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Cold cases : "Il n'y a pas un dossier qui résiste à l'enquête", martèle l'avocate spécialisée Corinne Herrmann

Par
  • France Bleu

Elle a travaillé sur les crimes des tueurs en série Francis Heaulme, Émile Louis et Michel Fourniret. Elle est l'avocate des victimes dans 11 enquêtes rouvertes par le pôle "cold cases". Corinne Herrmann dresse, sur France Bleu, son bilan de cette juridiction spécialisée, deux ans après sa création.

Corinne Herrmann au procès de Monique Olivier en novembre 2023. Corinne Herrmann au procès de Monique Olivier en novembre 2023.
Corinne Herrmann au procès de Monique Olivier en novembre 2023. © AFP - Serge Tenani

"Ça a redonné de l'espoir, de l'envie, des perspectives pour des familles en attente de réponse, ça leur a redonné le goût du combat" : deux ans après la création du pôle national dédié aux crimes sériels ou non élucidés à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, Corinne Herrmann ne tarit pas d'éloge sur le travail des magistrats spécialisés dans les "cold cases". "On a des magistrats qui nous écoutent, on est plus efficaces et plus rapides et on va à l'essentiel entre spécialistes du crime".

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Depuis plus de vingt ans, Corinne Herrmann défend des victimes de crimes non résolus, parfois très anciens. Avec Didier Seban (avec lequel elle a travaillé en duo avant de fonder son propre cabinet), elle est l'une des figures médiatiques de la bataille que les proches des victimes doivent livrer quand une affaire criminelle est dans l'impasse.

L'avocate plaidait en décembre dernier pour défendre les proches de Marie-Angèle Domèce lors du procès de Monique Olivier, ex-femme du tueur en série Michel Fourniret. La jeune femme a disparu en 1988 et son corps n'a jamais été retrouvé. Monique Olivier a finalement été condamnée à la réclusion à perpétuité pour complicité dans l’enlèvement et la séquestration dans cette affaire.

Des affaires sur le point d'être résolues

Parmi la centaine de procédures examinées par le pôle "cold cases", la disparition de Lydie Logé fait partie des crimes pour lesquels la famille pourrait obtenir des réponses dans les mois qui viennent, selon Corinne Herrmann. Le couple Fourniret-Olivier est mis en examen dans l'enquête sur la disparition de cette jeune femme en 1993 dans l'Orne. "Grâce au pôle judiciaire, des expertises génétiques complémentaires ont été réalisées. Il nous manque le scénario et le corps de la victime, mais on espère avoir des fouilles qui vont nous permettre de la trouver" assure Corinne Herrmann.

L'avocate ne nous livrera pas une liste détaillée de ses 11 affaires traitées par le pôle de Nanterre, "parce qu'on a parfois besoin de travailler dans le secret pour bien faire les choses". Mais "pour celles dont [elle peut] parler", la mobilisation des magistrats et de leur équipe porte ses fruits : "Les affaires des disparus de l'Isère, ça avance très vite, mais aussi l'affaire Tiphaine Véron au Japon, une autre en Croatie, etc". Avant la création du pôle, il y a deux ans, "on perdait des années à expliquer" insiste l'avocate. "Pour le dossier Marie-Rose Blétry, on a travaillé plus de dix ans pour obtenir des expertises génétiques qui ont matché tout de suite. C'est comme si on était passé d'une Micheline à un TGV." En 2018, Pascal Jardin a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir violé et tué Christelle Blétry, la fille de Marie-Rose, en Saône-et-Loire, 22 ans plus tôt.

À partir de quel moment peut-on dire qu'un "cold case" est résolu ? "C'est résolu quand on a identifié un auteur pour les familles. On n'est pas obligé d'avoir un procès même s'il peut être réparateur. L'essentiel, c'est d'avoir une réponse".

"C'est comme un film dont on a envie de savoir la fin"

Lydie Logé, Marie-Angèle Domèce, Tiphaine Véron... si Corinne Herrmann s'investit pour faire émerger les secrets de ces histoires terribles, "c'est parce que ces affaires sont venues [la] chercher". Au début des années 2000, quand elle révèle l'affaire des disparues de l'Yonne et fait tomber leur meurtrier, le chauffeur de bus Émile Louis, elle apprend à travailler sur des dossiers anciens, à étudier le profil des tueurs en série, "car la plupart de leurs crimes sont des cold cases". À l'époque où elle commence à travailler sur les affaires Fourniret, en 2004, "les dossiers dataient de 1987" se rappelle-t-elle. "Je sais qu'il n'y a pas un dossier qui résiste à l'enquête, ou très peu. Et moi, j'adore recenser tout ce qui n'a pas été au bout, toutes les pistes, tous les alibis auxquels on ne croit pas".

Cette mission d'avocate spécialisée dans les affaires non résolues confine au sacerdoce, voire à l'addiction, mais Corinne Herrmann assume : "C'est comme un film dont on a envie de connaître la fin. C'est un engagement, cela représente un coût et c'est un vrai choix en termes de mise en danger psychologique. La souffrance des victimes nous arrive dessus comme un tsunami, mais je refuse de la mettre de côté, on essaye de la transformer en moteur pour qu'elle amène à quelque chose. Donc ça implique de longues discussions, des rendez-vous, des déplacements…".

Pour l'avocate, qui s'est parfois sentie seule face à l'institution judiciaire qui refusait de rouvrir une enquête, "la plus grande réussite du pôle, c'est d'avoir fait changer les états d'esprit, y compris en province. Des enquêteurs peuvent aujourd'hui se dire : "Le dossier n'est pas trop vieux et on peut y arriver".

"On ne connaît pas les prochains tueurs en série"

Il y a deux ans, quand le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti a annoncé la création de ce pôle consacré aux affaires non résolues et aux crimes en série, il évoquait 68 procédures de crimes en série. "Moi, ça m'affole", insiste Maître Herrmann. "Par définition, il y a des crimes non résolus donc il y a des tueurs en série. Ça, c'est une certitude. Et moins on arrête certains profils psychologiques, plus on les laisse agir, plus ils vont récidiver. Parce qu'ils ont envie de prendre la cacahuète suivante, et puis la suivante, et puis la suivante, puis la suivante et la suivante. On ne connaît pas les prochains tueurs en série. Leur mode opératoire s'est adapté grâce aux médias, grâce aux réseaux sociaux et cela nous oblige à nous adapter encore, de notre côté. Et il y en a beaucoup qui passent au travers."

S'intéresser aux zones d'ombre dans le parcours de certains criminels fait aussi partie des missions du pôle "cold cases". Il s'agit d'une nouvelle forme d'investigation où les enquêteurs s'intéressent à la vie d'un criminel, aux endroits où il a habité, à ses déplacements, pour lui trouver d'éventuelles autres victimes. Les juges de Nanterre se penchent ainsi actuellement sur le parcours de neuf criminels français, identifiés comme tueurs en série ou non, tels Jacques RançonNordahl LelandaisPascal Jardin ou encore Patrice Alègre.

> Toutes les personnes susceptibles d’apporter un témoignage utile à une enquête évoquée dans cet article peuvent écrire à cette adresse : temoignages.coldcase.tj-nanterre@justice.fr

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