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Mort de la petite Hafsa, aux Assises de l'Isère : le procès du salafisme et des services sociaux

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Le procès de Sami Bernoui, 26 ans, et de Noémie Villard, 22 ans, reprend mardi matin devant les Assises de l’Isère. Ce couple de salafistes est accusé de violences et de privation de nourriture sur leur fille Hafsa, qui en est morte le 1er mars 2017, à l'âge de 15 mois.

Entrée de la cour d'assises de Grenoble, située dans le Palais de Justice de la ville.
Entrée de la cour d'assises de Grenoble, située dans le Palais de Justice de la ville. © Radio France - Véronique Pueyo

Le père, crâne rasé et barbe noire, est dans le box car en prison depuis le drame, la mère, prostrée sous son jilbab, sorte de grand voile qui laisse apparaître l'ovale du visage, est, elle, sous contrôle judiciaire depuis un an. Pour l'instant, aucun des deux n'a émis le moindre regret quant à la mort de leur fille. 

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Les parents nient avoir frappé leur fille

Ils disent ne pas comprendre pourquoi elle est morte et surtout n'y être pour rien. Toutefois Noémie Villard étouffera quelques sanglots à deux reprises, quand l'expert psychiatre évoquera Hafsa, lui souriant tandis qu'elle l'allaitait et quand les médecins légistes détailleront les blessures retrouvées sur le corps de l'enfant-martyr, syndrome du bébé secoué et perforation de l'intestin, suivi d'une péritonite ayant conduit à son décès.  

"Le salafisme a contribué à la mort d'Hafsa." - Dounia Bouzar, anthropologue

Dounia Bouzar, anthropologue, spécialiste de la radicalisation, a déposé durant plus de deux heures, mardi, devant la cour d'assises.
Dounia Bouzar, anthropologue, spécialiste de la radicalisation, a déposé durant plus de deux heures, mardi, devant la cour d'assises. © Radio France - Véronique Pueyo

Pour comprendre la rigidité de ce couple, converti au salafisme, la cour a eu l’éclairage de l'anthropologue Dounia Bouzar, spécialiste de la radicalisation. Pour elle, cette pratique a conduit à la mort d'Hafsa ."Les salafistes voient le diable partout. Leurs enfants n'ont pas le droit de s'amuser, d'écouter de la musique, de s'éveiller à la vie. Les droits de l'enfant sont bafoués avec le salafisme.  Il faudrait que les travailleurs sociaux soient formés pour appréhender ce milieu très fermé et qui sait très bien maquiller ses véritables intentions." explique Dounia Bouzar.

Des services sociaux défaillants ?

Au delà des actes reprochés aux parents, convertis au salafisme, ce procès pose également la question de la défaillance des services sociaux. Car Hafsa aurait pu être sauvée si la chaîne des responsabilités n'avait pas déraillé. En effet, à deux mois, l'enfant qui a déjà été conduite deux fois aux urgences, est placée en pouponnière. Elle y restera 10 mois. Mais l’enquête pour maltraitance est classée sans suite et la juge des enfants décide du retour du bébé chez ses parents, retour assorti d'une AEMO, aide éducative en milieu ouvert, le 5 octobre 2016.  

La mère d'Hafsa, de dos, à son arrivée dans la salle de la cour d'assises
La mère d'Hafsa, de dos, à son arrivée dans la salle de la cour d'assises © Radio France - Véronique Pueyo

Au total, une quinzaine de professionnels, médecins, puéricultrices, éducateurs, travailleurs sociaux ont travaillé sur le dossier d'Hafsa. Le 19 janvier 2017, ils se sont même réunis pour dire leurs inquiétudes, car la médecin de la PMI, Protection Maternelle et Infantile, avait décrit une enfant "inexpressive, signe de grande souffrance et de dépression". Et puis, le père avait toujours une bonne excuse pour les empêcher de voir la petite.

Les services sociaux, pourtant inquiets, ne forcent pas la porte des parents d'Hafsa

Toutefois, aucune décision concrète n'est prise, aucun compte-rendu n'est transmis au juge. Tous ignorent que la famille vit dans un appartement, sans chauffage ni électricité, dans la crasse. Mais tous espèrent "apprivoiser les parents et créer avec eux des liens de confiance pour les aider dans leur parentalité"ont-ils déclaré lors de leurs auditions par la cour, tout en reconnaissant, avec le recul qu'il aurait fallu des mesures renforcées d'AEMO et en expliquant qu'ils manquaient de moyens. Hélas, ils n'ont pas eu le temps de voir Hafsa, elle est morte, 5 mois seulement après son retour chez elle.  

Le verdict attendu mercredi 13 novembre

La grand-mère maternelle d'Hafsa, partie civile dans ce dossier et qui n'a jamais pu voir sa petite-fille, de son vivant, car sa fille avait coupé les ponts avec elle, a dit son désespoir et sa colère, vendredi, à la barre, lors de sa déposition : "J'en veux aux services sociaux, qui m'ont prise pour une folle alors que j'essayais d'alerter car je sentais qu'un drame allait arriver"

Ce matin, la cour entendra une dernière fois les deux accusés sur ce qui s'est passé les jours précédant la mort de leur fille, avant les plaidoiries des parties civiles et le réquisitoire de l'avocate générale. Puis il y aura les plaidoiries de la défense. Le verdict devrait intervenir mercredi. Les parents risquent 30 ans de réclusion criminelle.

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