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Mort de Nahel : bâtiments incendiés, magasins pillés, bilan d'une troisième nuit d'émeutes en France

- Mis à jour le
Par
  • France Bleu

De nouveaux heurts ont éclaté dans la nuit du 29 au 30 juin dans la plupart des villes françaises, en réaction à la mort de Nahel. De nombreux magasins ont été pillés, jusque dans le centre de Paris. 875 personnes ont été interpellées. Emmanuel Macron va présider une nouvelle cellule de crise.

875 personnes ont été interpellées en France. 875 personnes ont été interpellées en France.
875 personnes ont été interpellées en France. © AFP - Amaury Cornu

Malgré le déploiement de 40.000 policiers et gendarmes, mais aussi d'unités du Raid et de la BRI, la nuit du 29 au 30 juin a de nouveau été marquée par de très nombreuses violences dans la plupart des villes de France. Elles ont suivi de quelques heures la marche blanche en hommage à Nahel, organisée à Nanterre pour ce jeune de 17 ans, victime d'un tir lors d'un contrôle de police. Pour la deuxième fois en deux jours, Emmanuel Macron, qui a quitté le sommet européen à Bruxelles, préside une cellule interministérielle de crise depuis le début de l'après-midi. Le chef de l'État est prêt, "sans tabou", à faire évoluer le dispositif de sécurité, a fait savoir l'Élysée.

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L'essentiel

  • Troisième nuit d'émeutes partout en France, après la mort de Nahel tué par un tir policier
  • 92 bâtiments ont été atteints, 2.000 véhicules brûlés et 3.880 incendies de voie publique allumés, selon les chiffres donnés par le président de la République Emmanuel Macron
  • 875 interpellations en France
  • 249 policiers et gendarmes blessés
  • Nouvelle cellule de crise présidée par Emmanuel Macron depuis 13 heures

Nuit "très difficile", "pire que la précédente"

Un total de 875 personnes ont été interpellées dans la nuit de jeudi à vendredi en France, dont 408 à Paris et sa proche banlieue, selon un bilan définitif du ministère de l'Intérieur. Au total, 492 bâtiments ont été atteints, 2.000 véhicules brûlés et 3.880 incendies de voie publique allumés la nuit dernière, selon les chiffres donnés par le président de la République Emmanuel Macron au début d'une réunion à Matignon sur la politique de la ville et des quartiers prioritaires.

"Il y a eu un nombre de bâtiments publics attaqués assez important, notamment des mairies, des commissariats, des polices municipales et des attaques en direction de magasins, des pillages", avait indiqué Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au logement, sur France Inter, dans la matinée.

De nombreuses tensions à Paris et en banlieue

Une multitude d'incidents ont eu lieu à Paris et dans sa banlieue, malgré les couvre-feux mis en place à Clamart, Neuilly-sur-Marne ou encore Savigny-le-Temple : incendies, tirs de mortier d'artifice et pillages. Selon les informations de franceinfo, il y a eu dans toute l'Île-de-France 2.667 incendies, dont 212 bâtiments et 934 véhicules incendiés. Le reste concerne des feux de poubelles et de mobilier urbain, notamment.

Cette fois, le centre de la capitale n'a pas été épargné : des magasins ont été vandalisés et pillés dans le quartier des Halles et rue de Rivoli, qui longe le Louvre. D'autres pillages ont été constatés dans le quartier Barbès.

À Nanterre, l'épicentre des violences, des bâtiments publics, des écoles et un centre des impôts ont été pris pour cible. Une agence bancaire a été incendiée.

Le terminus de bus du Fort d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, a été incendié, une dizaine de véhicules sont détruits. La RATP va porter plainte. À Noisy-le-Sec, un car privé a été incendié sans faire de blessé, a indiqué le maire Olivier Sarrabeyrouse à France Bleu Paris.

À La Verrière, dans les Yvelines, plusieurs centres de secours ont été pris pour cible. Un poste de la police municipale a été attaqué, rapporte le maire sur Twitter.

En Seine-et-Marne, c'est le bâtiment désaffecté d'une école de gendarmerie qui a été incendié. Quatre entrepôts ont pris feu.

Plusieurs entrepôts industriels et centres de secours ont aussi brûlé dans le Val-d'Oise, et une concession automobile Renault de 6.000 mètres carrés a été ciblée.

Les bus et tramways seront interrompus à 21 heures tous les soirs jusqu'à nouvel ordre en Ile-de-France, a fait savoir IDFM.

En région, les bâtiments publics ciblés

Des violences ont également eu lieu dans de nombreuses villes de France. Des bâtiments publics ont notamment été ciblés.

Comme la veille déjà, Lille et son agglomération ont subi de lourds dégâts. À Lille, le rez-de-chaussée de la mairie du quartier populaire de Wazemmes a été la proie des flammes, celle de Fives, autre quartier populaire, a été caillassée. Le RAID avait pourtant été déployé en ville. Un hôtel a pris feu à Roubaix, les clients ont dû être évacués. À Halluin, la salle des mariages de la mairie a été détruite, là encore par les flammes.

À Halluin, la salle des mariages au rez-de-chaussée de la mairie, a été incendiée dans la nuit de jeudi à vendredi
À Halluin, la salle des mariages au rez-de-chaussée de la mairie, a été incendiée dans la nuit de jeudi à vendredi © Radio France - Jean-Christophe Destailleur

Près de Bordeaux, la salle de spectacle du Pin Galant à Mérignac a été vandalisée. Une trentaine de personnes cagoulées y ont brisé des vitres, saccageant des bureaux ou la billetterie. La mairie de quartier du Grand Parc a brûlé et de nombreux magasins, pharmacies, poste de police, banques et même une école ont été ciblés à Lormont, Pessac, Talence, Floirac ou encore Cenon.

À La Rochelle, une mairie annexe a été incendiée dans le quartier de Villeneuve-les-Salines, rapporte France Bleu La Rochelle. Le bureau de tabac de Villeneuve-les-Salines a été pillé.

Les mairies des quartiers de Borny et Bellecroix ont également été incendiées à Metz, en Moselle, et une salle de concert a été vandalisée, rapporte France Bleu Lorraine Nord. Une trentaine d'individus cagoulés s'y sont introduits, précise le maire à leur micro. À Woippy, près de Metz, le commissariat de la police municipale a été attaqué, ainsi que l'école de la deuxième chance. À Fameck, près de Thionville, la mairie a été envahie et vandalisée. À Longwy, le centre des finances publiques a été incendié.

Dans la Sarthe, les locaux du Mans métropole habitat ont été partiellement incendiés, rapporte France Bleu Maine. Une agence de la banque postale et une boutique ont aussi été prises pour cible.

À Reims, le commissariat du quartier Croix Rouge, l'école de police et la poste du même quartier ont aussi été pris pour cible.

À Saint-Brieuc, une Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) a entièrement brûlé, a constaté France Bleu Armorique.

De nombreuses dégradations ont été constatées à Albi dans le quartier Cantepau, relate France Bleu Occitanie. Plusieurs bâtiments publics ont été visés par les émeutiers comme le siège de l'Agence régionale de santé, le siège départemental de l'office national des anciens combattants ou la Maison des services au public.

Dans le Poitou, Poitiers et Châtellerault ont été touchées : voitures incendiées, tirs de mortier d'artifice. Un commissariat, un bureau de poste et une mairie de quartier ont été visés.

À Sanvignes-les-Mines, en Saône-et-Loire, la mairie a été visée et l'école maternelle de Mâcon dégradée.

Des bâtiments incendiés, des commerces pillés

À Nantes, des commerces ont été pris pour cible dans différents quartiers, rapporte France Bleu Loire Océan. Un magasin Lidl a été attaqué à la voiture-bélier puis pillé. Un restaurant McDonald's a aussi été visé, comme un bureau de tabac et une adresse de l'enseigne de décoration Centrakor. Au sud de la ville, un busway a été incendié. Le réseau de transport annonce qu'aucun véhicule ne circule ce vendredi matin.

À Tours, plusieurs voitures ont été incendiées, ainsi qu'un bus et un minibus. Le magasin Lidl du quartier du Sanitas a été la cible de pillages, selon France Bleu Touraine. Dans une vidéo publiée sur Twitter, on peut apercevoir le maire de Saint-Pierre-des-Corps, près de Tours, violemment pris à partie et insulté devant une voiture en feu.

A Tours, un bus incendié dans la nuit de jeudi à vendredi
A Tours, un bus incendié dans la nuit de jeudi à vendredi © Radio France - Romain Dézèque

Le pillage d'un magasin Spar est aussi signalé à Reims. Dans la préfecture de la Marne, un journaliste de France Bleu Champagne-Ardenne a constaté ce vendredi matin des carcasses de voitures fumantes. Des tirs de mortiers ont été entendus tout au long de la nuit.

À Charleville-Mézières et Chalons-en-Champagne, des poubelles et des voitures ont été incendiées.

En Seine-Maritime, à Maromme dans l'agglomération de Rouen, un tir de mortier a mis le feu à un appartement, sans faire de blessé, raconte France Bleu Normandie. Le maire de la commune a été pris à partie par une dizaine de personnes, après une tentative d'incendie du commissariat. Il s'est réfugié dans la mairie, dont toutes les vitres ont été cassées, selon lui.

Des tirs de mortiers et des voitures brûlées dans les Hauts de Rouen ont été constatés par un reporter de France Bleu Normandie sur place. Un quartier a été bloqué par des émeutiers. Au Havre, des feux de poubelles ont été allumés.

À Brest, des voitures et du mobilier urbain ont brûlé, des commerces ont vu leurs vitrines brisées avant d'être pillées. Il y a eu également de nombreux tirs de mortiers d'artifice. Un club de sport Physic form a été entièrement brûlé, a constaté le reporter de France Bleu Breizh Izel sur place.

Des violences ont également eu lieu à Strasbourg dans les quartiers de la Meinau, de Cronenbourg et du Neuhof rapporte France Bleu Alsace. La préfecture du Bas-Rhin a recensé 76 véhicules brûlés.

Des violences urbaines sont survenues dans la métropole de Pau, mais avec des dégâts limités, indique France Bleu Béarn Bigorre. Des heurts ont éclaté dans les quartiers Saragosse et Ousse-des-Bois à Pau, ainsi qu'à Jurançon où des feux de poubelles ont été allumés. Selon la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, "le bureau de police situé au pôle Laherrère à Pau a été visé par un cocktail Molotov". Des barricades ont été incendiées et des jets de projectiles lancés dans le quartier de l'Ousse-des-Bois. Des affrontements avec la police ont également eu lieu, mais sans faire de blessé.

À Marseille, 14 personnes ont été interpellées, selon un bilan rapporté par France Bleu Provence. Plusieurs vitrines ont été brisées et des magasins pillés. "Des forces obscures profitent de la situation pour tout détruire", dénonce Renaud Muselier ce vendredi matin sur France 2. Le président Renaissance de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur fustige les actes "de voyous de quartier", "150 jeunes" qui ont "brûlé le premier étage de bibliothèque l'Alcazar" à Marseille et "tout pillé".

En Savoie et en Haute-Savoie, des heurts ont éclaté à Annecy, en particulier dans le quartier des Teppes, selon France Bleu Pays de Savoie. Des axes ont été bloqués par des barricades en flamme. Des feux de mobiliers urbains ont été constatés à Annemasse, Chambéry, Albertville et Aix-les-Bains.

À Montargis, dans le Loiret, le maire de la ville dresse un lourd bilan de la nuit. "21 vitrines complètement cassées et plus de 50 vitrines très endommagées. Dix véhicules brûlés et plus de 50 endommagés. Trois immeubles sont à détruire et un quatrième en cours d'incendie" a-t-il relaté à France Bleu Orléans. "Le bilan est terrible. Je n'ai jamais vu ça de ma vie. La ville est encore à feu", s'insurge le maire*. "Les renforts sont arrivés beaucoup trop tard ! On avait 20 policiers nationaux à aligner contre 300 personnes. Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Je suis désolé de parler comme ça. Mais on ne peut pas nous laisser comme ça. J'ai dit à la préfète de venir absolument sur place aujourd'hui. Et j'attends des réponses de la part de Gérald Darmanin".*

La préfecture de Saône-et-Loire rapporte des affrontements entre forces de l'ordre et fauteurs de trouble à Montceau-les-Mines, Châlons-sur-Saône, Le Creusot et Mâcon où l'école maternelle Jean-Zay a été visée. Même chose pour la mairie de Sanvignes-les-Mines.

À Clermont-Ferrand, les sapeurs-pompiers ont réalisé 25 interventions, parfois avec l'aide des gendarmes pour les protéger, venus en soutien dans certains quartiers de la ville.

Plusieurs départs de feux ont été recensés à Amiens (Somme), dans les quartiers Etouvie et Salamandre, a noté France Bleu Picardie. Des groupes s'en sont pris à du mobilier urbain. Le réseau de transport Ametis a décidé de retarder le départ de ces bus, ils démarreront à partir de 6h.

L'état d'urgence pourrait être déclenché

Le président a quitté le sommet de l'Union européenne à Bruxelles avant sa fin et, fait très rare, annulé sa conférence de presse finale pour rentrer à Paris. Il doit être de retour dans la capitale à 13 heures pour présider une réunion de la cellule interministérielle de crise. Il pourrait déclencher l'état d'urgence.

Emmanuel Macron s'est dit prêt à adapter le dispositif de maintien de l'ordre "sans tabou", a fait savoir l'Élysée. "Nous examinerons toutes les hypothèses" avec "une priorité, le retour de l'ordre républicain sur tout le territoire", a indiqué Elisabeth Borne au cours de son déplacement à Évry, dans l'Essonne.

L'instauration de l'état d'urgence, comme lors des émeutes urbaines de 2005 sous la présidence de Jacques Chirac, "c'est évidemment une question qui se pose", a estimé le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, ce vendredi matin sur Sud Radio. Son homologue chargé de la Ville, Olivier Klein, a jugé sur France Inter qu'une telle mesure serait "un aveu d'échec", sans l'exclure formellement.

L'état d'urgence permet notamment aux autorités administratives de prendre des mesures d'exception comme une interdiction de circuler. Il a également été déclenché après les attentats de 2015.

Depuis Évry, la Première ministre est également revenue sur la dernière nuit de violences urbaines : "Ce sont des individus très violents, notamment très jeunes", a souligné Elisabeth Borne, estimant qu'"ils ne sont évidemment pas représentatifs des habitants, qui sont tout aussi choqués que nous".

"La violence est injustifiable", a de son côté fustigé Olivier Klein. "Oui, il y a de la colère, il faut l'entendre, la comprendre, mais les mots qui ont été ceux du président de la République, de la Première ministre, de moi-même en direction de la famille de Nahel sont des mots justes, la justice est en route".

"J'appelle au calme parce que la République a besoin de calme, les quartiers populaires ont besoin de ce calme, n'allons pas prendre des risques d'avoir un nouvel accident. On ne peut pas casser son propre quartier, les bibliothèques, les écoles... C'est ce qui fait la force de ces quartiers, l'éducation, l'accès à la culture".

Par ailleurs, l'ONU a demandé ce vendredi à la France de se pencher sérieusement sur les problèmes de racisme et de discrimination raciale au sein des forces de l'ordre. "C'est le moment pour le pays de s'attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l'ordre", a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme lors du point de presse régulier de l'ONU à Genève.

Mme Shamdasani s'est également dite préoccupée par les violences qui ont éclaté après la mort de Nahel. "Même s'il y a clairement des éléments violents dans les manifestations", "il est crucial que la police respecte à tout moment les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de non-discrimination, de précaution et de responsabilité."

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