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Laurent Fabius à Toulouse : "Le Conseil constitutionnel ne fait pas de la politique, il fait du droit"

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Laurent Fabius est à Toulouse ce mercredi 13 mars 2024 à l'occasion de la délocalisation du Conseil constitutionnel qu'il préside depuis 2016 à la cour administrative d'appel. L'ancien Premier ministre était dans les studios de France Bleu Occitanie pour répondre aux auditeurs.

Depuis 2019, le Conseil constitutionnel a pris l'habitude de délocaliser régulièrement ses séances en régions. Ce 13 mars 2024, les Sages siègent à la cour administrative d'appel de Toulouse, pour une séance publique à 15h durant laquelle deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) lui seront posées. Le président du Conseil constitutionnel depuis huit ans, ancien Premier ministre, ancien ministre des Affaires étrangères et de l'économie, Laurent Fabius s'est avant cela arrêté dans le studio de France Bleu et France 3 Occitanie.

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France Bleu Occitanie : Rappelons si vous le voulez bien ce qu'est le Conseil constitutionnel. En résumé, vous dites si une loi est constitutionnelle ou pas, c'est bien cela ?

Laurent Fabius : Exactement. La Constitution, c'est la loi des lois. Les parlementaires votent la loi, mais au-dessus de la loi, il y a un certain nombre de principes, et ça s'appelle la Constitution. Et il y a un organisme, c'est le Conseil constitutionnel composé de neuf personnes, qui vérifie si les lois sont ou non conformes à la Constitution. Il peut être saisi par tous les citoyens désormais, cela s'appelle la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), ou alors par les parlementaires pour savoir si les lois sont conformes à la Constitution ou pas. Alors évidemment, dans l'actualité, on a beaucoup parlé de ça parce qu'on a été saisi sur la loi sur les retraites, l'immigration, etc. On a le rôle d'une espèce de super juge de la loi par rapport à la Constitution.

Pourquoi êtes-vous à Toulouse ce 13 mars ?

D'habitude, on siège à Paris. Mais j'ai pensé que pour mieux faire connaître notre institution et les droits des citoyens, c'était bien de siéger de temps en temps en région. Donc cette fois-ci, on est à Toulouse et cet après-midi à la cour administrative d'appel, on va examiner deux questions prioritaires de constitutionnalité qui ont été posées par des citoyens ou par des associations.

L'une est est assez technique, elle porte sur la fiscalité locale. L'autre est plus facilement compréhensible. Je ne sais pas si vous vous souvenez du "Ségur de la Santé". Il y a eu des problèmes, notamment financiers pour le personnel et donc il y a eu un accord puis ensuite une loi pour donner une prime à des employés dans le secteur de la santé, mais cette prime complémentaire n'a pas été donnée à tous les employés. Et donc la Fédération hospitalière a protesté contre cela, elle a déposé une question prioritaire de constitutionnalité, et c'est remonté jusqu'au Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat nous renvoie cette question qu'on va examiner aujourd'hui et qu'ensuite on va juger. Si on dit que la loi est conforme à la Constitution, cela s'arrête. Si on dit que la loi n'est pas conforme à la Constitution, cela veut dire qu'il faut refaire la loi pour ces employés qui n'ont pas jusqu'à présent reçu la prime.

C'est très technique. Faut-il avoir une formation juridique pour assister à vos séances et les comprendre ?

Le droit est compliqué mais il est absolument fondamental car le droit est partout, lorsque vous louez un appartement, lorsque vous avez un contrat de travail, etc. Et donc on essaie de faire tout un effort pour augmenter la culture constitutionnelle. En vous quittant et avant de tenir cette audience, nous allons aller dans deux lycées de Toulouse (Saint-Sernin et Toulouse-Lautrec) faire une heure ou deux d'instruction civique avec les jeunes et on prend toute une série d'initiatives pour que les gens connaissent leurs droits.

Les questions des auditeurs à Laurent Fabius

Agnès Grillou de la Fédération des Motards en Colère 31 appelle au standard pour questionner Laurent Fabius : À partir du 15 avril, le décret d'application du contrôle technique des deux-roues entre en vigueur. Nous avons fait un recours auprès du Conseil d'État, qui a été retoqué, un deuxième recours est en cours. Quel est le lien de subordination  entre Conseil d'État et Conseil constitutionnel ? Serait-il pertinent de saisir le Conseil constitutionnel ?

Vous posez une question précise, est-ce qu'il y a une hiérarchie entre le Conseil d'Etat et le Conseil ? La réponse est non. Mais nous avons quand même des relations précises. Par exemple, dans votre cas, vous avez attaqué un décret en estimant qu'il n'était pas correct. Je ne sais pas si oui ou non vous avez mis en avant une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil d'Etat regarde si votre question est sérieuse ou pas. S'il estime qu'elle est sérieuse, il nous la renvoie pour que nous la jugions. La question est de savoir si une loi est conforme ou non à la Constitution. Donc pour résumer, il n'y a pas d'irrigation entre les deux, mais le Conseil d'Etat peut, si vous posez une QPC, nous renvoyer la question. Et la décision du Conseil constitutionnel s'applique à toutes les autorités françaises.

Sylvie, une auditrice de Toulouse pose à son tour une question à Laurent Fabius : Pour quelle raison le Conseil constitutionnel n'a pas jugé recevable la question qui lui a été posé lors de la mise en place du confinement, sur la légalité du confinement ?

Alors on a eu beaucoup de questions qui nous ont été posées sur le Covid. Le problème qui était posé à peu près à chaque fois, c'est que d'un côté, toute une série de décisions qui étaient prises limitaient la liberté d'aller et venir, mais de l'autre côté, les lois ont une obligation de respecter la santé. Donc il y avait une appréciation à faire. Est-ce qu'il y a une bonne conciliation entre d'un côté les atteintes à la liberté d'aller et venir et de l'autre, la nécessité de protéger la santé ? Dans certains cas, nous avons dit que la loi était parfaitement correcte. Dans d'autres cas, nous avons dit que le législateur était allé trop loin. C'est à chaque fois notre rôle d'apprécier si oui ou non la loi est conforme aux grands principes de la Constitution.

France Bleu Occitanie : On vous accuse régulièrement d'être devenu un organe politisé. Comment faites vous pour éviter ça? Et que répondez vous à ces critiques-là?

On a été saisi de la loi sur les retraites. Le Conseil a décidé de juger la loi sur les retraites conforme à la Constitution. Alors, à ce moment-là, toute une série de gens ont dit "Vous êtes de droite". Ensuite, le même Conseil, au début de l'année, a été saisi de la loi sur l'immigration et on a décidé qu'il fallait annuler un certain nombre de décisions. On a entendu "Vous êtes de gauche !". La réalité, c'est que nous ne faisons pas de la politique, nous faisons du droit. Et mon vieil ami regretté Robert Badinter, qui a été président du Conseil avant moi, avait une formule excellente : "toute loi inconstitutionnelle est mauvaise, mais toute loi mauvaise n'est pas inconstitutionnelle". C'est-à-dire qu'on ne regarde pas l'orientation politique, on regarde si oui ou non la loi qui nous est déférée est conforme ou pas à la Constitution, quelles que soient nos opinions. Donc on fait du droit.

Votre mandat s'arrête en mars 2025. Qu'allez-vous faire par la suite ?

J'ai la chance immense d'avoir dirigé l'exécutif, d'avoir présidé l'Assemblée nationale et maintenant de présider le Conseil constitutionnel. Donc j'ai une certaine expérience et j'espère qu'elle sera mise au profit du bien public, puisque c'est ça qui m'a guidé toute ma vie. Et puis, une confidence, j'adore la peinture et je ferai pas mal de peinture.

Laurent Fabius reviendra à Toulouse le 21 mars pour une conférence sur le rôle du Conseil constitutionnel dans els débats d'actualité, à l'Université Toulouse Capitole, à partir de 10h.

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