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Emmanuel Macron reçoit le prince héritier saoudien, quatre ans après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi

- Mis à jour le
Par
  • France Bleu

Quatre ans après l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, le prince héritier Mohammed ben Salmane dîne ce jeudi avec Emmanuel Macron à Paris. Une visite qui indigne les défenseurs des droits de l'Homme, mais qui est jugée indispensable pour la France en pleine crise énergétique.

Le prince héritier Mohammed Ben Salmane et Emmanuel Macron à Jeddah, en Arabie Saoudite, en décembre dernier. Le prince héritier Mohammed Ben Salmane et Emmanuel Macron à Jeddah, en Arabie Saoudite, en décembre dernier.
Le prince héritier Mohammed Ben Salmane et Emmanuel Macron à Jeddah, en Arabie Saoudite, en décembre dernier. © AFP - Bandar AL-JALOUD/Saudi Royal Palace

Quatre ans après l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, critique envers le pouvoir et dont le meurtre a été commandité par l'Arabie Saoudite en 2018, le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, dîne officiellement avec Emmanuel Macron ce jeudi. Le prince héritier, surnommé "MBS", est en pleine réhabilitation sur la scène diplomatique. Un retour à la faveur de la crise énergétique et de la flambée des prix provoquée par la guerre en Ukraine, alors que l'Arabie Saoudite est l'un des plus importants producteurs de pétrole au monde. Deux semaines après la visite du président américain Joe Biden en Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane dîne donc à l'Elysée ce jeudi. Un accueil en grande pompe qui suscite la colère des défenseurs des droits de l'Homme. 

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Mohammed ben Salmane, surnommé "MBS", avait été ostracisé par les pays occidentaux, après le meurtre en 2018 du journaliste saoudien critique Jamal Khashoggi au consulat de son pays à Istanbul. Les services de renseignement américains avaient pointé la responsabilité de Mohammed ben Salmane dans l'assassinat de Jamal Khashoggi.

La fiancée de Jamal Khashoggi "scandalisée" 

La fiancée du journaliste Jamal Khashoggi s'est dite "scandalisée" de cette visite. "Je suis scandalisée et outrée qu'Emmanuel Macron reçoive avec tous les honneurs le bourreau de mon fiancé", a affirmé Hatice Cengiz dans un message adressé à l'AFP.

"Mohammed Bern Salmane n'est autre qu'un tueur", déplore une ex-rapporteure spéciale de l'ONU sur les exécutions 

Logiquement, ce premier déplacement de MBS au sein de l'Union européenne passe également mal chez les défenseurs des droits de l'Homme. "La visite de MBS en France et de Joe Biden en Arabie saoudite ne changent rien au fait que MBS n'est autre qu'un tueur", a déploré auprès de l'AFP Agnès Callamard, qui avait mené une enquête sur l'assassinat de Jamal Khashoggi lorsqu'elle était rapporteure spéciale de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires. 

Et la directrice pour la France de Human Rights Watch, Bénédicte Jeannerod, a taclé sur Twitter : "MBS peut apparemment compter sur Emmanuel Macron pour le réhabiliter sur la scène internationale malgré le meurtre atroce du journaliste Jamal Khashoggi, la répression impitoyable des autorités saoudiennes contre toute critique, les crimes de guerre au Yémen". 

Son retour en grâce auprès de chefs d'Etat occidentaux est "d'autant plus choquant que nombre d'entre eux ont exprimé à l'époque leur dégoût (pour le meurtre) et leur engagement à ne pas ramener MBS dans la communauté internationale", a-t-elle ajouté, dénonçant "deux poids, deux mesures". 

L'ancien candidat à la présidentielle d'EELV Yannick Jadot a également dénoncé cette visite officielle. "Au menu du dîner entre Emmanuel Macron et MBS le corps démembré du journaliste Khashoggi ? Le chaos climatique ? La paix et les droits humains ? Le jour du dépassement ? Non ! Du pétrole et des armes ! L'exact opposé de ce qu'il faut faire !", a-t-il dénoncé sur Twitter.

L'Arabie Saoudite, devenue incontournable avec la crise énergétique

Mais moins de quatre ans après l'affaire Khashoggi, l**'invasion de l'Ukraine par la Russie a provoqué une flambée des prix de l'énergie**. Les pays occidentaux cherchent en fait à convaincre l'Arabie Saoudite, premier exportateur de pétrole brut, d'ouvrir les vannes pour soulager les marchés et limiter l'inflation.

"Je crois qu'il est important que le président de la République française puisse recevoir un certain nombre de ceux qui sont de facto ses interlocuteurs, d'autant plus dans le contexte que l'on connaît, lié à la crise ukrainienne et aux enjeux énergétiques majeurs que nous avons", a défendu sur franceinfo Aurore Bergé, la cheffe de file des députés Renaissance (ex-LREM).  "Discuter avec l'ensemble des pays du Golfe me paraît une nécessité absolue, ça ne veut pas dire que vous oubliez les sujets qui sont essentiels en termes de valeurs et de droits de l'Homme, mais vous avez la nécessité d'entretenir évidemment un dialogue", a-t-elle ajouté.

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"L'Arabie saoudite est incontournable et l'est encore plus aujourd'hui avec la crise ukrainienne", a jugé ce jeudi sur franceinfo Georges Malbrunot, grand reporter pour le Figaro et spécialiste du Moyen-Orient. "Les Occidentaux ont besoin que l'Arabie Saoudite, un des principaux pays exportateurs et producteurs de pétrole, augmente sa production", a-t-il expliqué.  Mais "on risque d'être déçu parce que l'Arabie saoudite est tenue par certains engagements pris dans le cadre de l'Opep, dans laquelle se trouve la Russie de Vladimir Poutine et avec laquelle l'Arabie saoudite entretient de bonnes relations", précise le journaliste.

"Surtout, l'Arabie saoudite n'a pas assez investi ces dernières années dans ses structures de production de pétrole pour pouvoir faire passer sa production de 10 millions de barils par jour à 13 millions", assure Georges Malbrunot. 

On ne peut pas se recroqueviller dans sa tour d'ivoire et dire qu'au nom des valeurs, on ne reçoit pas ce monsieur - Georges Malbrunot

Selon le journaliste, cette rencontre est "de la realpolitik froide ", car**, malgré les interrogations qu'elle suscite sur la question des droits de l'Homme,** l'Arabie saoudite est "incontournable compte tenu de son poids pétrolier, financier".  "C'est un pays qui sera dirigé par Mohammed ben Salmane pendant 40 ans. C'est quelqu'un qui va imprimer sa marque sur le Moyen-Orient pendant trois décennies. On ne peut pas se recroqueviller dans sa tour d'ivoire et dire qu'au nom des valeurs, on ne reçoit pas ce monsieur", juge Georges Malbrunot.

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