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Verdict du procès de Nordahl Lelandais : l'humanité plutôt que la vengeance

Nordahl Lelandais est reconnu coupable du meurtre d'Arthur Noyer, mais il échappe à la peine maximale. Il a été condamné à vingt ans de réclusion. Verdict équilibré de la cour d'assises de Savoie. Il ne fera pas appel.

Le portrait d'Arthur l'emblème de ce procès. Le portrait d'Arthur l'emblème de ce procès.
Le portrait d'Arthur l'emblème de ce procès. © Maxppp - Pierrick DELOBELLE

"Jugez fermement, mais jugez justement !" Tonitruant, le défenseur du criminel avait clamé : "Cela ne vaut pas trente ans. Jamais !" Alain Jakubowicz a été entendu par les jurés. Après près de sept heures de délibération, la cour d'assises de Savoie condamne Nordahl Lelandais à 20 ans de réclusion, assortie d'une peine de sûreté des deux tiers. Conclusion d'un procès digne, porté par l'humanité des parents du caporal tué en avril 2017. L'humanité plutôt que l'esprit de vengeance. Ce verdict signifie, pour les parents d'Arthur, la reconnaissance du meurtre et pas d'une simple bagarre qui a mal tourné, ainsi que l'a présenté jusqu'au bout son auteur. Du côté de l'accusé, il passe de la peine maximale encourue à la peine plancher inférieure. De 30 à 20 ans de réclusion. La différence n'est pas anodine.

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Le président de la Cour François Xavier Manteaux entouré de deux juges professionnels
Le président de la Cour François Xavier Manteaux entouré de deux juges professionnels © Radio France - Christophe Van Veen

L'intime conviction

La version de Nordahl Lelandais n'a pas convaincu les jurés. Jurés méritoires : en l'absence de preuves, ils se sont basés sur sept jours de débats très intenses et leur intime conviction, ainsi que l'espérait l'avocate générale Thérèse Brunisso qui, en une heure et demie, a laminé l'accusé : mobile sexuel, peine maximale requise, volonté d'achever sa victime au sol, dissimulation du corps. Certes, elle n'avançait pas de preuves, mais pas moins que dans les déclarations de l'accusé. L'intime conviction - article 353 du code de procédure pénale - "il ne s'agit pas de l'émotion ou de l'intuition, c'est juger avec l'intelligence". 

La conviction des jurés de Savoie l'a emporté, en faisant abstraction de l'image médiatique de Lelandais. C'était la supplique de Maître Jakubowicz. "On juge un homme, pas un monstre". Le contempteur des médias a pu être rassuré. La cour n'a pas cédé "au spectre du tueur en série", pas plus qu'à la pression des 46 médias accrédités et de la vindicte populaire. La cour a pris le temps de délibérer. Le verdict est équilibré. Dernier écueil à éviter : juger à Chambéry un homme qui va l'être à Grenoble pour un crime sur une enfant. Ne juger que Chambéry. Le défi semble relevé.

Preuve que ce verdict est équilibré, il a été accueilli dans le calme absolu, le président de la Cour l'a souligné. Calme y compris du côté de Nordahl Lelandais. Nous étions juste à côté de lui au moment de l'annonce. Un uppercut encaissé sans bouger, sans pleurs mais pas sans émotion. Du mal à déglutir. À part ça, aucune expression sur son visage. Et très vite, il reprend la maîtrise et discute avec ses avocats qui parviennent à le faire sourire. Un rire, même. Scène étonnante, ce conciliabule avec les quatre avocats qui tourne à la discussion badine de fin de séminaire, alors qu'il vient d'être condamné pour meurtre. Et l'on repense à cette réflexion d'un des experts qui ont tenté d'ausculter son âme. Dans le chaos émotionnel, comme dans les scènes de crime, l'ancien militaire a appris à se réorganiser, comme à l'armée. 

Moment très fort. Avant de quitter la salle d'audience, Christiane Lelandais et la sœur Alexandra se dirigent vers les Noyer. Chemin inverse du début du procès où Didier Noyer était allé vers elles. Peu de mots, des regards, et Christiane tient Quentin par le bras. Lui a perdu son frère, elle vient de voir son fils partir pour longtemps en prison.

Fin du procès Lelandais à Chambéry
Fin du procès Lelandais à Chambéry © Radio France - Christophe Van Veen

Les enseignements du procès de Chambéry

À qui ressemblait Nordahl Lelandais après quasiment quatre ans d'incarcération seul dans sa cellule ? Le Savoyard a soigné son entrée. "Normal" Lelandais, il a banalisé jusqu'à son physique, espérant que cela déteigne sur la perception de ses actes. Adepte du bouddhisme, l'accusé dit apprendre l'empathie et a multiplié les demandes de pardon à la famille d'Arthur Noyer. On a noté quelques rechutes de l'apprenti bonze, dès qu'il est attaqué sur son manque d'amour pour son prochain, notamment par les psy.

Qui s'en serait douté ? Nordahl Lelandais a suscité et déçu tant d'amour ! Sa mère, sa sœur et ses amis de Chambéry et de l'Avant-Pays savoyard. Leurs témoignages puissants ont bouleversé jusqu'à la famille de la victime. Si aimé que personne n'a vu venir la catastrophe. Cet ami "auprès de qui même la trahison n'oserait se confier", comme l'écrivait Cioran dont la noirceur colle assez bien au teint de Lelandais.,Et il leur disait oui avec la tête. Et il leur a dit non avec les mots. "J'ai dit ce qui s'est passé. J'ai donné la mort sans vouloir la donner".   

Le Nordahl Lelandais 2021
Le Nordahl Lelandais 2021 © Radio France - Valentien Pasquier

L'image fantasmée du monstre absolu a été retouchée, bien aidé en cela par l'humanisme rayonnant de la famille Noyer.

Nordahl Lelandais s'est, en revanche, montré à la hauteur de sa réputation : insaisissable, impossible à confondre sans preuve, arrogant dans l'adversité, maîtrisant l'art de l'interrogatoire à la perfection. Le président de la cour a eu beau ciseler son passage à la question, son partenaire n'a jamais baissé la garde. Maître Boulloud, l'avocat des parents d'Arthur Noyer, avait estimé à 1% les chances d'une évolution de la version des faits estampillée Nordahl Lelandais. 1 %, c'était encore trop, car il préparait clairement le procès d'après, le dossier de Grenoble. Et les rares fois où il a semblé vaciller, c'est lorsqu'on s'est approché de l'ombre de Maëlys.

Arthur le référent humain

Ce procès Lelandais en deux temps - Arthur Noyer puis Maëlys, en deux palais de justice - Chambéry puis Grenoble, a pu poser question. Il a donné toute sa place à la famille d’Arthur, à Arthur, à ce portrait posé au sol face à son tueur de la première à la dernière minute. Le caporal Noyer, comme on le présentait un peu vite, était aussi le danseur compulsif qui aimait la fête, le skateur amateur de glisse. Ce visage solaire. Le ciment de ma section, a expliqué son chef au 13e BCA de Barby (Savoie). "Référent humain" lors d’une mission, le militaire chargé de veiller sur les autres, de déceler quand ils ont un coup de moins bien. Référent humain, assez logique pour ce Berruyer qui a grandi avec pour référence l’humanité. Un humble gars élevé dans la valeur d’aller vers l’autre. Mais comme a dit son père, "un jour, on peut tomber sur un méchant"

Le portrait d'Arthur devant le palais de justice de Chambéry à la fin du procès
Le portrait d'Arthur devant le palais de justice de Chambéry à la fin du procès © Radio France - Christophe Van Veen

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