (EMA) confirmait, en 2023, que plus des deux tiers des precriptions en France sont faites pour des indications non prévues par les recommandations. "Compte tenu de la gravité de certains de ces effets, comme une atteinte du système nerveux, des troubles neuropsychiatriques, une affection du système musculo-squelettique (douleurs et gonflements au niveau des articulations, inflammation voire rupture des tendons, douleurs et/ou faiblesse au niveau des muscles), et de leur caractère durable dans le temps, invalidant et potentiellement irréversible, l'EMA a réévalué en 2018-2019 le rapport bénéfice/risque des fluoroquinolones. Cette réévaluation a conduit notamment à restreindre leurs indications thérapeutiques et à actualiser leur profil de sécurité d’emploi."

Des consignes envoyées aux professionnels de santé

En 2023, la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) a appellé le ministère de la Santé à mettre en place un dispositif pour que les médecins justifient chaque prescription de fluoroquinolones. "Dans les cas d'infections urinaires, dans les sinusites, on ne devrait plus voir une seule prescription de fluoroquinolones", avait affirmé à franceinfo Mathieu Molimard, professeur au CHU de Rouen et responsable de la communication de la SFPT.

Contacté par franceinfo, le ministère de la Santé avait expliqué avoir publié un dossier thématique sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), et avoir demandé que des messages apparaissent dans les logiciels d’aide à la prescription. Un message d’alerte ainsi que des e-mails avaient également été envoyé en mars à l’ensemble des pharmacies de ville et à l’hôpital, et à "l'ensemble des professionnels de santé pouvant prescrire ces antibiotiques". Le ministère avait assuré à franceinfo que la recommandation de la Haute autorité de santé (HAS) était "en cours d’ajustement pour que les fluoroquinolones ne soient plus prescrits dans les cystites simples de l’homme comme c’est déjà prévu dans la cystite simple de la femme".