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Un ex-capitaine de police condamné à deux ans de prison avec sursis à Béziers, un arsenal de guerre retrouvé chez lui

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INFO FRANCE BLEU. Un stock important d'armes a été retrouvé par hasard fin 2022 au domicile d'un officier de police aujourd'hui à la retraite : plus d'une tonne de munitions, des obus et des grenades étaient stockés chez lui, proche de Bédarieux (Hérault). Il était jugé ce vendredi à Béziers.

Illustration Avocat Béziers Illustration Avocat Béziers
Illustration Avocat Béziers © Radio France - Stéfane Pocher

"Ça vaut le coup de regarder les photos pour vous donner une idée de la quantité impressionnante d'armes retrouvées". Cette petite phrase de Nadège Larochette, la présidente d'audience du tribunal de Béziers, à ses assesseurs en dit long sur la saisie surprenante réalisée à l'automne 2022 dans l'Hérault, le Gard et le département de l'Indre.

Un peu moins de 250 armes dont un pistolet mitrailleur de 9 mm, une dizaine d'obus et grenades, 24 kilos de poudre noire pour garnir les cartouches et plus d'une tonne de munitions ont été retrouvés par hasard par les gendarmes.

Leur propriétaire, un ancien capitaine de police de 67 ans*, qui a exercé une partie de sa carrière dans le Gard. Ce retraité, passionné d'armes à feu est aujourd'hui installé près de Bédarieux, dans l'Hérault.  C'est d'ailleurs chez lui, puis dans une résidence secondaire et chez un couple de voisins de sa mère de 87 ans que les armes étaient entreposées. Les enquêteurs sont tombés par hasard sur cet arsenal suite à une perquisition de son domicile dans le cadre d'une affaire de prostitution de mineur. L’instruction est toujours en cours. Il nie les faits.

Une très grande majorité des armes sont des armes de collection de la première et seconde guerres mondiales, de catégorie B, C et D. Une autorisation administrative était pourtant nécessaire pour une trentaine d'entre elles. Elles sont jugées illégales. C’est pour cette raison notamment que ce père de famille se retrouvait ce vendredi devant le tribunal judiciaire de Béziers. La valeur marchande des armes s'élève entre 130.000 et 210.000 euros selon les estimations.

Une pièce avec portes blindées était dédiée au stockage des armes au rez-de-chaussée du domicile. Le sexagénaire avait aussi aménagé un atelier, bien outillé pour y réparer les armes, ainsi qu'une chambre forte au deuxième étage. “Je suis conscient de la gravité des faits. Je suis un multiple collectionneur d'armes, mais aussi de livres et équipement militaire."

"Vous étiez sur une véritable poudrière !"

"Mais vous êtes un ancien capitaine de police. Vous connaissiez les conséquences d'un tel armement" déplore la présidente. "Vous étiez sur une véritable poudrière. Vous n'avez pas eu conscience de la gravité ? Qu'est-ce qui fait qu'un ancien capitaine de police ait autant d'armes chez lui. Je ne comprends pas les risques pris."

L'ancien militaire (chef de groupe) sans casier judiciaire fait état d'une carrière exemplaire dans la police. Il a notamment été décoré pour avoir sauvé une femme au péril de sa vie après avoir été blessé par balle en région parisienne.

Le prévenu reconnaît les faits, mais réfute les accusations de trafic. "Je n'ai pas cherché à m'enrichir dit-il. Les armes vendues l'ont été uniquement au club de tir dont je suis trésorier. Et uniquement aux licenciés qui ont l'habitude de manipuler les armes.

Aucune d'entre elles ne provient d'un crime, ou d'un quelconque trafic illicite. Elles ne servent pas à alimenter un quelconque réseau. Certains licenciés ont apporté des obus inertes. On ne pouvait pas les garder au club. C'est pour cette raison que je les ai prises chez moi."

"Mais c'est votre truc, les armes. Votre femme dit que c'est votre passion"

L'un de ses comptes bancaires fait apparaître des transactions d'un peu plus de 20.000 euros correspondant à des ventes d'armes et 63 remises de chèque. Les transactions étaient réalisées au centre de tir. "La trentaine d'armes non-réglementaires appartenait à un ami brocanteur aujourd'hui décédé.

Il me les avait confiées parce que j'avais un local sécurisé. À son décès, j'aurais dû les déclarer. Les armes étaient essayées au stand de tir lorsque je les apportais pour les faire découvrir et la finalité, la vente se faisait chez l'armurier. Non, je ne faisais pas de commerce. Je ne suis pas enrichi".

Un témoin assure que le policier vendait des armes depuis une dizaine d'années

Ce passionné d'armes à feu est aussi un collectionneur d'équipements militaires, casques, baïonnettes, et bouquins qu'il revendait. "Oui j'ai fait de la restauration d'armes. Je reconnais, je fabriquais les cartouches pour rendre service, mais ce n'est pas illégal." L'un de ses clients avouera aux enquêteurs en avoir acheté pour plus de 1.000 euros par an.

"La détention de ces armes ne l'a pas été à des fins criminelles ou commerciales"

L'un des obus retrouvé avait été tiré il y a 45 ans alors que le prévenu était en service et est donc inoffensif d'après son avocat, Joris Numa. Les grenades étaient vides, elles avaient déjà été percutées. L'avocat tente de démontrer que son client, en cours de séparation, est un collectionneur depuis la fin des années 90 et reconnu pour ses connaissances sur les armes.

"C'est un véritable arsenal de guerre que l'on a retrouvé chez vous", déplore le parquet qui réclame deux ans de prison dont un an ferme. “Seulement une dizaine d’armes ont été déclarées, toutes les autres sont en infraction. Votre épouse connaissait votre passion. Elle-même dit que vous en faites un commerce. Une dizaine de témoignages affirme que vous vendiez tous les dimanches", insiste Sandrine Beaureau du ministère public.

La défense reconnaît la gravité du dossier, "mais il ne faut pas y donner des proportions disproportionnées qui n'en sont pas. C'est un arsenal de guerre, mais légal" selon Joris Numa. "Seulement une quinzaine d'armes sont détenues illégalement. Il n'y a pas de trafic, ni de réseau, ni de volonté de s'enrichir, ni d'utilisation des armes de manière illicite. Vous avez juste devant vous un passionné et un collectionneur."

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"Évidemment, ça peut faire peur, autant d'armes, mais ce n'est pas l'arme qui est dangereuse quand elle est bien entretenue et si elle bien sécurisée. Mon client avait une chambre forte. Les armes étaient dans des mallettes sécurisées. Ses clients sont des policiers, des gendarmes, des chasseurs, certains à la retraite d'autres en activités. Aucun d'entre eux n'a été poursuivi.

Ce n'est pas illégal de recharger des cartouches. Et comme il vous l'a dit, c'est un ami brocanteur qui lui a confié la trentaine d'armes illicites. Son casier judiciaire est vierge. Il est médaillé pour avoir sauvé quelqu'un. C'est pourquoi je vous demande la relaxe de mon client", insiste le conseil.

La plaidoirie de trois-quarts d'heure aura-t-elle permis de ne pas l'envoyer en prison ? L'ancien capitaine de police est condamné à deux ans de prison avec sursis. Sa crainte était de parti au trou : "J'ai conscience de m'être égaré sur certains points, conscient de ce que j'ai fait."

"Le tribunal n'a pas prononcé de prison ferme, conclut Nadège Larochette, en raison de votre casier judiciaire vierge. Ce qui peut expliquer le sursis. Vos états de service aussi. Mais au vu de la quantité retrouvée, cette peine est justifiée. Vous connaissiez la dangerosité de ces armes et la peine prononcée est une peine symbolique. Et comme peine complémentaire, vous avez interdiction de détenir une arme pendant 10 ans".

Le tribunal judiciaire de Béziers prononce par ailleurs la confiscation des armes de catégorie A,B,C et restitue celles de catégorie D.

* Nous avons fait le choix de ne communiquer ni son nom, ni son ancien commissariat, ni la commune où il réside.

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