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Procès du "tueur de DRH" : qui sont les victimes ?

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Gabriel Fortin est jugé en appel du 13 au 29 mai 2024 pour trois assassinats et une tentative, perpétrés en 2021 en Alsace, dans le Drôme et en Ardèche. Celui qu'on surnomme "le tueur de DRH" est accusé d'avoir tué trois femmes, tandis qu'un homme lui a miraculeusement échappé.

Des bougies déposées en hommage à Estelle Luce, l'une des victimes attribuées à Gabriel Fortin, appelé "le tueur de DRH". Des bougies déposées en hommage à Estelle Luce, l'une des victimes attribuées à Gabriel Fortin, appelé "le tueur de DRH".
Des bougies déposées en hommage à Estelle Luce, l'une des victimes attribuées à Gabriel Fortin, appelé "le tueur de DRH". © Maxppp - Vanessa MEYER

Ils exerçaient un métier en lien avec le monde de l'emploi et des ressources humaines. Trois d'entre eux avaient croisé Gabriel Fortin dans leur vie professionnelle. Ce sont les liens qui relient Estelle Luce, Bertrand Meichel, Patricia Pasquion et Géraldine Caclin, les victimes du "tueur de DRH". Derrière cette formule, un ex-ingénieur de 48 ans, originaire de Nancy, qui comparaît, en appel, du 13 au 29 mai devant les assises de l'Isère, à Grenoble, pour assassinats et tentative. En 2023, en première instance, il avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

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Trois personnes ont été tuées, une quatrième a eu la chance d'échapper au tir du tueur, mais reste marquée à vie. Il y a aussi 30 parties civiles, les proches des victimes, mais aussi leurs employeurs, les entreprises Knauf et Faun, ainsi que Pôle Emploi.

Estelle Luce, la première victime en Alsace

Le 26 janvier 2021, le corps d'Estelle Luce est retrouvé dans sa voiture, garée sur le parking de son entreprise, Knauf, à Wolfgantzen dans le Haut-Rhin. Cette femme de 39 ans, mère de deux petites filles, a reçu quatre balles. L'enquête le révélera plus tard, elle avait croisé la route de Gabriel Fortin en 2006. Stagiaire dans le service des ressources humaines de l'entreprise Francel à Gallardon en Eure-et-Loire, Estelle Luce avait participé à la procédure de licenciement de l'ingénieur, en compagnie de Bertrand Meichel, la victime rescapée du "tueur de DRH".

Marche en hommage à Estelle Luce, le 6 février 2021, à Orschwihr.
Marche en hommage à Estelle Luce, le 6 février 2021, à Orschwihr. © AFP - Sébastien Bozon

A Wolfgantzen, calme village d'un millier d'habitants, cet événement "reste dans les mémoires", selon le maire Jean-Louis Herbaut. Du procès, les habitants attendent des réponses, tout comme à Orschwihr, la commune du vignoble où habitaient Estelle Luce et son compagnon Alain Schmitt. Une marche blanche, le 6 février 2021, avait rassemblé des centaines de personnes. Ses proches décrivent une femme très investie dans son travail, calme et professionnelle.

Knauf, l'entreprise dont Estelle Luce était directrice des ressources humaines, n'a pas souhaité s'exprimer avant le procès. Partie civile, la société souligne le professionnalisme dont faisait preuve sa salariée et ses valeurs humaines. Elle commémore chaque année la mémoire de la jeune femme à la date anniversaire de sa disparition.

Lors du premier procès en 2023, son compagnon en larmes avait dit à la cour : "J'ai eu une chance incroyable de rencontrer Estelle, de vivre avec elle, de vivre avec ses filles".

Bertrand Meichel, le rescapé

Toujours le 26 janvier 2021, moins d'une heure après l'assassinat d'Estelle Luce, un homme se présente au domicile de Bertrand Meichel, à Wattwiller, à une quarantaine de kilomètres du lieu du premier crime. Ce quinquagénaire, cadre des ressources humaines chez General Electric à Belfort, ouvre la porte à un individu qui porte un masque chirurgical et un carton de pizza.

Comme il le raconte ce soir-là à France Bleu Alsace : "Il m'a tiré dessus, il m'a raté d'une dizaine de centimètres". L'arme se serait enrayée, "à partir de là, il a tenté de prendre la fuite, je lui ai couru après, on s'est battu, j'ai été blessé. Il a réussi à monter dans sa voiture". L'agresseur prend la fuite, mais les enquêteurs vont rapidement faire le lien entre les deux premières victimes.

Bertrand Meichel a échappé à Gabriel Fortin, venu le chercher à son domicile de Wattwiller
Bertrand Meichel a échappé à Gabriel Fortin, venu le chercher à son domicile de Wattwiller © AFP - Nicolas Guyonnet

En 2006, Bertrand Meichel, alors DRH chez Francel à Gallardon et sa stagiaire de l'époque Estelle Luce, avaient procédé au licenciement pour faute de Gabriel Fortin. Par la suite, tous les deux avaient fait l'objet d'une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux.

Bertrand Meichel, commotionné dans la bagarre avec son agresseur, et marqué psychologiquement, n'a pas parlé à la presse avant le premier procès. Son témoignage a joué un rôle important dans l'enquête pour identifier Gabriel Fortin et le relier aux autres crimes. Professionnellement, il exerce toujours dans le secteur des ressources humaines,

Lors du premier procès, Bertrand Meichel avait expliqué qu'il s'en voulait de ne pas avoir pu l'arrêter. Il avait aussi expliqué ses craintes pour l'avenir : "J'ai la ferme conviction que le jour où Mr Fortin sortira, dans 20 ans ou 19 ans, il reviendra me voir, il reviendra voir tous les gens qui sont sur sa liste".

Le véhicule dans lequel Gabriel Fortin sera interpellé à Valence, deux jours plus tard, le 28 janvier 2021, les armes utilisées, des traces ADN et ce qui ressort des écrits du "tueur de DRH" : les éléments qui relient l'accusé aux crimes perpétrés en Alsace, dans la Drôme et en Ardèche sont nombreux.

Patricia Pasquion, la conseillère de Pôle emploi, tuée à son bureau

Le parcours meurtrier de Gabriel Fortin, tel que les enquêteurs l'ont reconstitué, l'amène dans une agence Pôle Emploi de Valence, le 28 janvier. Deux jours après les tirs en Alsace, il entre en début de matinée dans les locaux puis dans le bureau où se trouve Patricia Pasquion, conseillère de 54 ans, mère de deux enfants, qu'il abat d'une balle, avant de ressortir. Le crime n'a pris que quelques minutes.

Ce meurtre, c'est "de l'injustice pure" témoignait juste après le drame l'une des soeurs de la victime. Marjorie Coste soulignait "la joie de vivre" de Patricia Pasquion. Selon ses collègues de travail, elle était compétente, professionnelle, impliquée.

Patricia Pasquion avait 53 ans. Des anonymes ont déposé des fleurs devant l'agence Pole emploi de Valence en hommage à elle.
Patricia Pasquion avait 53 ans. Des anonymes ont déposé des fleurs devant l'agence Pole emploi de Valence en hommage à elle. © Radio France - Photo fournie à France Bleu Drôme-Ardèche par la famille

Pour la famille de la victime, la peine s'accompagne d'une certaine colère. Patricia Pasquion, responsable d'équipe s'occupant notamment des indemnisations, était régulièrement exposée à des situations conflictuelles avec certains demandeurs d'emploi. Ses sœurs estiment que Pôle emploi n'a pas tout fait pour la protéger malgré de nombreux incidents : intrusion, dégradations, menaces. Elle ont déposé plainte contre Pôle emploi pour "homicide involontaire" en septembre 2022.

En revanche, dans l'enquête, rien ne relie directement Gabriel Fortin à Patricia Pasquion, même si l'ingénieur au chômage avait été inscrit dans l'agence de Valence au début des années 2010. La quinquagénaire aurait pu être une victime symbolique du ressentiment du "tueur de DRH".

Géraldine Caclin, dernière victime du "tueur de DRH"

Il a suffi de quelques minutes pour que le "tueur de DRH" passe du Pôle emploi de Valence à Faun Environnement, une entreprise qui fabrique des véhicules de collecte de déchets à Guilherand-Granges en Ardèche, sur l'autre rive du Rhône. Il parvient à s'introduire dans les locaux, ouvre le feu et tue Géraldine Caclin, 51 ans, directrice de ressources humaines, mère de deux enfants, un garçon et une fille. Elle travaillait dans la société depuis quatorze ans.

Géraldine Caclin, l'une des victimes du "tueur de DRH".
Géraldine Caclin, l'une des victimes du "tueur de DRH". - Document remis

Décrite par son entourage comme très investie dans son travail et sa famille, volontaire et soucieuse des autres, Géraldine Caclin avait eu à faire avec Gabriel Fortin. Comme Bertrand Meichel et Estelle Luce quelques années plus tôt, elle avait pris part à son licenciement de chez Faun, fin 2009, pour "insuffisance professionnelle".

Dans les notes de l'accusé, dont France Bleu Drôme Ardèche a pris connaissance, Gabriel Fortin parle de ce licenciement et de la lettre rédigée par Géraldine Caclin, reçue la veille de Noël 2009. Il en avait conçu une fort ressentiment.

Gabriel Fortin a été arrêté quelques minutes après la mort de Géraldine Caclin, alors qu'il conduisait à contre-sens sur le pont Mistral entre la Drôme et l'Ardèche. Depuis sa mise en examen, il garde le silence. Dans le dossier, tout semble indiquer que le quinquagénaire a voulu se venger de ses échecs professionnels auprès de ceux qu'il accuse de l'avoir "mis à genoux". Mais il a refusé de s'expliquer et n'a participé à aucune des quatre reconstitutions organisées.

Les familles, l'entourage professionnel, les communes endeuillées même, attendent des réponses, sans grand espoir. Quoi qu'il en soit, "la justice se fera, avec ou sans lui mais ses actes seront jugés, c'est certain" déclarait en décembre 2021 Me Gerbi, l'avocat des sœurs de Patricia Pasquion.

Lors du premier procès en 2023, son mari, Mahieu Caclin avait raconté sa descente aux enfers depuis la mort de son épouse. Son fils de 18 ans, avait raconté sa maman, "souriante", "sympa avec tout le monde". Il avait conclu sans avoir de réponse : "Qui pouvait lui en vouloir à ce point ?"

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